La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/09/2021 | FRANCE | N°20LY02256

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 30 septembre 2021, 20LY02256


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'État à lui verser la somme de 40 200,37 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts.

Par jugement n° 1905214 lu le 10 juin 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 10 août 2020, Mme B..., représentée par Me Bertrand-Hebrard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon et de condamner l'État à

lui verser la somme de 40 200,37 euros, outre intérêts ;

2°) de mettre à la charge de l'État le versemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'État à lui verser la somme de 40 200,37 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts.

Par jugement n° 1905214 lu le 10 juin 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 10 août 2020, Mme B..., représentée par Me Bertrand-Hebrard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon et de condamner l'État à lui verser la somme de 40 200,37 euros, outre intérêts ;

2°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité fautive des titres de perception dès lors que le Conseil d'État a expressément exclu l'application de la jurisprudence Czabaj aux recours indemnitaires ;

- l'État a commis une faute compte tenu de l'absence de traitement de sa demande de placement en congé longue durée ou maladie ;

- en ce qui concerne l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service de son état de santé, cette décision a été prise à la suite d'une procédure irrégulière en l'absence de médecin spécialiste lors de la commission de réforme du 10 juin 2016 et est entachée d'une erreur d'appréciation quant à son état de santé ;

- le titre de perception qui lui a été opposé en avril 2017 pour un montant de 5 200,37 euros est illégal dès lors qu'en application de l'article 27 du décret du 14 mars 1986, elle avait un droit acquis au maintien de son demi-traitement jusqu'à son admission à la retraite ;

- les autres titre de perception démontrent une mauvaise gestion de sa carrière compte tenu de leur nombre et de leur imprécision ou inexactitude ;

- sa mise en retraite pour invalidité a fait l'objet d'un traitement expéditif ;

- les titres de perception opposés ont constitué une charge excessive ne pouvant être normalement supportée dans l'intérêt général de sorte que la responsabilité sans faute de l'État peut être engagée ;

- elle est fondée à demander la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, des troubles dans ses conditions d'existence et des graves difficultés financières générées par la multiplication et la confusion des titres de perception, circonstances qui révèlent une mauvaise gestion financière de sa rémunération ;

- elle sollicite à titre provisionnel la somme de 25 000 euros correspondant à la perte de chance d'avoir vu sa demande de reconnaissance d'imputabilité de son état de santé correctement traitée ;

- elle sollicite le versement de la somme de 5 200,37 euros correspondant au supposé trop perçu de traitement dans l'attente de son admission à la retraite.

Par mémoire enregistré le 1er mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de Mme B... en soutenant que la responsabilité de l'État ne peut pas être engagée.

Par ordonnance du 12 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bertrand-Hebrard, pour Mme B..., ainsi que celles de cette dernière ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que Mme B..., agent technique titulaire a, en raison de plusieurs pathologies, été placée en congé maladie ordinaire à compter du 14 mai 2015, prolongée à plusieurs reprises jusqu'au 21 juillet 2016 où elle a été a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 14 avril 2016. Des titres de perception ont été émis, le 5 novembre 2013, en recouvrement d'un indu de rémunération de 1 030 euros sur son traitement de février 2012, le 7 avril 2014 et le 5 mai 2014 en recouvrement d'indus d'indemnités journalières de 1 008,96 euros et de 1 299,13 euros versées en mars 2014 et en avril 2014, le 1er septembre 2016 en recouvrement d'un indu de primes de 98,20 euros afférentes à la période du 13 avril 2016 au 30 avril 2016, enfin, le 14 avril 2017 en recouvrement d'un indu de rémunération de 5 200,37 euros sur le traitement qui lui a été alloué dans l'attente de son admission à la retraite. Mme B... a demandé la condamnation de l'État à lui verser la somme de 40 200,37 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'illégalité fautive de ces titres de perception, de l'absence fautive d'examen de sa demande de congé longue durée, de l'absence fautive de reconnaissance de l'imputabilité au service de son état de santé, de la méconnaissance de son droit acquis au maintien de son traitement dans l'attente de son admission à la retraite et en raison de la responsabilité sans faute de l'État. Elle relève appel du jugement lu le 10 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'instruction, qu'à l'appui de ses conclusions indemnitaires, Mme B... soutenait que la responsabilité de l'État devait être engagée en raison notamment de l'illégalité des titres de perception des 5 novembre 2013, 6 et 15 mai 2014, 4 octobre 2016 et 14 avril 2017. Par ailleurs, s'agissant de ce dernier titre d'un montant de 5 200,37 euros, en sollicitant également le reversement de ladite somme, Mme B... devait être regardée comme demandant à être déchargée de l'obligation de la payer. Si les premiers juges ont, à tort, regardé les conclusions de Mme B... comme étant tardives, cette circonstance est sans incidence sur la régularité du jugement qui se prononce sur la demande indemnitaire alors que la demande d'annulation dirigée contre le titre de perception du 14 avril 2017 a été jugée à bon droit irrecevable dès lors qu'elle a été présentée au-delà du délai d'un an à compter de la date à laquelle Mme B... en a eu connaissance.

