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05/10/2021 | FRANCE | N°19LY03466

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 05 octobre 2021, 19LY03466


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Les hospices civils de Lyon ont demandé au tribunal administratif de Lyon :

- à titre principal, de condamner in solidum la société Bureau Véritas, la société Ateliers AFA, la société A... et Vanhaecke, la société Atelier 4+, la société Algoe, la société Economie 95 et la société Léon Grosse à leur verser la somme totale de 5 150 254,83 euros toutes taxes comprises en réparation des préjudices subis du fait des désordres affectant l'hôpital femme-mère-enfant de Bron et d'assortir cette

somme des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

- à titre subsidiaire, de cond...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Les hospices civils de Lyon ont demandé au tribunal administratif de Lyon :

- à titre principal, de condamner in solidum la société Bureau Véritas, la société Ateliers AFA, la société A... et Vanhaecke, la société Atelier 4+, la société Algoe, la société Economie 95 et la société Léon Grosse à leur verser la somme totale de 5 150 254,83 euros toutes taxes comprises en réparation des préjudices subis du fait des désordres affectant l'hôpital femme-mère-enfant de Bron et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

- à titre subsidiaire, de condamner la société Ateliers Afa, la société A... et Vanhaecke et la société Atelier 4+ à lui verser la somme totale de 5 150 254,83 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

- en toute hypothèse, de mettre à la charge de la société Bureau Véritas, de la société Ateliers AFA, de la société A... et Vanhaecke, de la société Atelier 4+, de la société Algoe, de la société Economie 95 et de la société Léon Grosse la somme de 10 000 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1708532 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande et mis les frais de l'expertise réalisée par M. B... pour moitié à la charge de la société Groupe Liébot et les a laissés pour l'autre moitié à la charge des hospices civils de Lyon.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2019, et un mémoire enregistré le 15 septembre 2020, les hospices civils de Lyon, représentés par Me Gauch, demandent à la cour :

1°) d'infirmer les articles 2 et 3 du jugement du 27 juin 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) à titre principal :

- de condamner in solidum, sur le fondement de la responsabilité décennale, les sociétés Bureau Véritas, Ateliers AFA, A... et Vanhaecke, Atelier 4+, Algoe, Economie 95 et Léon Grosse à leur verser la somme de 5 037 412,42 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres affectant l'hôpital femme-mère-enfant (4 182 051,80 euros TTC), des honoraires des intervenants à ces travaux (794 589,84 euros TTC) et des frais annexes engagés durant les opérations d'expertise (frais d'avocat compris) (60 770,78 euros TTC), assortie, en ce qui concerne les travaux de reprise et les honoraires précités, des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

- de condamner in solidum les sociétés Bureau Véritas, Ateliers AFA, A... et Vanhaecke, Atelier 4+, Algoe, Economie 95 et Léon Grosse à leur verser la somme de 86 145,52 euros TTC au titre des frais et honoraires d'expertise ;

3°) à titre subsidiaire :

- de condamner in solidum, sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour manquement au devoir de conseil, les sociétés Ateliers AFA, A... et Vanhaecke, et Atelier 4+ à leur verser la somme de 5 037 412,42 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres affectant l'hôpital femme-mère-enfant (4 182 051,80 euros TTC), des honoraires des intervenants à ces travaux (794 589,84 euros TTC) et des frais annexes engagés durant les opérations d'expertise (frais d'avocat compris) (60 770,78 euros TTC), assortie, en ce qui concerne les travaux de reprise et les honoraires précités, des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

- de condamner in solidum les sociétés Ateliers AFA, A... et Vanhaecke, et Atelier 4+ à leur verser la somme de 86 145,52 euros TTC au titre des frais et honoraires d'expertise ;

4°) de mettre à la charge des sociétés succombantes la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans le cadre de la procédure de première instance, et la somme de 5 000 euros au même titre concernant l'instance d'appel.

Ils soutiennent que :

- à titre principal :

. les désordres qui sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination spécifique d'hôpital ont un caractère décennal ;

. les désordres sont imputables à la société Bureau Veritas, qui a émis un avis favorable sur le mur rideau, aux membres du groupement de maîtrise d'œuvre que sont les sociétés AFA, A... et Vanhaecke, et Atelier 4+ en raison d'un défaut de conseil sur le type de goupille choisi, aux économistes, les sociétés Algoe, Economie 95, intervenues dans le choix d'une façade rideau et à la société Léon Grosse, membre du groupement d'entreprises et dont le sous-traitant Ouest Alu a fourni les goupilles ;

. ils sont fondés à solliciter la condamnation in solidum de ces sociétés, dont les manquements ont concouru à la survenance des désordres ;

. ces mêmes sociétés seront condamnés in solidum à réparer le préjudice constitué des travaux de reprises des désordres (frais de maîtrise d'œuvre inclus) d'un montant de 4 976 641,60 euros TTC, et de frais annexes avancés lors des six réunions d'expertise effectuées entre novembre 2013 et mars 2016 (44 943,12 euros HT) et de frais d'avocat (6 297 euros HT), d'un montant total de 60 770,78 euros TTC ;

. elles seront également condamnées in solidum à verser la somme de 86 145,52 euros TTC au titre des frais et honoraires d'expertise ;

. ils ne sont que partiellement assujettis à la TVA, la TVA non déductible correspondant à 93 % compte tenu d'un coefficient de déduction de 7 % ;

- à titre subsidiaire :

. la responsabilité contractuelle des sociétés Ateliers AFA, A... et Vanhaecke, et Atelier 4+, membres du groupement de maîtrise d'œuvre, est engagée, sur le fondement de l'article 1231-1du code civil, pour manquement à leur devoir de conseil dès lors que les désordres étaient aisément décelables compte tenu du faible diamètre de la goupille retenue ;

. ces sociétés seront donc condamnées à réparer les préjudices précités et à payer les frais et honoraires d'expertise.

