Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1701461 du 11 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer partiel et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 avril 2019, le 3 décembre 2019 et le 20 mai 2021, M. B..., représenté par Me Poussard, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande ;
2°) de prononcer la réduction des impositions maintenues à sa charge et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- il a été privé du droit de voir son dossier examiné par le conciliateur fiscal départemental prévu par la réponse ministérielle à M. C... publiée au JORF le 25 mars 2004, laquelle est invocable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
- il a été privé en première instance du droit à un procès équitable garanti par le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du fait d'une rupture du principe d'égalité entre les parties ;
- l'indemnité de départ à la retraite de 16 898,60 euros n'était pas imposable au titre de l'année 2013 mais au titre de l'année de disposition de ce revenu, soit en 2014, en vertu de l'article 12 du code général des impôts et de la doctrine administrative exprimé au BOI-IR-BASE-10-10-10-40 § 70 opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
- les modalités de calcul des dégrèvements de première instance n'ont pas été exposées ;
- les modalités ce calcul des dégrèvements consécutifs à l'admission de la taxation du gain de cession à hauteur de la somme de 1 015,32 euros ne sont pas exposés ;
- la substitution de base légale opérée en cours d'instance pour l'imposition de ce revenu exceptionnel lui porte préjudice dès lors que les impositions des années suivantes n'ont pas été rétablies, ni la compensation avec les impositions excédentaires du fait de l'application du régime du quotient une année plus tôt ;
- le tribunal administratif a statué ultra petita en n'analysant pas l'ensemble des moyens invoqués ;
- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen relatif à la charge de la preuve applicable au gain de cession des valeurs mobilières italienne ;
- la charge de la preuve du gain de cession de valeurs mobilières taxé incombe à l'administration qui ne l'apporte pas ;
- le gain de cession est de 1 015,32 euros.
Par des mémoires enregistrés le 9 octobre 2019, le 21 février 2020 et le 13 avril 2021, le ministre de l'action et des comptes publics, conclut au non-lieu à statuer, à concurrence des sommes dégrevées en cours d'instance, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- les conclusions portant sur les années ultérieures sont irrecevables ;
- les moyens de la requête autres que ceux qui ont conduit aux dégrèvements prononcés en cours d'instance ne sont pas fondés.
Vu :
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pruvost, président,
- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... a fait l'objet, en 2016, d'un contrôle sur pièces portant sur les années 2013 et 2014 à l'issue duquel l'administration a notamment réintégré dans ses bases imposables à l'impôt sur le revenu des années 2013 et 2014 des sommes de 3 296 euros correspondant au quart de l'indemnité de départ à la retraite de 13 185 euros perçue par l'intéressé pour laquelle il avait opté pour le mécanisme de l'étalement et, d'autre part, taxé, à hauteur de 44 612 euros, le gain net constaté à l'occasion de la cession de valeurs mobilières en Italie en 2004 sur le fondement des articles 4 B et 150 0-A du code général des impôts. Les compléments d'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux auxquels M. B... a été assujetti, suivant la procédure contradictoire, au titre des années 2012 et 2014 ont été assortis des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts. Par un jugement du 11 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel à hauteur des sommes de, respectivement, 1 320 euros et 203 euros dégrevées en cours d'instance au titre des années 2013 et 2014, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande relative à ces impositions. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande relative à l'imposition de l'indemnité de départ à la retraite et du gain de cession de valeurs mobilières.
Sur l'étendue du litige :
2. Par deux décisions du 3 octobre 2019 et du 18 février 2020, postérieures à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de l'Isère, après avoir reconnu que le gain de cession de valeurs mobilières s'élevait à 1 231 euros, a prononcé un premier dégrèvement du complément d'impôt sur le revenu et des contributions sociales mis à la charge de M. B... au titre de l'année 2014, à concurrence de, respectivement, 36 euros en droits et de 58 euros en pénalités pour l'impôt sur le revenu et de 6 739 euros en droits et 267 euros en pénalité pour les contributions sociales puis un second dégrèvement des mêmes impositions, à concurrence de 3 912 euros en droits et de 548 euros en pénalités. Les conclusions de la requête dirigées contre les impositions établies au titre de l'année 2014 et les majorations correspondantes sont, dans la mesure de ces montants, devenues sans objet.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ". Ces stipulations ne peuvent être utilement invoquées devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil. En l'espèce, le litige soumis au tribunal administratif ne portait que sur les impositions supplémentaires établies à l'issue du contrôle sur pièces dont le contribuable a été l'objet. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué pour critiquer la régularité de la procédure de première instance.
4. En second lieu, la circonstance que le tribunal administratif n'aurait pas statué expressément sur la charge de la preuve ne constitue pas une omission à statuer susceptible d'entacher d'irrégularité le jugement attaqué.
En ce qui concerne l'imposition de l'indemnité de départ à la retraite :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. ". Aux termes de l'article 156 du même code : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent (...) ".
6. Il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté qu'une somme de 16 878,60 euros comprenant l'indemnité de départ à la retraite servie à M. B... a été créditée sur le compte bancaire de l'intéressé, le 30 décembre 2013. Ainsi, c'est par une exacte application de ces dispositions que l'indemnité de retraite a été rattachée à l'année 2013, année au cours de laquelle ce revenu a été " réalisé " au sens de l'article 12 précité du code général des impôts, sans que l'intéressé puisse utilement faire valoir par des allégations au demeurant dépourvue de précisions qu'il n'aurait pas eu la disposition de ce revenu à la date du 31 décembre 2013, pour faire échec à l'imposition de cette indemnité.
