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14/10/2021 | FRANCE | N°20LY02271

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 14 octobre 2021, 20LY02271


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Distribution Casino France a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, d'annuler la décision du 19 février 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé une amende administrative d'un montant de 26 600 euros, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'amende administrative.

Par un jugement n° 1903072 lu le 16 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon

a ramené les amendes prononcées par le directeur régional des entreprises, de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Distribution Casino France a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, d'annuler la décision du 19 février 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé une amende administrative d'un montant de 26 600 euros, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'amende administrative.

Par un jugement n° 1903072 lu le 16 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a ramené les amendes prononcées par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne-Rhône-Alpes dans sa décision du 19 février 2019 à la somme de 19 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 11 août 2020 et le 9 avril 2021, la société Distribution Casino France, représentée par Me Blanvillain, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon lu le 16 juin 2020 et la décision du 19 février 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé une amende administrative d'un montant de 26 600 euros, à défaut de réduire le montant de la sanction administrative ;

2°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ont été méconnues en l'absence de signature du jugement attaqué ;

- le procès-verbal établi par l'inspectrice du travail est entaché d'incompétence en l'absence de signature ;

- l'amende en litige a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire et est insuffisamment motivée ;

- l'administration n'a pas fait application de l'article L. 8115-4 du code du travail et elle n'a pas précisé et motivé son choix de retenir une sanction plutôt qu'un avertissement ;

- les dispositions des articles L. 8115-1 et L. 8115-3 du code du travail ont été méconnues en ce que le manquement reproché ne concerne que six salariés ; en prononçant trente-huit amendes d'un montant de 700 euros, l'administration a commis une erreur d'appréciation et opéré une confusion entre les manquements relevés et le nombre de reprises à l'occasion desquelles ces manquements ont été constatés ; le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne-Rhône-Alpes ne pouvait prononcer une amende supérieure à la somme de 4 200 euros ;

- les premiers juges auraient dû examiner et vérifier si le recours à des amendes plutôt qu'à des avertissements n'était pas en soit disproportionné ;

- l'amende en litige méconnaît le principe de proportionnalité en l'absence d'analyses de chaque manquement pour déterminer le quantum de l'amende.

Par un mémoire enregistré le 10 mars 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 avril 2021 la clôture de l'instruction a été fixée au 29 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Vert, substituant Me Blanvillain, pour la société Distribution Casino France ;

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. " Il résulte en outre de l'article R. 751-2 du même code que l'expédition du jugement délivrée aux parties ne comporte pas la signature des magistrats mais seulement celle du greffier en chef. Il résulte de la combinaison des articles R. 741-7, R. 751-2 et R. 751-4-1 du code de justice administrative que seule la minute du jugement doit comporter la signature manuscrite du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier, et que sont notifiées aux parties des expéditions qui ne mentionnent que les noms et fonctions des trois signataires. Il suit de là que le jugement attaqué n'est pas irrégulier pour avoir été notifié sous forme d'expéditions dépourvues de signatures manuscrites, la minute en étant revêtue.

Sur le bien-fondé de la demande :

2. En premier lieu, le moyen tiré de l'irrégularité du procès-verbal établi par l'inspectrice du travail lors du contrôle sur place à défaut de sa signature doit être écarté, en l'absence d'éléments nouveaux en appel, par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.

3. En deuxième lieu, lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration a prononcé une amende sanctionnant la méconnaissance des dispositions relatives aux durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail, à la durée quotidienne de repos minimal et au repos hebdomadaire, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer non sur les éventuels vices propres de la décision litigieuse mais sur le bien-fondé et le montant de l'amende fixée par l'administration. S'il estime que l'amende a été illégalement infligée, dans son principe ou son montant, il lui revient, dans la première hypothèse, de l'annuler et, dans la seconde, de la réformer en fixant lui-même un nouveau quantum proportionné aux manquements constatés et aux autres critères prescrits par les textes en vigueur.