Par des mémoires enregistrés les 13 novembre 2019, 11 septembre 2020, et 8 octobre 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Ateliers AFA anciennement Eurl Adrien D..., M. C... A..., architecte, et la société Beming anciennement Beagec, représentés par Me Prudon, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) à titre liminaire, de mettre hors de cause la société de fait A... et Vanhaecke sans personnalité juridique et non concernée par le litige et de rejeter les éventuelles demandes formées contre la société Beming ;

2°) à titre principal, de confirmer le jugement contesté en ce qu'il a rejeté les demandes des hospices civils de Lyon contre la société Ateliers AFA et M. A... ;

3°) à titre subsidiaire :

- de confirmer le jugement contesté en ce qu'il n'a prononcé aucune condamnation contre la société Ateliers AFA et M. A... et de rejeter les demandes des hospices civils de Lyon dirigées à leurs encontre ;

- de désigner un nouvel expert judiciaire avec pour mission de décrire et évaluer les travaux nécessaires pour remédier aux désordres constatés et de donner son avis sur les préjudices subis par les hospices civils de Lyon ;

- à tout le moins, de limiter à 400 668,448 euros la somme allouée aux hospices civils de Lyon au titre des travaux de reprise, ou, à titre infiniment subsidiaire, à la somme de 2 326 182,07 euros HT, de rejeter la demande d'assujettissement à la TVA de ces travaux et les autres préjudices réclamés par les hospices civils de Lyon ;

- de rejeter les demandes de condamnation in solidum formées à l'encontre de la société Ateliers AFA, de la société Beming, de la société A... et Vanhaecke et de M. A... ;

- de condamner les sociétés suivantes à relever et garantir la société Ateliers AFA, M. A..., la société A... et Vanhaecke et la société Beming de toutes condamnations prononcées à leur encontre :

. solidairement, la société entreprise générale Léon Grosse, la société Citinea, venant aux droits de la société Dumez Rhône-Alpes et de la société entreprise Pitance, la société Ouest Alu et/ou la société Groupe Liébot venant aux droits de la société Financière Ouest Alu, sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle des constructeurs à hauteur de 90 % à minima ;

. solidairement, la société Bureau Véritas et la société Bureau Véritas Construction sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, à hauteur de 10 % à minima ;

. la société Atelier 4+ sur le fondement de la responsabilité contractuelle des constructeurs ;

. solidairement, la société Economie 95 et la société Algoe sur le fondement de la responsabilité contractuelle des constructeurs ;

- à titre encore plus subsidiaire :

. de prononcer la nullité du rapport d'expertise ;

. de désigner un nouvel expert judiciaire pour examiner les désordres et les imputabilités ;

. de rejeter toutes demandes de condamnations dirigées contre la société Ateliers AFA et M. A..., à tout le moins, de surseoir à statuer sur ces demandes et celles dirigées contre la société A... et Vanhaecke et la société Beming ;

- de mettre à la charge des hospices civils de Lyon, ou qui mieux le devra, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à leur verser à chacun.

Ils font valoir que :

- la société A... et Vanhaecke, société de fait qui n'est pas intervenue sur le chantier et n'a pas la personnalité juridique, doit être mise hors de cause ;

- toute demande contre la société Beming, anciennement Beagec, sera rejetée comme irrecevable et infondée dès lors que cette société, qui n'était pas partie en première instance, a été appelé en cause pour la première fois en appel, et qu'elle n'est pas concernée par les désordres, sa mission portant sur le lot plomberie ;

- aucune demande n'est formée contre M. D... et toutes demandes contre celui-ci seront rejetées comme nouvelles et donc irrecevables en appel ;

- la société Groupe Liébot doit être reconnue comme venant au droits de la société Financière Ouest Alu anciennement Ouest Alu à la suite de la radiation de cette dernière société en conséquence de sa fusion absorption et de sa reprise du passif par la société Liébot ;

- la société Bureau Véritas Construction ne démontre pas venir aux droits et obligations de la société Véritas ;

- leurs appels en garantie contre les sociétés Groupe Liébot et Ouest Alu relèvent de la compétence de la juridiction administrative dès lors qu'ils n'ont pas de relation contractuelle avec ces sociétés ;

- leurs appels provoqués sont recevables puisque leur situation est susceptible d'aggravation si la garantie décennale était retenue et en cas de condamnations ;

- à titre principal :

. les désordres n'étaient ni apparents, ni prévisibles lors de la réception des travaux et aucun défaut de conception ne peut être reproché à la maîtrise d'œuvre ;

. les désordres ne revêtent pas un caractère décennal ;

- à titre subsidiaire :

. les désordres ne sont pas dus à la conception de la façade rideau et au changement de matière des traverses ;

. les désordres ne sont pas imputables à M. A..., dont la mission n'avait aucun lien avec les façades et le choix de la goupille ;

. il n'est pas démontré qu'ils auraient pu constater visuellement la faiblesse de la goupille, ce qui relevait des compétences des entreprises et le cas échéant du contrôleur technique ;