7. Si le requérant se prévaut des interprétations administratives référencées BOI-IR-BASE-10-10-10-40 § 70 et BOI-RSA-BASE-20-10 n° 10 sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ces textes ne comportent pas d'interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il a été fait application.
8. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a fait droit à la demande de M. B... tendant à l'application du mécanisme du quotient prévu à l'article 163-0-A du code général des impôts pour l'imposition des revenus exceptionnels s'agissant de l'indemnité de départ à la retraite. Selon les explications du ministre, la substitution de ce mécanisme au dispositif de l'étalement de l'imposition sur quatre ans, qui avait conduit à réintégrer dans les bases imposables à l'impôt sur le revenu des années 2013 et 2014 de M. B... le quart du montant de l'indemnité, aurait dû se traduire par une imposition supplémentaire de 851 euros au titre de l'année 2013 laquelle n'a pas été mise en recouvrement faute d'avoir été notifiée. Pour autant l'étalement de l'imposition sur quatre ans ayant été abandonnée, la rectification opérée au titre de l'année 2014 ne s'appliquait plus, ce qui a conduit au dégrèvement de 1 320 euros prononcé le 10 juillet 2018 au cours de la procédure de première instance. Si M. B... fait valoir, dans ses écritures d'appel, que l'administration n'a pas détaillé le calcul des dégrèvements prononcés dans ses décisions du 3 octobre 2019 et du 18 février 2020, qu'elle n'a ni justifié du bien-fondé des montants correspondants ni établi que les impositions dégrevées ont effectivement été exclues de l'assiette imposable, que l'application du quotient qu'il sollicitait en première instance n'a donné lieu à aucune explication de l'administration et lui a porté préjudice et que la créance restant à sa charge est exagérée, ces moyens doivent être écartés comme n'étant pas assortis des précisions suffisantes pour en apprécier la portée.
En ce qui concerne la taxation du gain de cession de valeurs mobilières :
9. Il ressort des explications du ministre que la plus-value de cession de valeurs mobilières, taxée à l'origine à hauteur d'un gain net de 44 682 euros, a été ramenée à 1 231,48 euros au vu de documents émanant de la banque italienne versés à l'instance par M. B... et que l'administration a prononcé, en cours d'instance, le dégrèvement des impositions mises en recouvrement au titre de l'année 2004 à concurrence de la différence entre la base d'imposition retenue initialement et la base admise définitivement ainsi que des majorations correspondantes. Dans le dernier état de ses écritures, M. B... reconnaît le bien-fondé de la taxation du gain de cession à hauteur de la base de 1 231 euro retenue en dernier lieu.
10. Aux termes de l'article 8 de la convention conclue entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales applicable, en vertu de l'article 1er, aux personnes qui sont des résidents d'un Etat ou des deux Etats : " Gains en capital 1. Les gains provenant de l'aliénation des biens immobiliers visés à l'article 6 sont imposables dans l'Etat où ces biens sont situés. / 2. Les gains provenant de l'aliénation de biens mobiliers qui font partie de l'actif d'un établissement stable qu'une entreprise d'un Etat a dans l'autre Etat ou de biens mobiliers qui font partie d'une base fixe dont un résident d'un Etat dispose dans l'autre Etat pour l'exercice d'une profession indépendante (...) sont imposables dans cet Etat. / 3. Les gains provenant de l'aliénation de navires ou aéronefs exploités en trafic international ou de biens mobiliers affectés à l'exploitation de ces navires ou aéronefs ne sont imposables que dans l'Etat où le siège de direction effective de l'entreprise est situé. / 4. Les gains provenant de l'aliénation de tous biens autres que ceux visés aux paragraphes 1, 2 et 3 ne sont imposables que dans l'Etat dont le cédant est un résident ".
11. Le gain en litige dont il n'est pas contesté qu'il provient de la cession de valeurs mobilières italiennes a été à bon droit soumis à l'impôt sur le revenu en France en application du 4 de l'article 13 précité de la convention fiscale franco-italienne dès lors qu'il n'est pas contesté que M. B..., qui a son domicile fiscal en France, est résident français. L'intéressé ne saurait se prévaloir des stipulations de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les successions et sur les donations et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales pour faire échec à l'imposition de ce gain en France.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués :
12. En premier lieu, dès lors que le conciliateur fiscal ne peut intervenir qu'après une démarche contentieuse du contribuable, le moyen tiré ce que M. B... aurait été privé de la possibilité de saisir le conciliateur est inopérant pour critiquer la procédure suivie pour établir les impositions.
13. En second lieu, M. B... reprend en appel le moyen, qu'il a invoqué en première instance, tiré de qu'il n'a pas été en mesure de se défendre utilement durant la procédure d'imposition. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
14. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête, que, sous réserve des dégrèvements intervenus en cours d'instance, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de M. B... et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence des sommes mentionnées au point 2 du présent arrêt, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.
Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratif.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président rapporteur,
Mme Evrard présidente-assesseure,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.
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N° 19LY01482