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14/10/2021 | FRANCE | N°19LY02498

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 14 octobre 2021, 19LY02498


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le groupement forestier de Tamié a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Faverges-Seythenex à lui verser une somme de 30 518 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'emprise irrégulière de canalisations d'eau potable sur des terrains lui appartenant, augmentée des intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1607371 du 30 avril 2019, le tribunal a condamné la commune de Faverges-Seythenex à verser au groupement fores

tier de Tamié une somme de 28 976 euros, augmentée des intérêts au taux légal à la d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le groupement forestier de Tamié a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Faverges-Seythenex à lui verser une somme de 30 518 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'emprise irrégulière de canalisations d'eau potable sur des terrains lui appartenant, augmentée des intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1607371 du 30 avril 2019, le tribunal a condamné la commune de Faverges-Seythenex à verser au groupement forestier de Tamié une somme de 28 976 euros, augmentée des intérêts au taux légal à la date de réception par la commune des différentes demandes d'indemnisation et de la capitalisation annuelle de ces intérêts.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 juin 2019, la commune de Faverges-Seythenex, représentée par la SELARL Itinéraires Avocats Cadoz-Lacroix-Rey-Verne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par le groupement forestier de Tamié devant le tribunal ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de la condamnation prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge du groupement forestier de Tamié la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal ne pouvait, sans donner à la loi un caractère rétroactif, la condamner en se fondant sur les dispositions introduites par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 qui ne peut s'appliquer que pour les ouvrages implantés à compter de sa publication ;

- il appartenait au groupement forestier de Tamié d'apporter la preuve de l'implantation illégale des canalisations ;

- les canalisations ont été implantées régulièrement par la commune entre 1930 et 1932 conformément au décret du président de la République du 10 septembre 1930 ayant déclaré l'utilité publique du projet ;

- le groupement de Tamié n'a pas justifié du montant réclamé au titre de l'indemnité annuelle d'occupation en produisant seulement le document émis par le SCERCL en janvier 2015 qui est relatif non à l'emprise de la canalisation mais à l'emprise de la servitude autour de la canalisation ;

- le jugement est entaché d'une erreur sur le montant de l'indemnité qui ne devait être, d'après les données retenues, que de 28 544 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2021, le groupement forestier de Tamié, représenté par la SELARL CDMF avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la commune de Faverges-Seythenex une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens présentés par la commune ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code forestier ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Verne, représentant la commune de Faverges-Seythenex et celles de Me Tissot, représentant le groupement forestier de Tamié.

Considérant ce qui suit :

1. Le groupement forestier de Tamié est propriétaire de parcelles à vocation forestière cadastrées section C nos 1494, 1495, 1496, 1497, 1498 et 1499 sur le territoire de la commune de Faverges-Seythenex. Il a demandé au tribunal administratif de Grenoble la condamnation de la commune à l'indemniser sur le fondement de l'article L. 125-1 du code forestier à raison de l'emprise irrégulière sur ces parcelles d'une canalisation d'eau potable. Sa demande portait sur une période allant du 1er mars 2015, pour la parcelle C 1494, et du 30 juin 2015, pour les autres parcelles, au 31 décembre 2016. Par un jugement du 30 avril 2019 dont la commune de Faverges-Seythenex relève appel, le tribunal a condamné la commune à lui verser une somme de 28 976 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la commune des différentes demande d'indemnisation et de la capitalisation annuelle de ces intérêts.

2. Aux termes de l'article L. 125-1 du code forestier : " Sans préjudice des poursuites pénales encourues en cas de coupes et enlèvements d'arbres non autorisés, toute occupation de bois et forêts par des ouvrages, infrastructures ou équipements implantés sous terre sans l'accord écrit des propriétaires ou hors de toute servitude d'utilité publique régulièrement déclarée, dans le but d'assurer le transport d'énergie, les télécommunications, le captage ou la distribution d'eau, donne lieu au paiement, au profit du propriétaire ou, pour les forêts qui lui sont confiées en gestion conformément au second alinéa de l'article L. 221-2, de l'Office national des forêts, d'une indemnité annuelle d'occupation par mètre linéaire ou mètre carré dont le montant est fixé par décret, dans la limite de 20 € par mètre linéaire ou mètre carré (...) ". Aux termes de l'article D. 125-1 de ce code, en vigueur à compter du 1er mars 2015 : " Le montant de l'indemnité annuelle d'occupation mentionnée à l'article L. 125-1 est de 20 euros par mètre carré ou linéaire. ".

