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28/10/2021 | FRANCE | N°19LY01021

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 28 octobre 2021, 19LY01021


Vu les procédures suivantes :

I - Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 19LY01021 les 15 mars 2019 et 14 décembre 2020, la société d'exploitation Iris Intervent, représentée par Me Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté n° 79 du 11 février 2019 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de Darcey et Corpoyer-la-Chapelle ;

2°) de délivrer l'autorisation d'exploiter sollicitée au titre de la législation des installations classées

pour la protection de l'environnement, à titre subsidiaire, d'enjoindre sous astreinte au ...

Vu les procédures suivantes :

I - Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 19LY01021 les 15 mars 2019 et 14 décembre 2020, la société d'exploitation Iris Intervent, représentée par Me Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté n° 79 du 11 février 2019 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de Darcey et Corpoyer-la-Chapelle ;

2°) de délivrer l'autorisation d'exploiter sollicitée au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, à titre subsidiaire, d'enjoindre sous astreinte au préfet de la Côte-Or de délivrer cette autorisation dans le délai d'un mois, à défaut de statuer à nouveau dans le même délai sur sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;

- le projet ne porte pas atteinte au paysage et aux sites protégés ;

- l'impact depuis le site d'Alésia est traité au travers de plusieurs points de vue représentés dans le volet paysager annexé à l'étude d'impact ;

- l'impact potentiel des éoliennes sur le village médiéval de Flavigny-sur-Ozerain n'est pas démontré ;

- l'impact des éoliennes sur les habitations les plus proches sera faible voire nul ;

- l'étude de dangers n'est pas incomplète et est conforme aux dispositions alors applicables des articles L. 512-1 et R. 512-9 du code de l'environnement ;

- le préfet ne pouvait pas se fonder sur la circonstance que les réserves émises par la commission d'enquête publique au terme de son avis favorable n'auraient pas été levées pour refuser de délivrer l'autorisation d'exploiter sollicitée ;

- le motif tiré de la diminution de la hauteur des éoliennes ne pouvait pas lui être opposé ;

- le motif tiré de la réalisation d'une étude hydrogéologique est erroné dès lors qu'elle a prévu de réaliser cette étude avant la mise en œuvre des travaux de constructions des éoliennes ;

- elle a défini des mesures permettant d'éviter de réduire les risques d'impacts négatifs sur les chiroptères ;

- elle a prévu de mettre en œuvre lors de l'exploitation du parc éolien un mode de fonctionnement optimisé des éoliennes afin de respecter la réglementation acoustique ;

- les motifs adoptés par le préfet sont identiques à ceux mentionnés dans les refus de permis de construire du 22 décembre 2015 qui ont été censurés par un jugement du tribunal administratif de Dijon confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 30 octobre 2018, décisions qui ont conduit l'autorité préfectorale à délivrer les permis de construire.

Par mémoire enregistré le 30 octobre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête de la société Iris Intervent en soutenant que les moyens invoqués en sont pas fondés.

Par mémoires enregistrés les 30 octobre 2020 et 20 janvier 2021 (non communiqué), M. et Mme B... C... et la F... de D... de E..., représentés par Me Monamy, interviennent au soutien des conclusions de la ministre de la transition écologique.

Ils soutiennent que le projet en litige et notamment les éoliennes E7 et E8 vont créer un effet de surplomb et d'écrasement vis-à-vis de la ferme de la combe Ernoblène.

Par mémoire enregistré le 30 octobre 2020, la commune de Flavigny-sur-Ozerain, représentée par Me Monamy, intervient au soutien des conclusions de la ministre de la transition écologique.

Elle soutient que le projet en litige porterait atteinte au site et à son attractivité touristique.

Par ordonnance du 17 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 janvier 2021.

