Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 20 novembre 2019 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1903463 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 décembre 2020 et le 9 avril 2021, M. B..., représenté par Me Penin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du préfet de Saône-et-Loire du 20 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet s'est à tort estimé en situation de compétence liée pour rejeter sa demande de titre de séjour au seul motif qu'il était susceptible de bénéficier d'une procédure de regroupement familial ; il n'a pas fait usage de son pouvoir de régularisation ni examiner sa situation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle et a entaché sa décision d'un défaut de motivation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Lesieux, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né en 1987, est entré en France le 1er mars 2019 pour y rejoindre son épouse, titulaire d'un certificat de résidence algérien, valable du 10 mars 2014 au 9 mars 2024, ainsi que ses deux enfants, nés en 2016 et 2018. Il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par une décision du 20 novembre 2019, le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer ce titre de séjour. M. B... relève appel du jugement du 19 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. D'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an, portant la mention vie privée et familiale, est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autorisation de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus (...) ". Aux termes de l'article 4 du même accord : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. En premier lieu, dès lors que l'épouse de M. B... est titulaire, à la date de la décision contestée, d'un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans, l'intéressé entre dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial, alors même que son épouse ne remplirait pas les conditions de ressources pour qu'il puisse bénéficier effectivement de cette procédure. Il s'ensuit que le préfet de Saône-et-Loire a pu légalement lui opposer ce motif pour lui refuser la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien.
5. En deuxième lieu, M. B... soutient que le préfet s'est, à tort, estimé en situation de compétence liée et qu'il n'a pas examiné sa situation personnelle et celle de sa famille, en particulier au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Toutefois, la circonstance que le préfet n'a pas motivé sa décision au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne révèle ni un défaut de motivation de la décision litigieuse ni un défaut d'examen particulier de la demande de M. B... alors, au demeurant, qu'il ressort des énonciations mêmes de la décision en litige, que le préfet a tenu compte de ce que l'intéressé est entré récemment en France, muni d'un passeport en cours de validité mais dépourvu de visa, qu'il est marié à une compatriote, titulaire d'un certificat de résidence algérien et qu'il est père de deux enfants mineurs, nés en 2016 et 2018. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet, qui n'était pas tenu de faire usage de son pouvoir de régularisation, se serait estimé en situation de compétence liée pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour.
6. En troisième lieu, M. B... se prévaut de son mariage, célébré le 20 octobre 2014 en Algérie, avec une compatriote, titulaire d'un certificat de résidence algérien de dix ans, et présente en France depuis l'âge de douze ans, ainsi que de la présence sur le territoire national des deux enfants du couple, nés en 2016 et 2018, sur lesquels il exerce l'autorité parentale. Toutefois l'intéressé reconnait lui-même qu'il n'est entré en France que le 1er mars 2019 et qu'il a vécu séparé de son épouse et de ses enfants pendant presque cinq ans. Il ne fait état d'aucune intégration particulière sur le territoire national ni n'allègue qu'il serait démuni de toute attache personnelle et familiale dans son pays d'origine. S'il indique que son épouse n'est plus retournée en Algérie depuis qu'il est arrivé en France, la circonstance qu'elle vit régulièrement sur le territoire depuis l'âge de douze ans et qu'y résident régulièrement des membres de sa famille proche ne saurait constituer un obstacle à la reconstitution de la cellule familiale qu'il compose avec elle et leurs enfants, en dehors de la France et plus particulièrement en Algérie, pays dont tous les membres de la famille ont la nationalité. Le préfet de Saône-et-Loire n'a donc, en tout état de cause, pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. M. B... soutient que la décision en litige est susceptible de le séparer de ses enfants qui resteraient en France avec son épouse. Toutefois, cette séparation, le temps de l'instruction de la procédure de regroupement familial, ne présente qu'un caractère provisoire et ne fait pas obstacle à ce que son épouse et ses enfants lui rendent visite en Algérie au cours de cette période. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, M. B... n'établit pas l'existence d'un obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Algérie ni à la poursuite, le cas échéant, de la scolarité de ses enfants dans ce pays. Le moyen tiré de ce que la décision en litige méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit donc, en tout état de cause, être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.
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N° 20LY03586
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