. dès lors que les désordres sont attribués à la faiblesse de la goupille, la société Ouest Alu doit se voir imputer de manière exclusive les désordres, le cas échéant avec le groupement d'entreprise titulaires du lot clos-couvert-étanchéité, qui devait contrôler son sous-traitant, et est tenu à une obligation de résultat ;

. en tout état de cause, c'est à la société Atelier 4+ qu'a été confiée la mission de suivi et de direction des travaux et d'assistance à la réception des travaux, à laquelle les honoraires de M. A... au titre de la mission DET ont été rétrocédés par avenant n°7, qui doit répondre des manquements à cette mission ;

. leur responsabilité doit donc être écartée ;

. la solution de reprise partielle de la société Ouest Alu, pour un montant de 1 001 671,12 euros HT, est la seule adaptée à la reprise des désordres ;

. l'expertise de M. B... sera écartée et une nouvelle expertise judiciaire sera ordonnée ;

. à tout le moins, la somme allouée au titre des travaux de reprise sera limitée à la somme de 40 % du montant de 1 001 671,12 euros HT en retenant un coefficient de vétusté de 40 % au moins par rapport à la date d'apparition des désordres et à leur importance constatée au bout de 10 ans ;

. la TVA ne sera pas prise en compte dès lors que les hospices civils de Lyon récupèrent la TVA sur les travaux, au moins partiellement ;

. à titre infiniment subsidiaire, la solution n° 2 chiffrée par l'expert judiciaire à la somme de 2 3626 182,07 euros HT sera retenue ;

. les frais avancés pour six réunions d'expertise ne sont pas justifiés et dépassent largement le coût réel justifiable ;

. les frais d'avocat relèvent de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et sont exorbitants ;

. la demande de condamnation in solidum formée à leur encontre sera rejetée en l'absence d'une faute ayant entraîné l'entier dommage ;

. les désordres ont pour origine un défaut d'exécution, en particulier un sous-dimensionnement des goupilles choisies, imputable à la société Ouest Alu, sous-traitant du groupement d'entreprises composés des sociétés Entreprise Léon Grosse, Dumez Rhône-Alpes et Entreprise Pitance, lesquelles dernières sociétés, titulaires du marché, avaient une obligation de résultat et devaient contrôler leur sous-traitant, notamment ses plans d'exécution ;

. dans tous les cas, les sociétés Entreprise Léon Grosse et Citinea seront déclarées responsables des manquements de leur sous-traitant, la société Ouest Alu, à leur égard ;

. leur appel en garantie contre la société Citinea n'est pas prescrit ;

. la société Bureau Véritas a émis un avis favorable sur les documents fournis par la société Ouest Alu en connaissance du matériau finalement choisi par celle société ;

. si le sous-dimensionnement de la goupille est considéré comme décelable au stade de la direction des travaux, la société Atelier 4+ supportera la totalité de la responsabilité du fait de sa mission ;

. les appels en garantie contre les sociétés Algoe et Economie 95 sont justifiés par les conclusions de l'expert judiciaire sur leur responsabilité dans la survenance du sinistre, sur le fondement de la responsabilité contractuelle entre cotraitants ;

- à titre subsidiaire, la cour prononcera la nullité du rapport d'expertise de M. B..., qui a méconnu le principe du contradictoire ;

. l'expertise étant annulée et ne pouvant servir même à titre informatif sur les causes des désordres, le montant des travaux de réparation et les préjudices des HCL, aucune condamnation ne pourra être prononcée à leur encontre.

Par un mémoire enregistré le 18 novembre 2019, la société Atelier 4+, représentée par Me Ponchon de Saint-André, demande à la cour :

1°) à titre principal, de confirmer le jugement contesté ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la société Groupe Liébot venant aux droits de la société Ouest Alu, la société Entreprise générale Léon Grosse, la société Citinea venant aux droits des sociétés Dumez Rhône Alpes et Entreprise Pitance, la société Bureau Véritas et la société Bureau Véritas Construction à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge ;

3°) à titre plus subsidiaire, si la responsabilité de la maîtrise d'œuvre était retenue, de condamner la société Ateliers AFA, la société A... et Vanhaecke et M. C... A... à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge ;

4°) de rejeter les demandes des hospices civils de Lyon formées à son encontre ;

5°) à titre infiniment subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnisation du préjudice sollicitée par les hospices civils de Lyon ;

6°) de condamner les hospices civils de Lyon ou qui mieux il appartiendra aux dépens ;

7°) de mettre à la charge des hospices civils de Lyon ou qui mieux il appartiendra la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir :

- à titre principal :

. les désordres ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ;

. ils ne lui sont pas imputables ;

- à titre subsidiaire :

. ses appels en garantie ne sont pas prescrits ;

. la société Ouest Alu a commis plusieurs fautes telles que relevées par l'expert ;

. les sociétés Entreprises Générale Léon Grosse, Dumez Rhône Alpes et Entreprise Pitance sont responsables du fait de leur sous-traitant, la société Ouest Alu, qu'elles devaient surveiller ;

. la société Bureau Véritas a émis un avis favorable sur le mur rideau et ce même après que le matériau ait été modifié ;

. la société Ateliers AFA et M. A... sont parties à la conception de l'ouvrage par le biais de leur mission " visa " ;

. la solution de réparation proposée par la société Ouest Alu, qui présente toutes les garanties, doit être privilégiée dès lors que le remplacement de la façade vitrée dans son intégralité ne s'impose pas ;

. un coefficient de vétusté doit être appliqué dans tous les cas ;

. certaines demandes sont sans lien avec le préjudice effectivement subi.