4. Il suit de là que les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la sanction en litige et de la méconnaissance, lors de la procédure préalable à l'édiction de la décision en litige, du principe du contradictoire et des droits de la défense ou encore des dispositions de l'article L. 8115-5 du code du travail alors que la procédure contradictoire organisée par les articles L. 8115-1 et suivants du même code s'est poursuivie devant le juge de plein contentieux et a donné tout loisir à la requérante de faire valoir ses arguments en contestation de la sanction, sont dépourvus d'effet utile sur le bien-fondé et le montant de l'amende en litige.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail dans sa rédaction applicable du 10 août 2016 au 12 août 2018, soit à la date des faits reprochés : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, (...), prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : /1° Aux dispositions relatives aux durées maximales du travail fixées aux articles L. 3121-18 à L. 3121-25 et aux mesures réglementaires prises pour leur application ;/(...) ". Si cet article a été modifié par l'article 18 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, en vigueur à la date de la décision en litige du 19 février 2019, qui a inséré la possibilité pour l'autorité administrative, " d'adresser à l'employeur un avertissement, soit de prononcer une amende ", l'article 18 de cette même loi a également prévu que le plafond de l'amende était porté au double en cas de nouveau manquement constaté dans un délai d'un an à compter du jour de la notification de l'amende concernant un précédent manquement. Enfin, aux termes de l'article 95 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 : " /(...)/II. L'article L. 8115-3 du code du travail est ainsi modifié : 1° Au premier alinéa, le montant : " 2 000 € " est remplacé par le montant : " 4 000 € " ; 2° Au second alinéa, les mots : " d'un an " sont remplacés les mots : " de deux ans ". "

6. Ces modifications législatives entrées en vigueur le 7 septembre 2018 soit à la date de la décision en litige, si elles instituent la possibilité pour l'administration d'infliger un avertissement alternativement à une amende, doublent le plafond de cette amende et instituent ainsi des conditions et des sanctions plus lourdes en cas de récidive. Elles doivent dès lors être considérées comme globalement plus sévères et ainsi inapplicables aux faits sanctionnés par l'amende en litige, qui ont eu lieu de mai à décembre 2017, y compris en ce qu'elles prévoient la possibilité pour l'administration d'infliger un avertissement. Par suite, la société Distribution Casino France n'est pas fondée à soutenir que la sanction en litige est entachée d'illégalité en ce que l'administration n'a pas précisé ni motivé son choix de retenir une sanction plutôt qu'un avertissement.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 3121-20 de ce code du travail : " Au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions avec celles précitées des articles L. 8115-1 et L. 8115-3 du même code, qui ne sont entachées d'aucune obscurité nécessitant que soit recherchée l'intention du législateur, d'une part, qu'un manquement est constitué dès qu'est dépassée la durée d'un cycle de travail, ou bien supprimée ou écourtée une période de repos, d'autre part, que le nombre de manquements et, partant, le nombre d'amendes susceptibles de sanctionner ces manquements doit être distingué du tarif unitaire entrant dans la liquidation du produit de chaque amende en fonction du nombre de salariés concernés par le manquement considéré.

8. Il résulte de l'instruction que les amendes d'un montant total initial de 26 600 euros ont été liquidées pour sanctionner les dépassements de la durée hebdomadaire de quarante-huit heures parmi six des huit personnels encadrants de l'établissement situé au 24 boulevard Castellane à Sathonay-Camp (Rhône) sous l'enseigne Casino, sanctionnés au tarif unitaire de 700 euros appliqué au nombre de salariés concernés sur une période totale de vingt-sept semaines, soit un seul salarié sur dix-huit semaines, deux salariés sur sept semaines et trois salariés sur deux semaines, emportant trente-huit manquements comme permet de le constater l'annexe 1 de la décision de sanction qui liste les salariés concernés selon chaque semaine contrôlée et la durée du travail effectif relevée. Par suite, la société Distribution Casino France n'est pas fondée à soutenir que les dispositions des articles L. 8115-1 et L. 8115-3 du code du travail ont été méconnues et que l'administration ne pouvait, compte tenu des six salariés concernés par ledit manquement, prononcer une amende supérieure à la somme de 4 200 euros.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 8115-4 du code du travail, dans sa version applicable à la date des faits en litige : " Pour fixer le montant de l'amende, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges. " Ni ces dispositions, ni celles des articles L. 8115-1 et L. 8115-3 précitées du code du travail ne font obstacle à l'édiction d'une amende forfaitaire multipliée par le nombre de salariés concernés par manquement. En l'espèce, les différents manquements et notamment l'importance des dépassements de l'horaire légal hebdomadaire de durée maximale de travail ont été relevés lors du contrôle pour déterminer le montant unitaire de l'amende, ramené à 500 euros par le jugement attaqué et qui n'est pas utilement remis en cause par la société requérante ni par la ministre. Par suite et en l'absence d'autres éléments la société Distribution Casino France n'est pas fondée à soutenir que la sanction en litige est entachée de disproportion.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Distribution Casino France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la totalité de la décision du 19 février 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé une amende administrative d'un montant de 26 600 euros.

Sur les frais du litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à la société Distribution Casino France au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de la société Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Distribution Casino France et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président ;

Mme Djebiri, première conseillère ;

Mme Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.

N° 20LY02271


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02271
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03-01 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour motif économique. - Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SCP J. AGUERA et ASSOCIES - LYON

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-14;20ly02271 ?
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