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07/10/2021 | FRANCE | N°21LY01484

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 07 octobre 2021, 21LY01484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2001670 du 8 avril 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour

I. Par une requête enregistrée le 7 mai 2021 sous

le n° 21LY01484, M. B..., représenté par Me Jauvat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2001670 du 8 avril 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour

I. Par une requête enregistrée le 7 mai 2021 sous le n° 21LY01484, M. B..., représenté par Me Jauvat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 18 juin 2020 ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ou "salarié" ou "travailleur temporaire" dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour la préfète d'avoir saisi pour avis la commission du titre de séjour ;

- il remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, puisqu'il suit depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, qu'il n'a pas conservé de liens avec son père et que sa présence en France ne constitue pas une atteinte à l'ordre public ;

- le refus de titre méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée dans la mesure où le refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivé ;

- elle est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 juin 2021, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- M. B... n'est pas recevable à présenter pour la première fois en appel un moyen relatif à la légalité externe de l'obligation de quitter le territoire français ;

- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 juin 2021.

II. Par une requête enregistrée le 7 mai 2021 sous le n° 21LY01485, M. B..., représenté par Me Jauvat, demande à la cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2001670 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 avril 2021.

Il soutient que l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et que les moyens énoncés dans sa requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 juin 2021, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 juin 2021 du bureau d'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Duguit-Larcher ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant sénégalais né le 15 janvier 2002, déclare être entré en France le 25 mars 2019. Il a été confié à l'aide sociale à l'enfance. A sa majorité, il a demandé la délivrance d'une carte de séjour temporaire " afin de pouvoir bénéficier de la poursuite de sa formation en France ". Par un arrêté du 18 juin 2020, la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 8 avril 2021, dont M. B... relève appel par sa requête n° 21LY01484, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. M. B... demande également, par sa requête n° 21LY01485, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Il y a lieu de joindre, pour qu'il y soit statué par un même arrêt, les requêtes visées ci-dessus qui sont dirigées contre le même jugement.

Sur la requête n° 21LY01484 :

3. M. B... soulève pour la première fois en appel le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il ressort de la demande de première instance que l'intéressé s'était borné à soulever devant le tribunal des moyens de légalité interne à l'encontre de cette décision. Par suite, ce moyen de légalité externe, fondé sur une cause juridique distincte nouvelle en appel, qui n'est pas d'ordre public, doit être écarté comme irrecevable.

4. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

5. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de "salarié" ou "travailleur temporaire", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

6. M. B... fait valoir qu'il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il n'a plus de liens avec sa famille restée au Sénégal et qu'il a été scolarisé, à compter de septembre 2019, en classe dite " Unité pédagogique pour les élèves allophones arrivants " (UPE2A), qu'il a accompli plusieurs stages, dont un à l'issue duquel un contrat d'apprentissage lui a été proposé, qu'il s'est inscrit à la mission locale de Vichy et qu'il justifie d'une attestation d'éligibilité au programme opérationnel pour la mise en œuvre de l'initiative pour l'emploi des jeunes. Toutefois, M. B... ne justifie pas suivre à la date de la décision en litige depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète de l'Allier a méconnu les dispositions de l'article L. 313-15 précitées ne peut qu'être écarté.

7. M. B... est célibataire et sans charge de famille. Il résidait en France depuis un peu plus d'une année à la date à laquelle la préfète de l'Allier a pris sa décision. Dans ces conditions, la préfète de l'Allier n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a pris le refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination. Le refus de titre de séjour ne méconnaît pas le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. La préfète n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de l'intéressé.

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., dont la lettre accompagnant sa demande de titre de séjour mentionnait seulement qu'il sollicitait une carte de séjour temporaire " afin de pouvoir bénéficier de la poursuite de sa formation en France ", aurait demandé à bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète de l'Allier n'ayant pas examiné la possibilité de régulariser sa situation sur ce fondement, M. B... ne peut utilement faire valoir que son admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels. En tout état de cause, les éléments dont il se prévaut ne suffisent pas à caractériser des circonstances exceptionnelles particulières justifiant son admission au séjour au titre de ces dispositions.

9. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que M. B... n'établit pas qu'il serait au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions. Par suite, la préfète de l'Allier n'était pas tenue de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.

10. Compte tenu de ce qui précède, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ne sont pas illégales en conséquence des illégalités successives alléguées.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.

Sur la requête n° 21LY01485 :

12. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 2001670 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, les conclusions de la requête n° 21LY01485 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont ainsi privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21LY01485.

Article 2 : La requête n° 21LY01484 est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, présidente assesseure,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.

6

N°s 21LY01484, 21LY01485


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01484
Date de la décision : 07/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS W. HILLAIRAUD - A. JAUVAT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-07;21ly01484 ?
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