Par des mémoires enregistrés les 11 décembre 2019, 25 juin 2020 et 7 octobre 2020, la société Bureau Véritas Services France, la société Bureau Véritas venant aux droits de la société Contrôle et Prévention (CEP) et la société Bureau Véritas Construction venant aux droits de la société Bureau Véritas, représentées par Me Draghi-Alonso, demandent à la Cour :

1°) d'ordonner la mise hors de cause de la société Bureau Véritas Services ;

2°) à titre principal, de confirmer le jugement contesté et en conséquence de rejeter la requête des hospices civils de Lyon et l'ensemble des demandes dirigées contre la société Bureau Véritas Construction ;

3°) à titre subsidiaire :

- de condamner in solidum la société Groupe Liébot venant aux droits de la société Financière Ouest Alu, la société Citinea venant aux droits de la société Dumez Rhône Alpes et de la société Pitance, la société Entreprise Léon Grosse, la société Atelier 4+, la société Atelier AFA, la société A... et Vanhaecke, M. C... A... et la société Algoe à la garantie et relever indemne de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

- de rejeter l'ensemble des demandes dirigées à l'encontre de la société Bureau Véritas Construction ;

- de rejeter les prétentions indemnitaires des hospices civils de Lyon ou les ramener à de plus justes proportions ;

4°) de condamner tout succombant aux entiers dépens ;

5°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- à titre principal :

. les désordres n'ont pas un caractère décennal ;

. les désordres ne sont pas imputables à la société Bureau Véritas ;

. les appels en garantie formés à son encontre seront déclarés sans objet en raison de l'absence de condamnation de la maîtrise d'œuvre sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour manquement à son devoir de conseil ;

. ces appels en garantie seront en tout état de cause rejetés comme infondés dès lors que la société Bureau Véritas n'a pas commis de faute délictuelle en lien avec les désordres ;

- à titre subsidiaire, sur les appels en garantie :

. le juge administratif est compétent pour connaître de son appel en garantie contre la société Ouest Alu ;

. son appel en garantie contre la société Citinea venant aux droits des sociétés Dumez Rhône Alpes et entreprise Pitance n'est pas prescrit ;

. la société Ouest Alu a commis des fautes en lien avec la survenance des désordres, telles que relevées par l'expert ;

. le groupement d'entreprises composé des sociétés entreprise Léon Grosse, Dumez Rhône Alpes et Entreprise Pitance, tenu à une obligation de résultat, est responsable des manquements commis par son sous-traitant, la société Ouest Alu, et devait s'assurer que le matériau de substitution respectait bien les prescriptions du CCTP ainsi que la destination de l'ouvrage ;

. la société Atelier AFA, la société A... et Vanhaecke et la société Atelier 4+, membres de la maîtrise d'œuvre, qui ont participé à la conception du projet, à l'exécution de l'ouvrage et à sa réception, et dont l'architecte a une obligation de bon choix des matériaux, ont une responsabilité prépondérante ;

. la société Bureau Véritas sera relevée et garantie par la société Algoe ;

- à titre très subsidiaire, aucune condamnation in solidum ne pourra être prononcée à l'encontre de la société Bureau Véritas, qui n'a pas concouru à la réalisation des désordres, sa responsabilité devant être cantonnée à sa part de responsabilité ;

- en tout état de cause, sur les préjudices :

. la demande au titre des frais avancés dans le cadre des opérations d'expertise concernant les frais d'avocats et la présence de différents interlocuteurs fait doublon avec celle formée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

. les autres frais allégués ne sont pas justifiés dans leur principe et leur quantum ;

. la solution de reprise totale n'est pas justifiée, alors que la solution de reprise partielle de la société Ouest Alu, d'un montant de 1 001 671,12 euros, permet de réparer les désordres et sera retenue ;

. un coefficient de vétusté doit être appliqué puisque l'ouvrage a été réceptionné il y a plus de 10 ans ;

. les honoraires des intervenants aux travaux de réparation seront fixés, sur la base des travaux proposés par la société Ouest Alu et des coefficients de l'expert, à 170 284,09 euros (17 % de la somme de 1 001 671,12 euros) ;

. la demande des hospices civils de Lyon au titre des frais et honoraires d'expertise ne saurait aller au-delà de la somme de 62 125,05 euros, telle que retenue par le tribunal par deux jugements du 12 décembre 2019 (nos 1801717 et 1801718) ;

. le jugement sera confirmé concernant la charge des frais et honoraires de l'expert, la société Bureau Véritas, étranger aux désordres, ne saurait être concernée.

