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21/10/2021 | FRANCE | N°19LY03044

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 21 octobre 2021, 19LY03044


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Axe et D a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1702652 du 14 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 1er août 2019, la SAS Axe et D, représentée par Me Subra, demande

la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition et des pé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Axe et D a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1702652 du 14 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 1er août 2019, la SAS Axe et D, représentée par Me Subra, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la circonstance que le prix facturé pour une prestation rendue serait anormalement élevé au regard des règles d'une gestion commerciale normale ne fait pas obstacle à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le prix d'achat ;

- le fait que le mandat d'entremise et de négociation qu'elle a confié à la société Megève Investissement a été conclu après la signature du contrat d'achat avec le client démarché par cette société ne suffit pas à remettre en cause la réalité de la prestation réalisée par la société Megève Investissement ; la réalité de la prestation d'entremise et de négociation est établie dans la mesure où M. A..., titulaire d'un compromis de vente et d'un permis de construire sur le terrain objet du mandat, a élu domicile au siège de la société Megève Investissement ainsi qu'il en résulte de l'arrêté délivré par le maire de la commune de Megève le 1er juillet 2011 ;

- dans ces conditions, la majoration pour manquement délibéré ne peut lui être infligée.

Par un mémoire, enregistré le 13 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique,

- et les observations de Me Subra, représentant la SAS Axe et D ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Axe et D, qui exerce une activité de promotion immobilière portant sur des immeubles de prestige en Haute-Savoie et en Savoie ainsi qu'une activité de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a notamment remis en cause, sur le fondement des dispositions combinées du 2 de l'article 272 et du 4 de l'article 283 du code général des impôts, la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant une facture d'honoraires émises par la société Megève Investissement le 7 juin 2011. Elle l'a, en conséquence, assujettie à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, selon la procédure contradictoire, en l'assortissant des intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. La SAS Axe et D relève appel du jugement du 14 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes du 2 de l'article 272 de ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ". Aux termes du 4 de l'article 283 du même code : " Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée ".

3. Il résulte de l'instruction que M. A..., bénéficiaire d'un compromis de vente sur un terrain à bâtir, situé au lieu-dit Allard à Megève, ainsi que d'un permis de construire, a conclu, le 22 avril 2011, avec la SAS Axe et D une convention de substitution dans le bénéfice de ce compromis de vente et de ce permis de construire. Le 26 avril 2011, la SAS Axe et D a conclu avec la société Megève Investissement, agence immobilière, un mandat exclusif de vente moyennant le paiement d'honoraires d'un montant de 1 196 000 euros toutes taxes comprises puis a déduit la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture du 7 juin 2011 que lui a adressée la société Megève Investissement. L'administration fiscale, qui a estimé que le montant de cette commission présentait un caractère exagéré par rapport au montant habituel des honoraires des intermédiaires en immobilier, a demandé à la SAS Axe et D de justifier de la réalité de la prestation rendue par la société Megève Investissement. En l'absence d'éléments probants portés à sa connaissance de nature à justifier la réalité d'une prestation rendue par cette société, elle a remis en cause la déduction de la taxe mentionnée sur cette facture.

4. Il résulte des dispositions combinées des articles 271, 272-2 et 283-4 du code général des impôts précitées, que la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'opérations imposables est déductible dans le cas de services facturés à l'entreprise, de la taxe à laquelle celle-ci est assujettie à raison des opérations en cours, à condition que les factures mentionnent cette taxe, qu'elles aient été établies au nom du redevable par son fournisseur, qu'elles correspondent effectivement à l'exécution de la prestation de service dont elles font état, et que le prix indiqué soit réellement celui qui doit être acquitté par l'entreprise. Il s'en déduit, ainsi que le soutient à juste titre la société appelante, que l'administration fiscale, à supposer qu'elle ait entendu fonder le rappel en cause sur ce motif, ne pouvait, pour écarter la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé la facture émise le 7 juin 2011 par la société Megève Investissement, retenir le motif que le prix acquitté par la SAS Axe et D était anormalement élevé au regard des us et coutumes de la profession, dès lors que cette circonstance, en vertu des dispositions citées ci-dessus, est sans incidence sur le droit à déduction et ne saurait faire obstacle à la déduction de l'intégralité de la taxe supportée par la SAS Axe et D.

5. Cependant, il résulte également des dispositions précitées ainsi que de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, qu'un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération.

6. Selon les explications données par la société Axe et D, le mandat exclusif de vente conclu le 26 avril 2011 avec la société Megève Investissement avait en réalité pour objet de confier à cette agence immobilière une mission d'entremise et de négociation avec M. A..., titulaire du compromis de vente et du permis de construire sur le terrain que la société Axe et D souhaitait acquérir. Pour contester la réalité des prestations fournies dans ce cadre par la société Megève Investissement, l'administration fiscale fait valoir que ce mandat, signé le 26 avril 2011, n'a été confié à la société Megève Investissement que postérieurement à la conclusion, le 22 avril 2011, entre la SAS Axe et D et M. A..., de la convention de substitution dans le bénéfice du compromis de vente et du permis de construire et que la prestation d'entremise ne se justifiait donc pas puisque les parties à rapprocher étaient déjà en relation d'affaires et avaient déjà levé la clause de substitution dans le compromis de vente au profit de la société Axe et D. Cette dernière relève que seulement quatre jours séparent la signature de l'acte de substitution de la signature du mandat d'entremise et de négociation et qu'il ne s'est agi que de régulariser les relations avec la société Megève Investissement par l'intermédiaire de laquelle elle a été mise en relation avec M. A.... Cependant pour établir la réalité de la prestation fournie par la société Megève Investissement, elle se borne à faire valoir que M. A... a, le 10 juin 2011, soit postérieurement à l'émission de la facture d'honoraires par la société Megève Investissement, déposé une demande de permis de construire modificatif auprès des services municipaux de Megève en se domiciliant au siège de la société Megève Investissement. Cet élément ne suffit pas à établir la réalité de la prestation fournie à son profit par l'agence immobilière dans le cadre du mandat qui lui était confiée.

7. Par suite, eu égard aux éléments et explications fournies respectivement par l'administration et par le contribuable, la réalité des prestations facturées ne peut être regardée comme établie. C'est dès lors par une exacte application des dispositions reproduites ci-dessus que l'administration fiscale a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant la facture émise le 7 juin 2011.

Sur les pénalités :

8. D'une part, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Pour établir l'existence d'un manquement délibéré, l'administration droit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

9. L'administration a assorti les droits de taxe sur la valeur ajoutée rappelés au titre du refus de déduction de la taxe grevant la facture émise par la société Megève Investissement de la majoration de 40 % prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration établit l'insuffisance déclarative. Par ailleurs, en se fondant sur le fait que la SAS Axe et D avait récupéré de la taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre d'une facture émise par la société Megève Investissement pour une prestation qui n'avait pas été fournie, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'intention de la société d'éluder l'impôt.

10. D'autre part, la doctrine référencée BOI-CF-INF-10-20-20 n°s 30 et 40 ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Axe et D n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SAS Axe et D la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Axe et D est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Axe et D et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 octobre 2021.

2

N° 19LY03044


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03044
Date de la décision : 21/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : DELSOL et AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-21;19ly03044 ?
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