II - Par une requête et des mémoires enregistrés les 10 septembre 2019, 21 août 2020, 30 octobre 2020 et 8 mars 2021 (non communiqué) sous le n° 19LY03496, M. et Mme B... C... et la F... de D... de E..., représentés par Me Monamy, demandent à la cour :

1°) d'annuler la décision du 9 juillet 2019 par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a implicitement rejeté le recours gracieux formé contre les deux arrêtés du 23 janvier 2019 portant délivrance de permis de construire de huit éoliennes et deux structures de livraison sur le territoire des communes de Corpoyer-la-Chappelle et de Darcey, ensemble les deux arrêtés précités du préfet de la Côte-d'Or du 23 janvier 2019 ;

2°) de mettre à la charge de la société d'exploitation Iris Intervent le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés attaqués sont entachés d'incompétence ;

- le projet architectural est incomplet au regard des dispositions des articles R. 431-4 et suivants du code de l'urbanisme en ce qu'il ne mentionne pas les abords qui accompagnent les monuments historiques et l'étude d'impact sous-estime les impacts paysagers ; les demandes de permis de construire ne comportent aucune analyse de l'impact paysager du projet sur la ferme de la combe Ernoblène ;

- les arrêtés attaqués méconnaissent l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- le pétitionnaire ne disposait pas d'un titre l'habilitant à construire concernant les pales de l'éoliennes E1.

Par mémoires enregistrés les 16 mars 2020, 6 octobre 2020, 8 mars 2021 (non communiqué) et 16 mars 2021 (non communiqué), la société d'exploitation Iris Intervent, représentée par Me Guiheux, conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par mémoire enregistré le 9 février 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 9 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 mars 2021.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Rochard, substituant Me Guiheux, pour la société d'exploitation Iris Intervent ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Iris Intervent a déposé les 28 août et 2 septembre 2014 des demandes de permis de construire quatre éoliennes d'une hauteur de 207 mètres en bout de pale et deux structures de livraison sur des terrains situés, d'une part, aux lieux-dits le Haut de Saussey, le Bas de Saussey, les Fouies, Grands Champs et les Creux à Corpoyer-la-Chapelle et, d'autre part, au lieu-dit La Roture à Darcey. Le préfet de la région Bourgogne a refusé de délivrer les deux permis de construire par deux arrêtés du 22 décembre 2015 qu'a annulé le tribunal administratif de Dijon par jugement n° 1600361 lu le 11 avril 2017. Sur injonction juridictionnelle, la préfète de la région Bourgogne a délivré les permis de construire par deux arrêtés du 23 janvier 2019, contestés dans la requête n° 19LY03496, mais a refusé l'autorisation d'exploiter par arrêté du 11 février 2019, contesté dans la requête enregistrée sous le n° 19LY01021.

2. Ces décisions sont relatives au même projet et présentent à juger de questions similaires. Par suite, il y a lieu de joindre les requêtes visées ci-dessus et de statuer par un seul arrêt.

Sur les permis de construire délivrés le 23 janvier 2019 :

3. En premier lieu, les deux arrêtés attaqués ont été signés par M. Christophe Marot, secrétaire général de la préfecture, qui disposait par arrêté n° 654/SG du 26 juillet 2018 publié au recueil des actes administratifs n° 21-2018-045 du 27 juillet 2018 d'une délégation de signature à l'effet de signer tous arrêtés relevant des attributions de l'État dans le département de la Côte-d'Or, s'étendant aux autorisations de construire des ouvrages de production d'énergie en vertu des articles L. 422-2 et R. 422-2 (dans sa rédaction alors en vigueur) du code de l'urbanisme. Ils ne sont dès lors pas entachés d'incompétence.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire (...) sont adressées (...) : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 431-5 du même code dans sa rédaction applicable à la date du litige : " La demande comporte (...) l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ". Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire ne doivent comporter que les pièces attestant de ce que le pétitionnaire remplit formellement les conditions définies à l'article R. 423-1 précité. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation produite par le demandeur. Ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui produit ladite attestation doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande.