Par un mémoire enregistré le 20 janvier 2020, la société Algoe, représentée par Me Bois, demande à la cour :

1°) à titre principal, de confirmer le jugement contesté ;

2°) à titre subsidiaire :

- de condamner la société Ouest Alu, le groupement d'entreprises Dumez/Pitance/Léon Grosse, et les sociétés Ateliers AFA, Atelier 4+ et M. A..., membres du groupement de maîtrise d'œuvre, à la relever et garantir intégralement de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;

- de rejeter la somme réclamée par les hospices civils de Lyon à hauteur de 123 012,98 euros ;

3°) de mettre à la charge des hospices civils de Lyon la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal :

. sa responsabilité ne peut être engagée dès lors qu'elle n'est pas intervenue dans la solution de façade rideau intérieure développée par la société Ouest Alu, ayant sous-traité ses missions puis été remplacée en mars 2001 par la société Economie 95, et que les causes du sinistre résultent de modifications intervenues en phase ACT après son départ ;

. les désordres ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et à le rendre impropre à sa destination ;

- à titre subsidiaire sur les appels en garantie :

. la responsabilité de la société Ouest Alu, du groupement d'entreprises, des maîtres d'œuvre et du bureau de contrôle et la proportion imputable à chacun ont été déterminées par l'expert ;

. dans l'hypothèse où elle serait condamnée en raison de sa participation au groupement solidaire, il appartiendra à la cour de statuer sur la responsabilité éventuelle de la société Economie 95 en sa double qualité de sous-traitant de la société Algoe et de titulaire de la mission d'économie à partir du mois de février 2001 ;

. si la cour considère que la société Economie 95 a failli à sa mission, il lui faudra énoncer le principe de responsabilité de cette société, celle-ci ne pouvant être condamnée puisqu'elle a été radiée et n'a donc plus la moindre existence ;

- à titre subsidiaire sur le quantum des préjudices :

. la solution de reprise complète du mur rideau n'est pas justifiée, alors que la société Ouest Alu a proposé une solution de reprise partielle conçue par un bureau d'études et validée par un bureau de contrôle ;

. les frais exposés dans le cadre des opérations d'expertise sont contestables, relèvent de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et n'ont donc pas à s'ajouter au montant principal réclamé au titre des travaux de reprise.

Par un mémoire enregistré le 23 janvier 2020, la société Entreprise Générale Léon Grosse, représentée par Me Tetreau, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter toute demande présentée à son encontre par les hospices civils de Lyon, la mettre hors de cause, et confirmer en conséquence le jugement contesté ;

2°) à titre subsidiaire :

- de condamner la société Citinea venant aux droits de la société Pitance, la société Bureau Véritas Construction et la société Bureau Véritas Services venant aux droits de la société Bureau Véritas, les sociétés Ateliers AFA, A... et Vanhaecke, Atelier 4 +, M. A..., et les sociétés Economie 95 et Algoe à la relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, solidairement entre elles ou dans des propensions que la cour jugera ;

- de fixer à 1 001 671,12 euros les travaux de reprise et de rejeter les autres réclamations indemnitaires ;

- de rejeter toutes autres demandes ;

3°) de condamner les hospices civils de Lyon aux entiers dépens de l'instance ;

4°) de mettre à la charge des hospices civils de Lyon la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre liminaire :

. l'expert a méconnu les principes du contradictoire, d'objectivité et d'impartialité ;

- à titre principal, les désordres ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et à le rendre impropre à sa destination ;

- à titre subsidiaire, sur les responsabilités :

. la responsabilité du choix du type de la goupille qui s'est révélée sous dimensionnée n'est pas imputable au groupement d'entreprises ;

. seule la société Pitance devenue Citinea, signataire du contrat de sous-traitance avec la société Ouest Alu et qui a défini et validé les prestations de cette dernière, doit répondre du sinistre ;

. son appel en garantie contre la société Citinea n'est pas prescrit ;

. elle sera donc relevée et garantie par cette société de toute condamnation prononcée à son encontre que ce soit du fait de la part de responsabilité qui serait mise à la charge de la société Ouest Alu ou de celle laissée à la charge du groupement au titre d'une validation du choix d'une goupille sous-dimensionnée ;

. la société Bureau Véritas a donné un avis favorable sur le mur rideau après examen des plans et des documents d'exécution établis par la société Ouest Alu et n'a émis aucun avis suspendu ou défavorable ;

. le groupement de maîtrise d'œuvre a visé les plans d'exécution de la façade et n'a émis aucune réserve ni aucun avis défavorable et n'a pas relevé une erreur dans le dimensionnement de la goupille ;

. l'expert estime qu'en décrivant une solution technique, qu'il critique par ailleurs, les économistes engagent leur responsabilité ;

- le devis des travaux de la société Ouest Alu devra être retenu, alors que les quatre offres concurrentes ne correspondent pas au cahier des charges initial du maître d'ouvrage mais à un ouvrage différent ;

- les autres réclamations indemnitaires des hospices civils de Lyon ne sont pas fondées ;

- les frais d'avocat ou encore les honoraires de l'expert judiciaire ne constituent pas un préjudice par principe indemnisable et n'ont pas à être majorés de la TVA ;

- les hospices civils de Lyon doivent rapporter la preuve de l'absence de caractère récupérable de la TVA et il convient, en tout état de cause, que les préjudices soient chiffrés hors taxes.

