Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, à titre principal, de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2013 et des majorations correspondantes, à titre subsidiaire, la réduction de ces impositions et majorations.
Par un jugement n° 1704623 du 4 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 novembre 2019 et le 17 septembre 2021, Mme B..., représentée par Me Puy-Pomagalski, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction du complément d'impôt sur le revenu, à hauteur de 46 265 euros, des contributions sociales, à hauteur de 37 743 euros, et des majorations correspondantes à hauteur de 8 063 euros ;
3°) de prononcer la restitution des sommes versées assortie des intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la SCI Tripier Thonon n'a réalisé aucune plus-value lors de la cession à la SCI Iberia, venant aux droits de la SA Richardson frères avec laquelle elle avait conclu un bail à construction le 11 avril 1983, des constructions qui lui ont été remises par le preneur en fin de bail, le 31 mars 2013, sans indemnité, dès lors que la valeur vénale de ces constructions est nécessairement équivalente à leur prix de cession et que ces constructions, dont elle n'est demeurée propriétaire que quelques jours avant de les revendre, n'ont subi aucune plus-value dans l'intervalle ;
- pour le calcul de la plus-value, le prix d'acquisition s'entend de la valeur vénale réelle à la date d'entrée dans le patrimoine du cédant ; dès lors que ce prix de vente et le prix d'acquisition sont d'un même montant, aucune plus-value ne peut être constatée ;
- à titre subsidiaire, elle peut prétendre à l'application d'un coefficient d'érosion monétaire, en application de la décision n° 2016-538 du Conseil constitutionnel du 22 avril 2016.
Par un mémoire, enregistré le 15 avril 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Tripier Thonon, société relevant de l'article 8 du code général des impôts dont Mme B... est l'unique associée et la gérante, a acquis, le 27 janvier 1981, un terrain situé à Anthy-sur-Leman (Haute-Savoie) qu'elle a donné en location, le 11 avril 1983, dans le cadre d'un bail à construction, à la SA Richardson Frères, pour une durée de trente ans, sous la condition que la société preneuse y édifie un bâtiment à usage industriel et commercial. Par acte du 5 avril 2013, la SCI Tripier Thonon a cédé à la SCI Iberia, venant aux droits de la SA Richardson Frères ce terrain ainsi que les constructions qui y ont été édifiées par la société preneuse, à savoir un magasin de vente et d'exposition, un local de stockage et une aire de stationnement, dont elle était, le 31 mars 2013, devenue propriétaire sans indemnité à la fin du bail conformément aux stipulations de ce dernier, moyennant un prix de 1 100 000 euros pour les constructions et de 420 000 euros pour le terrain, soit au prix total de 1 520 000 euros. La SCI Tripier Thonon, estimant, d'une part, que la cession du terrain était exonérée d'impôt sur les plus-value par application de l'abattement pour durée de détention prévu au I de l'article 150 VC du code général des impôts et, d'autre part, que la cession des constructions n'avait généré aucune plus-value dès lors que le prix d'acquisition équivalait à leur valeur vénale à l'expiration du bail, n'a pas souscrit de déclaration de plus-value. A la suite d'un contrôle de la SCI Tripier Thonon, l'administration, qui n'a pas remis en cause l'application de l'abattement pour durée de détention au terrain, a estimé que la cession des constructions avait généré une plus-value de 769 034 euros, après avoir considéré que le prix d'acquisition de ces constructions devait être fixé au prix de revient lequel a été déterminé, sur la base des éléments fournis par la SA Richardson Frères à la suite d'un droit de communication exercé le 19 juin 2014, à 330 966 euros. L'administration a par ailleurs procédé à un examen de la situation fiscale personnelle de M. et Mme B... à l'issue duquel elle a, notamment, imposé Mme B..., en sa qualité d'associée d'une société de personnes relevant de l'article 8 du code général des impôts, à raison de la plus-value réalisée par la SCI Tripier Thonon lors de la cession de l'ensemble immobilier à la SCI Iberia. Mme B... a, en conséquence, été assujettie à un complément d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la décharge et, à titre subsidiaire, à la réduction de cette imposition, des contributions sociales mises à sa charge et des intérêts de retard correspondants.
Sur les conclusions à fin de décharge des impositions présentées à titre principal :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 251-1 du code de la construction et de l'habitation : " Constitue un bail à construction le bail par lequel le preneur s'engage, à titre principal, à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d'entretien pendant toute la durée du bail ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 251-2 du même code : " Les parties conviennent de leurs droits respectifs de propriété sur les constructions existantes et sur les constructions édifiées. A défaut d'une telle convention, le bailleur en devient propriétaire en fin de bail et profite des améliorations ". Aux termes de l'article L. 251-5 du même code : " Le prix du bail peut consister, en tout ou partie, dans la remise au bailleur, à des dates et dans des conditions convenues, d'immeubles ou de fractions d'immeubles ou de titres donnant vocation à la propriété ou à la jouissance de tels immeubles ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 150 U du code général des impôts, dans sa version applicable à l'année 2013 : " I.- Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH ". Aux termes de l'article 150 V du même code : " La plus ou moins-value brute réalisée lors de la cession de biens ou droits mentionnés aux articles 150 U à 150 UC est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par le cédant ". Enfin, aux termes de l'article 150 VB, dans sa version applicable à l'année 2013 : " I.-Le prix d'acquisition est le prix effectivement acquitté par le cédant, tel qu'il est stipulé dans l'acte (...) ".