5. Or, il ressort des pièces du dossier que l'attestation requise par l'article R. 423-1 a été produite au dossier de demande de permis de construire par la société Iris Intervent. Dès lors, le moyen tiré du défaut de qualité du pétitionnaire pour solliciter les permis de construire en litige ne peut qu'être écarté, le repentir exprimé en cours d'instance, et pour les besoins de la cause, de la propriétaire d'une parcelle surplombée par les pales d'une des éoliennes n'étant pas de nature à remettre en cause le droit de construire du pétitionnaire, à la date à laquelle l'autorité préfectorale a statué, ni à démontrer que son consentement aurait été obtenu par un procédé frauduleux.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ". Aux termes de l'article R. 431-7 du même code : " Sont joints à la demande de permis de construire : (...) b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12. " Aux termes de l'article R. 431-8 : " Le projet architectural comprend une notice précisant :1° L'état initial du terrain et de ses abords (...) 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : (...) b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles (...) c) Le traitement des constructions, (...)aménagements situés en limite de terrain (...) ". La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où ces omissions, inexactitudes ou insuffisances ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

7. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le volet paysager des dossiers de demandes de permis de construire comporte, notamment dans l'étude d'impact du parc éolien, l'inventaire des éléments protégés du patrimoine et des sites culturels, du patrimoine archéologique, des monuments historiques autour du site et de sa périphérie et des différentes zones de protection (UNESCO et ZPPAUP) ainsi que du patrimoine archéologique, mentionne le contexte géographique et les différents unités paysagères de l'aire d'étude avant de préciser, dans le cadre du choix du projet, les éléments du patrimoine proches du projet et les conséquences du projet en terme d'insertion paysagère au regard de photomontages. D'autre part, s'agissant de l'impact paysager sur la ferme de la combe Ernoblène, alors que cette dernière ne fait l'objet d'aucune protection au titre des monuments historiques et que l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ne requiert pas une analyse des impacts sur les constructions avoisinantes mais uniquement une description de ces constructions, l'étude d'impact comporte plusieurs photomontages selon des points de vue plus ou moins proches et incluant les constructions avoisinantes. L'ensemble de ces éléments était de nature à permettre à l'autorité administrative de porter, en connaissance de cause, son appréciation sur l'insertion du projet dans son environnement.

8. En dernier lieu, aux termes de R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des (...) ouvrages à édifier (...), sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le projet doit être implanté en bordure du plateau du Duesmois, lui-même compris dans une zone agricole et boisée qui ne présente pas d'attrait particulier. Si les requérants soutiennent que les éoliennes 7 et 8 créeront un effet de surplomb et d'écrasement de la ferme de la combe Ernoblène, l'étude d'impact et notamment les photomontages démontrent que ce phénomène sera atténué par les caractéristiques du paysage agricole et la topographie ainsi que par l'éloignement de plus de 500 mètres de l'éolienne la plus proche et la ferme d'où les éoliennes ne seront visibles que depuis le hangar. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés en litige seraient entachés d'erreur manifeste d'appréciation de l'atteinte portée à l'un des intérêts protégés par les dispositions citées au point 8.

10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... et la F... de D... de E... ne sont pas fondés à demander l'annulation des permis de construire un parc éolien sur le territoire des communes de Corpoyer-la-Chapelle et de Darcey délivrés le 23 janvier 2019 à la société Iris Intervent, non plus que du rejet de leur recours gracieux formé contre les deux arrêtés. La société Iris Intervent n'étant pas partie perdante, la demande des requérants présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.

Sur le refus d'autorisation d'exploiter le parc éolien opposé par l'arrêté n° 79 du 11 février 2019 :

En ce qui concerne les interventions :

11. En premier lieu et compte tenu de la localisation de l'installation en litige, composée de huit éoliennes, chacune d'une hauteur de 207 mètres, situées sur le plateau calcaire du Duesmois à une distance entre 535 mètres à 2 700 mètres de la ferme de la combe Ernoblène occupée par M. et Mme C..., ces derniers ont un intérêt suffisant au maintien du refus d'autorisation d'exploiter en litige. Leur intervention, régularisée par l'enregistrement du mémoire en défense le même jour, doit dès lors être admise.

