Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par une demande n° 1902687, M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 8 février 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de la 10ème section du département du Rhône a autorisé son employeur, la clinique mutualiste de Lyon, à procéder à son licenciement économique.
Par une demande n° 1905691, M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 7 juin 2019 par laquelle la directrice adjointe du travail a retiré la décision du 8 février 2019 de l'inspectrice du travail de la 10ème section du département du Rhône et a autorisé son employeur, la clinique mutualiste de Lyon, à procéder à son licenciement économique.
Par jugement n° 1902687, 1905691 lu le 29 septembre 2020, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande dirigée contre la décision de l'inspectrice du travail du 8 février 2019 (article 1er) et a rejeté le surplus des conclusions de M. A... (article 2).
Procédure devant la cour
I - Par requête enregistrée sous le n° 20LY03528 le 27 novembre 2020, M. A..., représenté par Me Delgado, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 7 juin 2019 par laquelle la directrice adjointe au travail a autorisé son licenciement ;
2°) d'annuler la décision du 7 juin 2019 susmentionnée et celle du 8 février 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de la 10ème section du département du Rhône a autorisé son employeur, la clinique mutualiste de Lyon, à procéder à son licenciement économique ;
3°) de mettre à la charge de l'État, le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- s'agissant de la décision du 7 juin 2019, la directrice adjointe au travail était incompétente pour procéder au retrait de la décision du 8 février 2019 ; le principe du contradictoire a été méconnu ; aucune menace quant à la sauvegarde actuelle de la compétitivité de la société n'est démontrée et la situation économique mise en avant par l'employeur résulte en réalité de la décision programmée d'arrêter l'activité de la chirurgie ; le véritable motif de la cessation de l'activité de chirurgie résulte de la difficulté pratique et juridique pour maintenir leur accord d'introduire une pratique salariée de la chirurgie au sein de Capio Tonkin dont l'activité de chirurgie est uniquement gérée par des praticiens libéraux ; subsidiairement, l'obligation de reclassement n'a pas été satisfaite dès lors qu'il ne lui a pas été proposé un poste de médecin interniste infectiologue dans la nouvelle structure ;
- s'agissant de la décision du 8 février 2019, elle est entachée d'incompétence, a été prise à la suite d'une procédure irrégulière en méconnaissance du principe du contradictoire ; le motif économique n'est pas établi et l'obligation de reclassement n'a pas été respectée.
Par mémoire enregistré le 3 mars 2021, le réseau de santé mutualiste (RESAMUT) représenté par Me Chautard conclut au rejet de la requête de M. A... et à ce que soit mis à la charge de ce dernier la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en soutenant que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
II - Par requête enregistrée sous le n° 20LY03529 le 27 novembre 2020, M. A..., représenté par Me Delgado, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 7 juin 2019 par laquelle la directrice adjointe au travail a autorisé son licenciement ;
2°) d'annuler la décision du 7 juin 2019 susmentionnée et celle du 8 février 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de la 10ème section du département du Rhône a autorisé son employeur, la clinique mutualiste de Lyon, à procéder à son licenciement économique ;
3°) de mettre à la charge de l'État, le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- s'agissant de la décision du 7 juin 2019, la directrice adjointe au travail était incompétente pour procéder au retrait de la décision du 8 février 2019 ; le principe du contradictoire a été méconnu ; aucune menace quant à la sauvegarde actuelle de la compétitivité de la société n'est démontrée et la situation économique mise en avant par l'employeur résulte en réalité de la décision programmée d'arrêter l'activité de la chirurgie ; le véritable motif de la cessation de l'activité de chirurgie résulte de la difficulté pratique et juridique pour maintenir leur accord d'introduire une pratique salariée de la chirurgie au sein de Capio Tonkin dont l'activité de chirurgie est uniquement gérée par des praticiens libéraux ; subsidiairement, l'obligation de reclassement n'a pas été satisfaite dès lors qu'il ne lui a pas été proposé un poste de médecin interniste infectiologue dans la nouvelle structure ;
- s'agissant de la décision du 8 février 2019, elle est entachée d'incompétence, a été prise à la suite d'une procédure irrégulière en méconnaissance du principe du contradictoire ; le motif économique n'est pas établi et l'obligation de reclassement n'a pas été respectée.
