Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 février 2020 par lequel le préfet de la Drôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire national pendant un an.
Par jugement n° 2004379 lu le 9 novembre 2020, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 décembre 2020 et le 30 mars 2021, Mme C... représentée par Me Vadon demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions susmentionnées ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme en cas d'annulation pour un motif de forme, de réexaminer sa demande en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour, ou, en cas d'annulation pour un motif de fond, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour, méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ; elle est insuffisamment motivée et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ; elle est insuffisamment motivée, les critères de l'article L. 511-1, III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas remplis ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par mémoire enregistré le 22 mars 2021, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 décembre 2020.
Par ordonnance du 31 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante arménienne née en mai 1977, déclare être entrée irrégulièrement en France le 3 août 2014. Par arrêté du 5 février 2020, le préfet de la Drôme a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire national pendant un an. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise (...) après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 24 janvier 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme C..., qui souffre de troubles psychiatriques, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il existait un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers cette destination. Pour établir que, contrairement aux affirmations de Mme C... quant à l'absence de prise en charge et de traitement de personnes souffrant de troubles mentaux majeurs inclus dans l'assurance maladie ou les régimes de remboursement en Arménie, le préfet de la Drôme produit un courrier électronique du chef de section consulaire de l'ambassade de France en Arménie, se prononçant sur la disponibilité et l'accessibilité de six médicaments pris par Mme C.... Il ressort toutefois de ce courrier que ce pays connaît une difficulté d'approvisionnement pour tous les médicaments pris par Mme C... mais également que l'un de ces médicaments, dont la molécule est la Loxapine, n'est pas disponible. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits par la requérante, qu'elle bénéfice en France d'un suivi médical spécifique nécessitant une surveillance régulière et des bilans spécialisés. Compte tenu de ces éléments et de la situation particulière de l'intéressée, il n'est pas établi que la requérante pourra bénéficier d'un traitement approprié en Arménie. Dans ces conditions, le préfet de la Drôme n'a pu sans méconnaître les dispositions alors codifiées à l'article L. 311-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser de lui délivrer un titre de séjour. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté litigieux et à demander l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour qui lui a été opposée et, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et l'interdisant de tout retour sur le territoire national pendant un an.
4. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du préfet de la Drôme du 5 février 2020 et le jugement n° 2004379 lu le 9 novembre 2020 doivent être annulés.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard aux motifs qui fondent l'annulation prononcée par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Drôme de délivrer à Mme C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions alors codifiées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et désormais codifiées au L. 425-9° du même code dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. D'une part, Mme C... n'établit pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'État au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée par décision du 29 décembre 2020. D'autre part, l'avocat de Mme C... n'a pas demandé, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la mise à la charge de l'État de la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions de la requête tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 2004379 lu le 9 novembre 2020 et l'arrêté du 5 février 2020 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de délivrer une carte de séjour de Mme C..., l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de tout retour sur le territoire national pendant un an, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Drôme de délivrer à Mme C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... épouse C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président ;
Mme Djebiri, première conseillère ;
Mme Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.
N° 20LY03618 5