12. En deuxième lieu, la F... de D... de E..., qui dispose d'un agrément au sens de l'article L. 142-1 du code de l'environnement, bénéficie d'un intérêt suffisant au maintien du refus d'autorisation d'exploiter en litige au regard de ses statuts dont l'article 1er prévoit qu'elle a pour but " d'empêcher que les sites naturels (...), ne soient dégradés ou détruits par des spéculations des industries, des constructions, des travaux publics, conçus installés, exécutés sans aucun souci de l'aspect de la région et des intérêts même matériels qui sont attachés à cet aspect ".

13. En dernier lieu, le projet en litige, s'il est prévu à plus de 7 kilomètres de la commune de Flavigny-sur-Ozerain, emportera une co-visibilité des éoliennes avec la silhouette du village médiéval de cette commune, lequel a dès lors un intérêt suffisant au maintien du refus d'autorisation d'exploiter en litige.

En ce qui concerne le fond du litige :

14. En premier lieu et pour les motifs du point 3, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de la demande d'autorisation d'exploiter : " / (...) / Le demandeur fournit une étude de dangers qui précise les risques auxquels l'installation peut exposer, directement ou indirectement, les intérêts visés à l'article L. 511-1 en cas d'accident, que la cause soit interne ou externe à l'installation. / Le contenu de l'étude de dangers doit être en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation. En tant que de besoin, cette étude donne lieu à une analyse de risques qui prend en compte la probabilité d'occurrence, la cinétique et la gravité des accidents potentiels selon une méthodologie qu'elle explicite. / Elle définit et justifie les mesures propres à réduire la probabilité et les effets de ces accidents (...) ". Aux termes de l'article R. 512-9 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " I. L'étude de dangers mentionnée à l'article R. 512-6 justifie que le projet permet d'atteindre, dans des conditions économiquement acceptables, un niveau de risque aussi bas que possible, compte tenu de l'état des connaissances et des pratiques et de la vulnérabilité de l'environnement de l'installation. / (...) / L'étude comporte, notamment, un résumé non technique explicitant la probabilité, la cinétique et les zones d'effets des accidents potentiels, ainsi qu'une cartographie des zones de risques significatifs. (...) ". En application de ces dispositions, le contenu de l'étude de dangers doit être proportionné avec l'importance des risques engendrés par l'installation, de son environnement et de la vulnérabilité des intérêts protégés par les articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement.

16. Il résulte de l'instruction que l'étude de dangers produite par la société pétitionnaire à l'appui de sa demande d'autorisation d'exploiter a recensé l'ensemble des installations industrielles situées sur le territoire des sept communes entourant le site d'implantation des éoliennes, notamment la carrière exploitée sur la commune de Corpoyer-la-Chapelle. Si cette étude n'a pas examiné le scénario de projection de pale ou de fragment de pale, la société produit une analyse complémentaire à l'instance, non remise en cause par la défense, démontrant que cette imprécision est sans incidence sur les résultats de l'étude de dangers eu égard à la probabilité significativement faible de tels incidents emportant un degré d'exposition évalué à 0,02 %. De même, aucune insuffisance ne peut être retenue s'agissant de l'analyse des risques d'effondrement et de projection de glace évalués à partir d'une hauteur de mât de 147 mètres alors que la demande d'autorisation porte sur des hauteurs de mât de 149 mètres, dès lors que cette différence minime au regard de la hauteur totale des machines n'a pas emporté de sous-estimation manifeste des superficies et du nombre de personnes susceptibles d'être exposées. Par ailleurs, si l'analyse du phénomène d'effondrement et de la gravité associée contenue dans l'étude de danger concernant l'éolienne E3 retient un nombre de personnes exposées dans la zone d'effet sensiblement plus faible que celui issu du rapport de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement en date du 22 octobre 2019 la différence ainsi relevée, qui ne peut être considérée comme significative d'autant qu'elle est isolée au sein de cette étude, ne pouvait être retenue pour caractériser l'existence de lacune dans l'étude de dangers. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la société Iris Intervent est fondée à soutenir que c'est à tort que pour refuser de lui délivrer l'autorisation d'exploiter le parc éolien en litige, le préfet de la Côte-d'Or s'est fondé sur le caractère lacunaire de l'étude de dangers.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement dans sa version alors applicable : " (...) la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet (...), la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet (...) en réponse aux observations du public. / (...) la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (...) ".