Par un mémoire enregistré le 11 juin 2020, la société Citinea, venant aux droits de la société Dumez Rhône Alpes et de la société Citinea Ouvrages Fonctionnels venant elle-même aux droits de la société Entreprise Pitance, représentée par Me Ducrot, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de confirmer le jugement contesté en ce qu'il a rejeté la requête des hospices civils de Lyon et statué sur la charge des frais d'expertise ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter les appels en garantie et toute autre demande formés à son encontre ;

3°) à titre infiniment subsidiaire :

- de condamner in solidum la société Atelier 4 +, la société Ateliers AFA, la société A... et Vanhaecke, M. C... A..., la société Bureau Véritas Construction, la société Algoe, et la société Entreprise Générale Léon Grosse à la relever et garantir indemne des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

- de condamner la société Ouest Alu à la relever et garantir indemne des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

4°) en tout état de cause :

- de ramener à de plus justes proportions les préjudices invoqués par les hospices civils de Lyon ;

- de mettre à la charge de tout succombant la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre liminaire, sur les appels en garantie formés à son encontre :

. l'appel en garantie formé à son encontre par la société Ouest Alu, avec laquelle elle est liée par un contrat de sous-traitance de droit privé, ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative ;

. les appels en garantie formés par la société Ateliers AFA, M. A..., la société Algoe, les sociétés Bureau Véritas et Bureau Véritas Construction, la société Entreprise Générale Léon Grosse, la société Ouest Alu à son encontre sont prescrits ;

. ces appels en garantie sont infondés dès lors que ces intervenants ne démontrent pas qu'elle aurait commis une faute ;

- à titre principal, elle n'est pas responsable des désordres dès lors que les sociétés Dumez et Pitance, spécialistes du gros œuvre, n'ont commis aucune faute en lien avec ces désordres, n'ayant aucune compétence pour détecter le sous-dimensionnement de la goupille et n'étant pas responsables des autres causes ;

- à titre subsidiaire, sur ses appels en garantie :

. la société Bureau Véritas, dont la vérification des hypothèses de calcul relevait de sa mission, engage sa responsabilité délictuelle en ayant émis un avis favorable sur le mur rideau au regard des plans et justificatifs transmis sans formuler de réserve sur la finesse de la goupille ;

. le groupement de maîtrise d'œuvre, qui a donné son visa sur les plans et justificatifs de la société Ouest Alu, sans émettre de réserve sur la finesse de la goupille, a violé ses obligations de contrôle et de conseil et engage dès lors sa responsabilité, qui ne pourra être inférieure à 50 % ;

. il relevait des obligations des sociétés Algoe et Economie 95, intervenues en phase APS dans la solution de façade rideau intérieur, de signaler le problème de sous-dimensionnement ;

. la société Ouest Alu a commis une faute en ne détectant pas le sous-dimensionnement de la goupille ;

. il ne pourra lui être attribuée un pourcentage de responsabilité supérieur à 2 % ;

. en qualité de mandataire du groupement d'entreprises, la société Entreprise Générale Léon Grosse devra supporter un pourcentage de responsabilité supérieur à celui qui pourrait être retenu à son encontre ;

- sur les préjudices :

. la solution de reprise partielle de l'ouvrage de la société Ouest Alu doit être retenue et celle de reprise complète retenue par l'expert, qui n'est pas indispensable, doit être écartée ;

. la demande au titre du personnel des hospices civils de Lyon doit être rejetée dès lors qu'il ne s'agit pas d'un préjudice, sauf à démontrer le paiement d'heures supplémentaires ;

. la demande au titre du coût de mise à disposition d'une salle des hospices civils de Lyon doit être rejetée comme non justifiée ;

- les dépens et frais irrépétibles ne seront pas mis à sa charge dès lors que les sociétés Dumez et Pitance ne sont pas à l'origine des désordres affectant les vitrages.

Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2020, la société Ouest Alu et la société Groupe Liébot venant aux droits de la société Financière Ouest Alu, représentées par Me Vacheron, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise et en ce qu'il a condamné la société Groupe Liébot à supporter la moitié des frais d'expertise ;

2°) d'annuler le rapport d'expertise de M. B... et de décharger la société Groupe Liébot de toute condamnation au titre des frais d'expertise ;

3°) de confirmer le jugement pour le surplus et de rejeter la requête ;

4°) de rejeter toute demande dirigée contre la société Groupe Liébot ;

5°) très subsidiairement, de retenir la solution de reprise de la société Ouest Alu d'un montant de 1 001 671,11 euros HT et de rejeter toute demande des hospices civils de Lyon au titre des préjudices subis ;

6°) de condamner la société Ateliers AFA, la société A... et Vanhaecke, M. A..., la société Atelier 4 +, la société Bureau Véritas Services France, la société Bureau Véritas, la société Bureau Véritas Construction et la société Citinea à relever et garantir la société Groupe Liébot de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

7°) de condamner les hospices civils de Lyon, la société Ateliers AFA, la société A... et Vanhaecke, M. A..., la société Atelier 4 +, la société Bureau Véritas Services France, la société Bureau Véritas, la société Bureau Véritas Construction et la société Citinea à la prise en charge des frais d'expertise ;

8°) de mettre à la charge des hospices civils de Lyon, de la société Ateliers AFA, de la société A... et Vanhaecke, de M. A..., de la société Atelier 4 +, de la société Bureau Véritas Services France, de la société Bureau Véritas, de la société Bureau Véritas Construction et de la société Citinea la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- elles sont fondées à demander la nullité du rapport d'expertise dès lors que l'expert a méconnu le principe du contradictoire ;

- elles sont fondées à contester le jugement en ce qu'il les a condamnées à supporter la moitié des frais d'expertise dès lors que la responsabilité de la société groupe Liébot ne peut être recherchée devant la juridiction administrative ;

- les désordres ne présentent pas un caractère décennal ;

- les préjudices allégués par les hospices civils de Lyon sont infondés, en particulier les frais avancés par les HCL pour les besoins de l'expertise sur un plan matériel ainsi que les différentes consignations versées ne constituent pas des préjudices indemnisables ;