4. Mme B... soutient que, compte tenu de la concomitance entre l'entrée des constructions dans le patrimoine de la SCI Tripier Thonon à l'expiration du bail, le 31 mars 2013, et leur revente à la SCI Iberia, le 5 avril 2013, le prix d'acquisition de ces constructions doit être estimé à leur valeur vénale à la fin du bail, laquelle était nécessairement égale à leur prix de vente, fixé à 1 100 000 euros, si bien que la cession des constructions n'a généré aucune plus-value imposable.
5. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'au terme du bail à construction qu'elle avait conclu avec la SA Richardon Frères, la SCI Tripier Thonon est devenue propriétaire des constructions en litige, conformément aux stipulations du bail, sans versement d'une indemnité et après avoir consenti cette location à un loyer assez faible, d'un montant de 75 600 francs révisable annuellement selon l'indice INSEE du coût de la construction, lequel doit être regardé comme constituant la contrepartie à l'absence d'obligation de verser une indemnité pour accéder, à l'issue du bail, à la propriété des constructions. Aucun élément du dossier ne permet d'estimer que, comme Mme B... le soutient, le prix d'acquisition des constructions dont elle est devenue propriétaire dans de telles circonstances devrait être évalué à leur valeur vénale au jour de l'entrée dans son patrimoine. Par ailleurs, si aucun prix n'a été effectivement versé par la SCI Tripier Thonon pour acquérir ces constructions, la réalisation de ces dernières, lesquelles, à la suite de leur cession le 5 avril 2013, ont été données en location par la SCI Iberia à la SA Richardson Frères qui en a poursuivi l'exploitation à des fins commerciales, a nécessairement conféré au bien un surcroît de valeur vénale à la fin du bail. Dans les circonstances de l'espèce, et en l'absence de tout élément particulier résultant de l'instruction, l'administration a pu estimer que la valeur de l'avantage ainsi supporté par le bailleur pouvait être évalué au montant des travaux effectués pour la construction des bâtiments édifiés. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que le coût de cette construction, tel qu'indiqué à l'administration à la suite d'un droit de communication par le preneur, la SA Richardson frères, s'est élevé à 330 966 euros. Ainsi, le prix de l'acquisition par la SCI Tripier Thonon des constructions doit être fixé à ce montant. Il s'ensuit que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a estimé que la SCI Tripier Thonon avait réalisé une plus-value lors de la revente de ces constructions et qu'elle a estimé son montant à 769 034 euros.
Sur les conclusions à fin de réduction des impositions présentées à titre subsidiaire :
6. En premier lieu, Mme B... fait valoir, en se prévalant de la décision du 22 avril 2016 n° 2016-538 QPC du Conseil constitutionnel, qu'il y a lieu d'appliquer un coefficient d'érosion monétaire pour le calcul de l'imposition de la plus-value que la SCI Tripier Thonon a réalisée lors de la cession intervenue le 5 avril 2013. Toutefois, par cette décision, le Conseil constitutionnel, saisi de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des 1 ter et 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts, a déclaré ces dispositions conformes sous réserve, s'agissant des plus-values placées en report d'imposition sur option du contribuable, que soit appliqué à l'assiette des plus-values placées en report d'imposition avant le 1er janvier 2013 un coefficient d'érosion monétaire pour la période comprise entre l'acquisition des titres et le fait générateur de l'imposition. En l'espèce, l'administration n'a pas fait application des 1 ter et 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts, inapplicables au litige, mais des articles 150 U et 150 V du code général des impôts. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision du 22 avril 2016 n° 2016-538 QPC impose l'application d'un coefficient d'érosion monétaire pour le calcul de l'imposition de la plus-value en litige.
7. En second lieu, Mme B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 150 K du code général des impôts, qui prévoyaient que le prix d'acquisition était révisé proportionnellement à la variation de l'indice moyen annuel des prix à la consommation depuis l'acquisition ou la dépense, dès lors que ces dispositions n'étaient plus en vigueur à la date de la cession en litige. En outre, la seule circonstance, au demeurant non établie, que les constructions en litige, édifiées en 1983, 1984 et 2001, ont subi une perte de valeur pour vétusté n'implique pas, contrairement à ce que soutient la requérante, l'application d'un coefficient d'érosion monétaire au prix d'acquisition retenu pour le calcul de la plus-value en litige.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 76-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2021.
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N° 19LY04132