3. Il résulte de l'instruction que la canalisation litigieuse a été implantée dans les années 1930 sur les parcelles dont le groupement forestier de Tamié est devenu propriétaire au cours de l'année 2015. Si, par décret du 10 septembre 1930, le président de la République a déclaré d'utilité publique les travaux à entreprendre par la commune de Seythenex en vue de son alimentation en eau potable, a autorisé la commune à dériver une partie des eaux de la source du Plan des Tours, concernée par le présent litige, et a autorisé le maire de Seythenex à acquérir soit à l'amiable, soit par la voie de l'expropriation les terrains dont l'occupation est nécessaire pour la réalisation du projet, aucune des pièces produites à l'instance, qui concernent pour la plupart les deux autres sources dont la dérivation avait été autorisée par le décret précité et dont aucune ne concerne directement la zone litigieuse, ne permet d'établir que la canalisation a été installée avec l'accord de la personne qui était alors propriétaire de ces parcelles qui n'avaient pas été expropriées ou acquises à l'amiable par la commune. Il ne résulte en outre pas de l'instruction qu'une servitude d'utilité publique ait été régulièrement déclarée. La circonstance que les servitudes pour l'établissement de canalisations publiques d'eau n'ont été instituées que par la loi n° 62-904 du 4 août 1962 et que l'article L. 125-1 du code forestier n'a été créé que par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, soit postérieurement à l'implantation de la canalisation litigieuse, ne fait pas, par elle-même, obstacle à l'application du régime d'indemnisation prévu sans réserves de cette nature à l'article L. 125-1 précité. Dans ces conditions, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commune avait obtenu l'accord amiable des propriétaires et que l'existence d'un tel accord ne saurait être présumé du seul fait de la déclaration d'utilité publique de l'opération, la commune n'est pas fondée à soutenir que le tribunal, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, ne pouvait la condamner à verser une indemnité au groupement forestier de Tamié sur le fondement de ces dispositions.

4. Pour déterminer le nombre de mètres linéaires de canalisation existant sur les parcelles litigieuses et, en conséquence, le montant de l'indemnisation due au groupement, le tribunal s'est fondé sur un document émis en janvier 2015 par la SCERCL, société mandatée par la commune afin de procéder à la réhabilitation de la canalisation, afin de régulariser, sur les parcelles concernées, une servitude d'une emprise de trois mètres autour de la canalisation en cause. Il en a déduit que la canalisation mesurait 634 mètres sur la parcelle cadastrée C 1494 et 191 mètres sur l'ensemble des autres parcelles. Même si l'objet principal de ce projet de convention n'était pas de déterminer la longueur de la canalisation, il contenait cependant un tableau indiquant précisément, pour chaque parcelle, l'emprise de la servitude. La commune, qui n'a produit aucun élément permettant de remettre en cause ces mesures, n'est pas fondée à soutenir que le tribunal ne pouvait se fonder sur ce document pour déterminer le montant de l'indemnisation.

5. Enfin, la commune fait valoir, à titre subsidiaire, que le montant de l'indemnité calculé par le tribunal est erroné. L'écart entre le montant retenu par le tribunal et celui calculé par la commune résulte d'un arrondi fait par la commune pour calculer, à partir de l'indemnité annuelle due pour l'occupation irrégulière de la parcelle C°1494, cette indemnité pendant toute la période dont l'indemnisation était réclamée. Alors que le tribunal a retenu, pour déterminer l'indemnisation due au titre de l'occupation pendant un an et dix mois, un ratio de 22/12, la commune a arrondi ce ratio à 1,8. Toutefois, la méthode de calcul proposée par la commune est moins précise que la méthode retenue à bon droit par le tribunal. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que le montant de l'indemnité qu'elle a été condamnée à verser serait erroné.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Faverges-Seythenex n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal l'a condamnée à verser au groupement forestier de Tamié une somme de 28 976 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la commune des différentes demandes d'indemnisation et de la capitalisation annuelle de ces intérêts.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le groupement forestier de Tamié, qui n'a pas la qualité de partie perdante, soit condamné à verser une somme à la commune de Faverges-Seythenex au titre des frais d'instance. En revanche, il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune une somme de 2 000 euros à verser au groupement forestier de Tamié.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Faverges-Seythenex est rejetée.

Article 2 : La commune de Faverges-Seythenex versera une somme de 2 000 euros au groupement forestier de Tamié au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Faverges-Seythenex et au groupement forestier de Tamié.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, présidente assesseure,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.

5

N° 19LY02498


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02498
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

17-03-02-08-02 Compétence. - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel. - Liberté individuelle, propriété privée et état des personnes. - Propriété.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL ITINERAIRES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-14;19ly02498 ?
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