18. Il résulte de l'instruction que pour refuser de délivrer l'autorisation d'exploiter, le préfet de la Côte-d'Or s'est approprié les réserves émises par la commission d'enquête concernant la hauteur des éoliennes projetées, et l'absence de différentes études concernant l'hydrogéologie, les chiroptères ou encore les nuisances sonores.

19. Toutefois, si la commission d'enquête a préconisé une réduction de la hauteur en bout de pale de 200 mètres à 150 mètres, il résulte de l'instruction que l'impact du projet sur le paysage, quelle que soit la hauteur retenue, demeurera modéré pour les vues rapprochées sur le plateau de Darcey et de Corpoyer-la-Chapelle. Compte tenu de l'éloignement du site d'Alésia et de la commune de Flavigny-sur-Ozerain, cet impact sera négligeable et une diminution de hauteur serait imperceptible, alors en outre que des éoliennes de 200 mètres telles qu'envisagées par la société Iris Intervent permettront de dégager au point bas de la rotation des pâles une garde au sol de 90 mètres compatible avec l'altitude d'évolution des chiroptères et des rapaces présents sur le site. Au regard de ces éléments, qui ne sont pas contestés et compte tenu de l'impact limité des éoliennes de grande taille sur le paysage et l'avifaune, la société pétitionnaire est fondée à soutenir que le préfet ne pouvait, sans méconnaître les dispositions citées au point 17, fonder le refus d'autorisation en litige sur la réserve émise par la commission d'enquête.

20. Par ailleurs, si la société pétitionnaire n'a envisagé, dans l'étude d'impact, que la réalisation d'une seule étude géotechnique préalablement à la phase de travaux, il est explicitement prévu une obligation faite aux entreprises intervenantes de respecter les règles d'intégration environnementales afin d'éviter toute pollution pendant les travaux. Par suite, et en l'absence d'autre élément en défense, la société Iris est également fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet de la Côte-d'Or lui a opposé l'absence d'un telle étude pour fonder l'arrêté en litige.

21. De plus et contrairement à ce qu'a retenu l'autorité environnementale, le dossier de demande définit des mesures permettant de réduire voire d'éviter les risques d'impacts sur les chiroptères identifiés lors des campagnes d'écoutes de 2012 et 2014, les incidences de chacune des éoliennes projetées ayant été étudiées et des mesures palliatives ayant été définies telles que le choix de modèle de grande taille, le bridage des éoliennes E1, E2, E4, E6 et E8 situées dans les zones de forte incidence ainsi qu'un suivi de l'activité chiroptérologique. Enfin, l'étude d'impact comporte une étude acoustique et la prévision d'installation, en phase d'exploitation du parc éolien, un mode de fonctionnement permettant de respecter la réglementation acoustique, notamment les seuils d'émergence. Dès lors, la société Iris Intervent est fondée à soutenir que le préfet de la Côte-d'Or ne pouvait lui refuser pour ces derniers motifs, l'autorisation d'exploiter sollicitée.

22. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. " Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. " Aux termes de l'article L. 181-3 du même code : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ".