Par mémoire enregistré le 3 mars 2021, le réseau de santé mutualiste (RESAMUT) représenté par Me Chautard conclut au rejet de la requête de M. A... et à ce que soit mis à la charge de ce dernier la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en soutenant que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Les deux requêtes ont été communiquées à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, qui n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Laborie, substituant Me Delgado, pour M. A..., ainsi que celles de Me Chautard pour le réseau de santé mutualiste ;
Considérant ce qui suit :
1. Le réseau de santé mutualiste (RESAMUT) a sollicité le 12 décembre 2018 l'autorisation de licencier pour motif économique M. A..., médecin chef de service spécialisé en gastro-entérologie au sein de la clinique Mutualiste de Lyon qu'elle gère, embauché depuis le 1er mai 1999 et investi du mandat de délégué du personnel titulaire depuis juin 2015. Par une décision du 8 février 2019, l'inspectrice du travail a accordé l'autorisation de licenciement sollicitée. Par une décision du 7 juin 2019, la directrice adjointe du travail responsable de l'unité de contrôle Lyon/Villeurbanne a retiré la décision de l'inspectrice du travail du 8 février 2019 et a de nouveau autorisé le licenciement de M. A.... Par un jugement lu le 29 septembre 2020, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de M. A... dirigée contre la décision de l'inspectrice du travail du 8 février 2019 (article 1er) et a rejeté le surplus des conclusions de M. A... (article 2).
2. Les requêtes présentées pour M. A... présentent le même objet. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Le tribunal a expressément indiqué, au point 6 de son jugement, les motifs qui le conduisait à ne pas retenir comme fondé le moyen que M. A... avait présenté à l'encontre de l'autorisation de licenciement en litige et relatif à l'absence de motif économique. Il suit de là que le jugement attaqué est suffisamment motivé au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative.
Sur la décision du 7 juin 2019 :
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par une première décision du 8 février 2019, l'inspectrice du travail de la 10ème section de l'unité de contrôle du Rhône, a accordé l'autorisation de licencier M. A.... Toutefois, cette décision du 8 février 2019 a été retirée par Mme B..., directrice adjointe du travail, le 7 juin 2019. La décision du 7 juin 2019 en tant qu'elle retire la précédente autorisation de licenciement de M. A..., qui ne lui créait aucun droit, ne lui fait pas grief, et, dès lors, il ne justifie d'aucun intérêt le rendant recevable à contester la légalité de cette décision de retrait. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme B... pour procéder à un tel retrait est inopérant et doit être écarté pour ce motif.
5. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision en litige, du principe du contradictoire doit être écarté, en l'absence d'éléments nouveaux en appel, par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : (...) / 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; (...) ". Lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la suppression de l'emploi était justifiée par un motif économique. Si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe.
7. Il ressort des pièces du dossier que RESAMUT comprend plusieurs établissements dont un établissement principal représentant 70 % de son chiffre d'affaires, la clinique mutualiste de Lyon où travaillait M. A.... Les rapports d'activité produits à l'instance démontrent que le projet Médipôle de regroupement des établissements gérés par RESAMUT et la clinique du Tonkin notamment, dont la mise en place a été envisagée dès les années 2012 et 2013, résulte du constat d'une situation économique fragile de RESAMUT depuis plusieurs années en raison de plusieurs facteurs dont la mise en place de la nouvelle facturation des activités de soins, la concurrence d'autres établissements de santé dans la région lyonnaise et compte tenu du vieillissement de ses infrastructures emportant d'importants coûts d'investissements. Ces circonstances ont emporté dès 2008 une situation financière dégradée nécessitant la mise en œuvre d'un plan d'action avec l'Agence régionale de santé pour adapter les activités et rationnaliser les dépenses, mesures qui ont permis des gains d'activités et de chiffres d'affaires en médecine et en maternité. Toutefois, s'agissant de l'activité chirurgicale de la clinique mutualiste, il ressort des pièces du dossier que cette activité a connu à compter de 2005 jusqu'en 2012 et hormis pour l'année 2010, une baisse d'activité importante emportant, selon le rapport d'activité, une perte cumulée de 1 605 000 euros. Cette diminution de l'activité de chirurgie s'explique par un contexte de forte concurrence notamment du secteur lucratif, la réduction des durées de séjour et la forte pénurie de médecins. Compte tenu de ces difficultés économiques multifactorielles, la mise en œuvre d'une répartition des activités avec la clinique du Tonkin au sein d'un projet commun Médipôle a été envisagée afin de sauvegarder une partie de l'activité de RESAMUT notamment son activité de médecine alors que l'activité chirurgicale était déficitaire et connaissait une baisse constante, par la suite confirmée pour les années 2012 à 2017 nonobstant le recrutement de chirurgiens, confirmant la dégradation inéluctable de cette branche d'activité et la nécessité de rationaliser les domaines d'intervention de RESAMUT au sein du projet Médipôle. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, qui ne sont pas utilement remises en cause par M. A..., ce dernier n'est pas fondé à contester l'existence de motifs économiques justifiant son licenciement.
