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14/10/2021 | FRANCE | N°20LY03080

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 14 octobre 2021, 20LY03080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 13 octobre 2020 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé la destination d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'un an et, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par jugement n° 2006029 lu le 21 octobre 2020 la magistrate désignée par le pré

sident du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté n° 2020/74/312 du 13 oc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 13 octobre 2020 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé la destination d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'un an et, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par jugement n° 2006029 lu le 21 octobre 2020 la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté n° 2020/74/312 du 13 octobre 2020 en tant qu'il fait interdiction de retour à M. B... pendant un an et a rejeté le surplus des conclusions de M. B....

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 22 octobre 2020, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'une année opposée à M. B... par arrêté du 13 octobre 2020 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif.

Il soutient que l'interdiction de retour sur le territoire français est suffisamment motivée et que les dispositions du III de l'article L. 511-1du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues.

Par mémoire enregistré le 21 décembre 2020, M. C... B..., représenté par Me Coutaz, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de la Haute-Savoie ;

2°) à titre incident, d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé la destination d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'un an ;

3) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les deux jours de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée, qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle.

Par lettre du 1er juillet 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident de M. B... lesquelles soulèvent un litige distinct de celui qui résulte de l'appel principal et ont été présentées après l'expiration du délai d'appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Le rapport de Mme Burnichon, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

Sur l'appel principal du préfet :

1. Aux termes des dispositions alors codifiées au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...)/ La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". La décision d'interdiction de retour sur le territoire français doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs.

2. L'interdiction de retour sur le territoire français opposée à M. B... vise notamment le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que M. B... ne peut bénéficier d'un délai de départ volontaire en l'absence d'entrée régulière sur le territoire français, de garanties de représentation suffisantes et de son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français, indique l'absence d'attente disproportionnée à la vie privée et familiale de l'intéressé compte tenu notamment de la durée de cette mesure dès lors que, même si la présence de l'intéressé ne représente pas une menace à l'ordre public, il n'a pas d'attaches familiales proches en France et n'en est pas dépourvu dans son pays d'origine. Compte tenu de ces éléments, l'interdiction de retour sur le territoire français comporte les motifs de droit et de fait qui la fondent. Dès lors, c'est à tort que, pour annuler cette décision, le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de l'insuffisante motivation de l'interdiction de retour.

3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B....

4. En premier lieu, la décision en litige a été signée par Mme D... A..., cheffe de bureau de l'asile et de l'éloignement, qui a reçu délégation de signature par arrêté du 24 août 2020 publié au recueil des actes administratifs du même jour. Elle n'est dès lors pas entachée d'incompétence.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, si l'épouse de M. B... est également présente sur le territoire avec leur fille adoptive dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) produit par le préfet de la Haute-Savoie, indique que l'état de santé de cette enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et peut lui permettre de voyager sans risque vers le Kosovo. Par suite, et dès lors que l'épouse de M. B... est également en situation irrégulière, et alors que la séparation d'avec son épouse et leur fille résulte de la nécessité dans laquelle il se trouve de se soumettre à l'obligation de quitter sans délai le territoire et non pas de l'interdiction de retour qui ne peut prendre effet qu'à compter de l'exécution de l'éloignement, la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français ne méconnaît pas les dispositions alors codifiées au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il ne ressort pas de la décision en litige que le préfet de la Haute-Savoie se soit abstenu d'examiner la situation personnelle de M. B....

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Compte tenu de l'entrée particulièrement récente de M. B... sur le territoire français, de la circonstance que son épouse est également en séjour irrégulier et de la possibilité de reconstituer la cellule familiale dans le pays d'origine des intéressés, et alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 5 la séparation éventuelle d'avec son épouse et leur fille résulte de la nécessité dans laquelle il se trouve de se soumettre à l'obligation de quitter sans délai le territoire et non pas de l'interdiction de retour, cette interdiction de retour sur le territoire français n'a pas méconnu les stipulations précitées. En l'absence d'autres éléments, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ". Si le requérant est le père d'une petite fille qui réside sur le territoire français, la décision en litige n'a ni pour objet ni pour effet de les séparer ni de les empêcher de vivre au sein d'une même cellule familiale, notamment au Kosovo, pays d'origine de la famille. Ainsi, la décision en litige n'a pas porté à l'intérêt supérieur de l'enfant de M. B... une atteinte contraire aux stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 13 octobre 2020 en tant qu'il fait interdiction de retour sur le territoire français à M. B... pendant un an. En conséquence, l'article 1er du jugement n° 2006029 lu le 21 octobre 2020 doit être annulé et la demande d'annulation dirigée contre cette décision doit être rejetée.

Sur l'appel incident de M. B... :

9. Les décisions d'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de destination étant distinctes de l'interdiction de retour, les conclusions les concernant relèvent de litiges distincts et ne sont recevables qu'à la condition d'avoir été enregistrées dans le délai d'appel ayant couru contre le jugement. Or, celui-ci a été notifié régulièrement à M. B... le 21 octobre 2020, ce qui a fait courir à son égard le délai d'appel d'un mois.

10. Dès lors, les conclusions d'appel présentées par M. B... et dirigées contre le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes d'annulation des décisions d'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de destination, présentées par mémoire enregistré le 21 décembre 2020, sont tardives et doivent être rejetées comme irrecevables.

11. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de M. B... à fin d'injonction doivent être rejetées.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de M. B... au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2006029 lu le 21 octobre 2020 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble aux fins d'annulation de la décision du préfet de la Haute-Savoie du 21 octobre 2020 portant interdiction du territoire, ensemble ses conclusions devant la cour, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président ;

Mme Djebiri, première conseillère ;

Mme Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.

N° 20LY03080 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03080
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-14;20ly03080 ?
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