Sur le fond du litige :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 35 du décret susvisé du 14 mars 1986 : " Pour obtenir un congé de longue maladie ou de longue durée, les fonctionnaires en position d'activité (...) doivent adresser à leur chef de service une demande appuyée d'un certificat de leur médecin traitant spécifiant qu'ils sont susceptibles de bénéficier des dispositions de l'article 34 (3° ou 4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. /(...)/ Le dossier est ensuite soumis au comité médical compétent (...) ". Il résulte de l'instruction que par courrier du 29 février 2016, le directeur départemental de la cohésion sociale a informé Mme B... que son dossier serait examiné par le comité médical départemental, le 10 mars 2016, appelé à se prononcer sur la demande de congé longue maladie. Les mentions portées sur le procès-verbal du comité médical de La Loire ayant siégé à cette date confirment que le motif de présentation du dossier de Mme B... était bien un placement en congé de longue maladie à compter du 14 avril 2015, mais que l'avis rendu préconisait un placement en maladie ordinaire avec une inaptitude totale et définitive emportant admission à la retraite pour invalidité. Par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que sa demande de congé de longue maladie n'aurait pas été examinée par le comité médical, en méconnaissance des dispositions précitées.

4. En deuxième lieu, les irrégularités procédurales qui entacheraient l'examen de la demande de congé longue maladie sont sans incidence sur l'éligibilité de Mme B... à un tel dispositif dès lors, et ainsi qu'il vient d'être dit, qu'elle a été reconnue inapte définitivement à toutes fonctions, reconnaissance qui faisait obstacle à un placement en congé longue maladie.

5. En troisième lieu, à supposer que l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'état de santé de Mme B..., demande qu'elle n'a jamais présentée, soit entachée d'un vice de procédure en l'absence de médecins spécialistes lors de la commission de réforme du 10 juin 2016 ou compte tenu de l'erreur d'appréciation dont cette décision serait entachée, ces circonstances sont sans lien direct et certain avec les préjudices dont Mme B... demande réparation. Par suite, elle ne peut utilement en invoquer l'illégalité fautive à l'appui de sa demande indemnitaire.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 27 du décret susvisé du 14 mars 1986, dans sa version applicable au litige : " (...) Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite (...) ". Ces dispositions mettent en place un régime de rémunération transitoire pour les fonctionnaires ayant épuisé leur droit statutaire à congé de longue maladie ou de longue durée pendant la période d'instruction de leur admission à la retraite.

7. Il résulte de l'instruction que compte tenu de son état de santé, Mme B... a été placée en congé ordinaire de maladie à compter du 14 mai 2015, prolongé à plusieurs reprises. Lors de sa séance du 10 mars 2016, le comité médical de La Loire s'est prononcé en faveur de la prise en compte des arrêts de travail de l'intéressée au titre du congé ordinaire de maladie, a considéré que Mme B... était inapte de manière totale et définitive à ses fonctions et a rendu un avis favorable de mise à la retraite pour invalidité. Après examen médical, la commission de réforme lors de sa séance du 10 juin 2016 a émis un avis favorable à la mise à la retraite pour invalidité à compter du 14 avril 2016. Par arrêté du 21 juillet 2016, Mme B... a été admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 14 avril 2016 alors que pendant la période de mise en œuvre de la procédure de mise à la retraite, elle a continué à percevoir de l'administration un demi-traitement entre le 14 avril 2016 et le 30 novembre 2016 conformément aux dispositions précitées. Toutefois, Mme B... ne tirait d'aucune disposition législative ou réglementaire le droit de cumuler un demi-traitement avec la pension de retraite qui lui été allouée rétroactivement pour la même période. L'administration était dès lors fondée à recouvrer, par le titre exécutoire du 14 avril 2017, les traitements ainsi versés entre le 14 avril et le 30 novembre 2016, période au cours de laquelle Mme B... avait la qualité de pensionnée et ne pouvait donc percevoir qu'une pension de retraite. Mme B... n'est donc pas fondée à se prévaloir de l'illégalité du titre de perception du 14 avril 2017 ni du comportement de l'administration pour rechercher la responsabilité de l'État dans l'édiction du titre de perception de 5 200,37 euros correspondant au trop perçu de traitement dans l'attente de son admission à la retraite.

8. En cinquième lieu, Mme B... ne conteste pas le bien-fondé des cinq titres de perception, des lettres de relance et actes de poursuites émis entre le 5 novembre 2013 et le 14 avril 2017 en raison d'indus de rémunération, d'indemnités journalières et de primes et l'édiction de ces mesures ne caractérise aucun comportement fautif dans la gestion de sa carrière. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'État sur ce fondement.

9. En sixième lieu, l'avis d'inaptitude totale et définitive rendu par le comité médical, le 10 mars 2016, devait conduire l'administration à saisir la commission de réforme et à admettre Mme B... à la retraite pour invalidité avec effet au 14 avril 2016. Elle ne peut être considérée comme ayant traité de manière fautive la demande de mise à la retraite formée par l'intéressée, alors même qu'une pension de retraite est nécessairement moins élevée que les indemnités journalières servies en congés longue maladie, lesquels nécessitent une perspective de guérison et donc de reprise du service.

10. En dernier lieu, la charge de remboursement des demi-traitements indument perçus, n'est pas constitutive d'un préjudice anormal et spécial susceptible d'engager la responsabilité sans faute de l'employeur public, dès lors que tout agent public dont l'admission à la retraite est prononcée rétroactivement s'expose à devoir restituer les sommes qui lui ont été versées alors qu'il n'avait plus la qualité de fonctionnaire.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'État à lui verser la somme de 40 200,37 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie sera adressée à la direction générale des finances publiques de la Loire.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2021.

N° 20LY02256


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02256
Date de la décision : 30/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : BERTRAND HEBRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-30;20ly02256 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award