8. En dernier lieu, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Il appartient au juge, pour juger du respect par l'employeur de l'obligation de moyens dont il est débiteur pour le reclassement d'un salarié, de tenir compte de l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment de ce que les recherches de reclassement conduites au sein de l'entreprise et du groupe ont débouché sur des propositions précises de reclassement, de la nature et du nombre de ces propositions, ainsi que des motifs de refus avancés par le salarié.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., médecin chef de service spécialisé en gastro-entérologie s'est vu proposer un poste en qualité de médecin gériatre à temps complet avec la même ancienneté et le même salaire qu'il a refusé alors que RESAMUT avait validé et financé pendant trois années consécutives une formation de l'intéressé en gériatrie à compter de 2013. Il s'est également vu proposer un poste de médecin généraliste au sein du service La Fourgeraie à temps partiel avec maintien de la position hiérarchique et de sa rémunération calculée au prorata. Si M. A... soutient qu'il ne pouvait pas occuper un poste nécessitant une spécialisation en médecine générale, dont il ne disposait pas compte tenu de la date d'obtention de son diplôme de docteur, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il pouvait occuper le poste proposé sans la spécialisation " médecine générale ". Enfin, si M. A... soutient qu'il ne lui a pas été proposé un poste de médecin interniste infectiologue dans la nouvelle structure alors qu'il dispose de qualifications en maladie infectieuse, il ne démontre pas une qualification dans la spécialité interniste nécessaire pour ce poste alors, au demeurant, que l'employeur n'est pas tenu de proposer l'ensemble des postes susceptibles d'être disponibles pour respecter son obligation de reclassement. Ainsi, RESAMUT, qui a recherché des postes à offrir au reclassement au sein de ses différents établissements et a effectué des propositions écrites, précises et sérieuses, correspondant aux qualifications et aptitudes de M. A..., auxquelles ce dernier n'a pas répondu favorablement, justifie de la réalité et du caractère suffisant de ses recherches.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 7 juin 2019.
Sur la décision du 8 février 2019 :
11. Il résulte de ce qui a été dit que les conclusions de M. A... dirigées contre la décision précitée du 7 juin 2019, que M. A... n'avait intérêt à contester qu'en tant qu'elle autorisait son employeur à le licencier et non en tant qu'elle retirait la décision du 8 février 2019, créatrice de droits pour cet employeur, qui seul avait intérêt à contester ce retrait, ce qu'il n'a pas fait, ayant été rejetées, c'est à bon droit que les premiers juges, ce qui n'est pas contesté par l'intéressé, ont estimé qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du 8 février 2019.
Sur les frais du litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés à l'occasion du présent litige par M. A.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme au titre des frais exposés à l'occasion du présent litige par RESAMUT.
DÉCIDE:
Article 1er : Les requêtes de M. A... sont rejetées.
Article 2 : Les demandes du réseau de santé mutualiste tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au réseau de santé mutualiste et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président ;
Mme Djebiri, première conseillère ;
Mme Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.
N° 20LY03528, 20LY03529