- ces frais entrent dans la catégorie des dépens et des frais irrépétibles pris en charge dans les conditions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- les honoraires de l'expert judiciaire ne constituent pas un préjudice ;

- les préjudices n'ont pas à être majorés de la TVA ;

- sur les appels en garantie :

. le changement de matériau de la structure est le fait de la société Pitance désormais Citinea ;

. la société Bureau Véritas, dont les hypothèses de calcul font parties de son contrôle, a émis un avis favorable au mur rideau sans relever l'erreur grossière de choix de diamètre de la goupille ;

. la maîtrise d'œuvre (société Ateliers AFA, A... et Vanhaecke, Atelier 4 + et M. A...), engage sa responsabilité dès lors qu'elle n'a pas relevé l'erreur grossière de choix de diamètre de la goupille ;

. les appels en garantie dirigés contre la société Groupe Liébot venant aux droits de la société Financière Ouest Alu ou Ouest Alu ne sont pas recevables et ne peuvent qu'être rejetés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 et le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivière ;

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

- les observations de Me Gauch pour les hospices civils de Lyon, de Me Iturbide pour les sociétés Atelier AFA, Beming et A... et Vanhaecke, de Me Ponchon pour la société Ateliers 4 +, de Me Rattier pour la société Algoe, de Me Tetreau pour la société entreprise générale Léon Grosse, de Me Vacheron pour la société financière Ouest Alu et de Me Clerc pour la société Citinea.

Considérant ce qui suit :

1. Les hospices civils de Lyon ont, en qualité de maître d'ouvrage, entrepris la construction de l'hôpital femme-mère-enfant (FME) à Bron. La maîtrise d'œuvre de cette opération a été confiée à un groupement solidaire composé de l'Eurl Adrien Fainsilbert, mandataire, M. A..., la société Atelier 4+, la société Economie 95, la société CL Infra, la société Arcadis ESG, la société HGM Guy Huguet, la société Beming, la société Rolland Robert, la société Acouphen et le centre national d'expertise hospitalière. Les lots 04 à 07 portant sur le clos couvert des bâtiments A2 et A3 ont été attribués à un groupement solidaire composé de la société Entreprise Générale Léon Grosse, mandataire, la société Dumez Rhône Alpes et la société Pitance. Cette dernière a sous-traité la réalisation des travaux du lot 7A, portant sur la réalisation des menuiseries extérieures et de la façade rideau intérieure à la société Ouest Alu. La société Contrôle et Prévention était titulaire de la mission de contrôle technique. Les travaux ont été réceptionnés le 22 octobre 2007 avec effet au 31 juillet 2007 et des réserves levées le 16 juillet 2008. Par un jugement n° 1708532 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande des hospices civils de Lyon tendant à l'indemnisation, sur le fondement principal de leur responsabilité décennale, des constructeurs et subsidiairement, sur celui de la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'œuvre pour manquement à son devoir de conseil, des conséquences dommageables des désordres affectant les vitrages de la façade rideau intérieure du bâtiment A2 de l'hôpital FME. Puis, par ce même jugement, ledit tribunal a mis les frais de l'expertise judiciaire pour moitié à la charge de la société Groupe Liébot et les a laissés pour l'autre moitié à la charge des hospices civils de Lyon. Ces derniers relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité des opérations d'expertise :

2. Aux termes de l'article R 621-7 du code de justice administrative : " Les parties sont averties par le ou les experts des jours et heures auxquels il sera procédé à l'expertise ; cet avis leur est adressé quatre jours au moins à l'avance, par lettre recommandée. Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport ".

3. Le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier.

4. S'il résulte de l'instruction que six réunions techniques ont été tenues en mai et juin 2015 sans convocation de toutes les parties, à l'exception des hospices civils de Lyon qui étaient présents, et sans qu'un compte rendu soit établi, cinq de ces réunions avaient pour unique objet la visite de l'ouvrage affecté de désordres en présence d'entreprises invitées à établir des devis pour les travaux de reprise de ces désordres et la sixième a été consacrée à la photographie des traverses de la façade rideau. Compte tenu de l'objet de ces réunions et dès lors que les différentes solutions de reprise des désordres émises par les entreprises ayant proposé une offre chiffrée, ont été ultérieurement soumises aux parties à l'expertise, cette absence de convocation n'est pas en l'espèce de nature à caractériser une atteinte au principe du contradictoire. En outre, la circonstance, évoquée sans plus de précisions, que l'expert aurait échangé téléphoniquement à plusieurs reprises avec les parties sur le fond du dossier, n'est pas de nature à caractériser une méconnaissance de ce même principe, malgré l'absence de transcription du contenu de ces échanges. Il n'y a pas lieu dès lors de déclarer irrégulières les opérations d'expertise et d'écarter comme nul et non avenu le rapport établi par l'homme de l'art.

Sur la responsabilité décennale des constructeurs :

5. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.