23. Il résulte de l'instruction, d'une part, s'agissant de l'impact du projet sur le site d'Alésia, que le site d'implantation du projet en litige est situé à 7,3 kilomètres de la première éolienne et, ainsi que le démontre l'étude paysagère jointe au dossier, qu'à une telle distance la perception des machines sera très atténuée jusqu'à devenir inexistante depuis la statue de Vercingétorix distante de plus de 8 kilomètres de l'éolienne la moins éloignée. Enfin, à l'égard du Muséoparc de Vénarey-les-Laumes équipé d'une table d'orientation en toiture-terrasse, l'éolienne la moins éloignée, distante de 10 kilomètres, aura un impact quasi nul. S'agissant du village de Flavigny-sur-Ozerain, l'éolienne la moins éloignée de la route départementale conduisant au village en sera distante de 8,3 kilomètres, d'où un impact largement atténué, alors qu'aucune éolienne ne sera perceptible depuis le bourg historique. Enfin, ainsi qu'il est dit précédemment, la perception des installations depuis la ferme Ernoblène, quoique réel, ne se traduit pas par un effet de surplomb ou de saturation du paysage excédant les inconvénients attentatoires aux intérêts protégés par les dispositions citées au point 22. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le préfet de la Côte-d'Or n'a pu, sans méconnaître de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, refuser l'autorisation d'exploiter en raison de l'impact sur les sites environnants.

24. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté n° 79 du 11 février 2019 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de délivrer à la société Iris Intervent l'autorisation d'exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de Darcey et Corpoyer-la-Chapelle doit être annulé.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

25. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction (...) d'une astreinte (...) ".

26. Il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est pas soutenu en défense, qu'une autre atteinte serait portée aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dans des conditions qui feraient obstacle à l'implantation du parc éolien. En revanche, si le juge du plein contentieux peut délivrer l'autorisation, celle-ci ne pourrait être mise en œuvre qu'avec les prescriptions qu'appelleraient, le cas échéant, les avis recueillis par le service instructeur. Il suit de là que les conclusions en délivrance d'autorisation d'exploiter par la cour, présentées à titre principal, ne permettraient pas d'éviter qu'une injonction résiduelle soit adressée à l'administration. Ainsi, le présent arrêt implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-1 précité, que le préfet de la Côte-d'Or délivre l'autorisation d'exploiter sollicitée, le cas échéant, assortie des prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés par l'article L. 511-1 précité du code de l'environnement. Il y a lieu de lui impartir un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte journalière de 200 euros qui courra depuis le jour suivant l'expiration du délai de deux mois jusqu'à la date à laquelle cet arrêt aura reçu exécution.

Sur les frais du litige :

27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État le versement à la société Iris Intervent de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête n° 19LY03496 de M. et Mme B... C... et A... la F... de D... de E... est rejetée.

Article 2 : Les interventions de M. et Mme C..., A... la F... de D... de E... et de la commune de Flavigny-sur-Ozerain à l'instance n° 19LY01021 sont admises.

Article 3 : L'arrêté n° 79 du 11 février 2019 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de délivrer une autorisation d'exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de Darcey et Corpoyer-la-Chapelle est annulé.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de délivrer à la société Iris Intervent une autorisation d'exploiter des installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur les communes de Darcey et Corpoyer-la-Chapelle, le cas échéant, assortie des prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : Une astreinte de 200 euros par jour est prononcée à l'encontre de l'État s'il n'est pas justifié de l'exécution du présent arrêt dans le délai mentionné à l'article 4 ci-dessus. Le préfet de la Côte-d'Or communiquera à la cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le présent arrêt.

Article 6 : L'État versera à la société Iris Intervent la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête n° 19LY01021 est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation Iris Intervent, à la ministre de la transition écologique, au préfet de la Côte-d'Or, à M. et Mme C..., à la F... de D... et à la commune de Flavigny-sur-Ozerain.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2021.

N° 19LY01021, 19LY03496

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01021
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-28;19ly01021 ?
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