6. Il résulte de l'instruction et des constats de l'expert que la structure porteuse en aluminium de la façade rideau intérieure vitrée du bâtiment A2 de l'hôpital femme-mère-enfant est affectée de désordres tenant à une inclinaison de tous les capots de serreurs horizontaux, des serreurs, à la déformation et au déchirement des traverses horizontales au niveau de l'épine, une déformation des goupilles en inox et de l'étrier en U. Onze vitrages sur les 284 que comporte la façade ont été fissurés consécutivement aux désordres précités, en particulier, selon l'expert en raison de la déformation des goupilles et des déformations des traverses aux droits des appuis. Toutefois, la seule existence de vitrages fendus ou fissurés ne rend pas, par elle-même, l'ensemble de l'ouvrage impropre à sa destination. En outre, il n'est pas établi que les désordres affectant les éléments de la structure porteuse conduiront de manière certaine à la fissuration ou au bris d'autres vitrages, à des chutes totales ou partielle de ces éléments vitrés et qu'il existe ainsi un risque pour la sécurité du personnel et des usagers de l'hôpital. A cet égard, alors que la façade comporte 284 vitrages d'un poids minimum de 558 kg et qu'il a été constaté leur léger déplacement suite aux désordres affectant les éléments de la structure, il ne résulte pas de l'instruction que les vitrages seraient désolidarisés de ces éléments. Aucune évolution des désordres et aucune nouvelle fissuration n'ont été constatées depuis les opérations de l'expert judiciaire. Ce dernier a relevé que des films protecteurs ont été, antérieurement à ses opérations, appliqués sur cinq vitrages et a préconisé une surveillance mensuelle des fissurations, en écartant la nécessité d'une intervention urgente durant l'expertise. Les hospices civils de Lyon n'ont, hormis les films précités, mis en œuvre aucune protection autour de la façade rideau et se sont bornés, comme le font valoir sans être contredites les sociétés Ouest Alu et Groupe Liébot, à lancer un appel d'offres en août 2020 pour mettre en place un système de surveillance des mouvements de la structure pour les dix années à venir.

7. Il résulte de ce qui précède que les désordres constatés au cours du délai d'épreuve de la garantie décennale ne sont pas de nature à rendre l'ouvrage, dans un délai prévisible, impropre à sa destination, ni d'ailleurs, à compromettre sa solidité. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que la responsabilité des constructeurs de l'ouvrage ne pouvait être recherchée sur le fondement de la garantie décennale.

Sur la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'œuvre pour manquement à son devoir de conseil :

8. Le maître d'œuvre qui s'abstient d'attirer l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage dont il pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves, commet un manquement à son devoir de conseil de nature à engager sa responsabilité. Le caractère apparent ou non des vices en cause lors de la réception est sans incidence sur le manquement du maître d'œuvre à son obligation de conseil, dès lors qu'il avait eu connaissance de ces vices en cours de chantier.

9. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise judiciaire, que l'une des causes des désordres est le sous-dimensionnement des goupilles inox choisies pour résister aux charges des vitrages, que l'expert judiciaire a qualifié d'erreur " grossière ". Toutefois, alors que ce sous-dimensionnement était de seulement 5 mm et que la composition des goupilles n'était pas identifiable visuellement sur chantier, alors que la résistance d'une goupille en inox est sensiblement variable selon l'alliage utilisé. En outre, la consistance des goupilles mises en œuvre ne correspondait pas aux hypothèses retenues dans la note de calcul sur ce point remise à la maîtrise d'œuvre par la société Ouest Alu, sous-traitant en charge de la conception, de l'exécution et de la fourniture de la façade rideau et de ses composants, qui n'a pas pris en compte les bonnes données, dont l'abaque de référence. Ainsi, la maîtrise d'œuvre ne peut être regardée comme ayant eu connaissance du vice entachant le dimensionnement des goupilles avant la réception, notamment dans le cadre de sa mission de visa des études d'exécution. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont estimé que les hospices civils de Lyon ne pouvaient rechercher la responsabilité contractuelle pour manquement à son devoir de conseil du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre.

10. Il résulte de ce qui précède que les hospices civils de Lyon ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais d'expertise :

11. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. ".

12. Compte tenu du rejet de ses conclusions indemnitaires et de sa qualité de partie perdante en résultant, les hospices civils de Lyon ne sont pas fondés à contester le jugement du tribunal en ce qu'il a mis à leur charge la moitié des frais d'expertise judiciaire. En outre, en se bornant à soutenir que la responsabilité de la société Groupe Liébot ne peut être recherchée devant les juridictions administratives, alors que cette société vient aux droits, après absorption, de la société financière Ouest Alu anciennement Ouest Alu, qui est la principale responsable des désordres ayant affecté la façade rideau inversée vitrée du bâtiment A2 de l'hôpital femme-mère-enfant, ladite société et la société Ouest Alu n'apportent pas une contestation sérieuse à ce même jugement en ce qu'il a, dans les circonstances particulières de l'affaire, mis à la charge de la société Groupe Liébot l'autre moitié des frais d'expertise.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

13. Les conclusions présentées à ce titre par les Hospices Civils de Lyon, parties perdantes, doivent être rejetées.

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par les autres parties.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des hospices civils de Lyon est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de la société Ouest Alu et de la société Groupe Liébot portant sur la charge des frais d'expertise judiciaire est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux hospices civils de Lyon, à la société Ateliers AFA, à M. A..., à la société Atelier 4+, à la société Bureau Véritas Construction, à la société Bureau Véritas Service France, à la société Bureau Véritas, à la société Entreprise Générale Léon Grosse, à la société Algoe, à la société Citinéa, à la société Groupe Liébot, à la société Ouest Alu, à la société A... et Vanhaecke, et à la société Beming.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, présidente-assesseure,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.

2

N° 19LY03466


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03466
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : DRAGHI-ALONSO - MELLA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-05;19ly03466 ?
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