Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :
- d'annuler la décision du 20 avril 2018, confirmée le 25 mai 2018, par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est l'a déclaré redevable d'un trop-perçu d'indemnité de responsabilité et de performance (IRP) pour la période du 1er mars 2016 au 28 février 2018, pour un montant de 2 973,60 euros, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux formé le 28 mai 2018 ;
- d'ordonner le reversement de la somme de 2 973,60 euros déjà prélevée ;
- de condamner l'État à lui verser une indemnité de 2 000 euros en réparation des préjudices subis.
Par un jugement n° 1807238 lu le 25 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 25 novembre 2019 et un mémoire enregistré le 22 mars 2021, présentés pour M. B..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1807238 du 25 septembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;
3°) d'ordonner, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le reversement de la somme de 2 973,60 euros déjà prélevée sur son traitement du mois de juin 2018 ;
4°) de condamner l'État à lui verser une indemnité de 2 000 euros en réparation des préjudices subis, outre intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Lyon et la capitalisation des intérêts ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du 20 avril 2018 est entachée d'incompétence dès lors, d'une part qu'il n'est pas établi que le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est aurait été, régulièrement et préalablement à la décision litigieuse du 20 avril 2018, habilité à liquider la créance litigieuse par délégation de pouvoir du ministre de l'intérieur et, d'autre part, que le signataire de la décision, chef du bureau des rémunérations, ne pouvait bénéficier d'une délégation du préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est prévue par l'article R. 122-35 du code de la sécurité intérieure ; il n'est pas établi que l'arrêté préfectoral du 30 octobre 2017 de délégation de signature a bien été publié ;
- la décision du 20 avril 2018 est illégale en l'absence de mention des bases de liquidation de la créance contestée, particulièrement des textes la fondant, en méconnaissance de l'article 24 du décret n° 212-1246 du 7 novembre 2012 ; elle est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la créance de l'État est infondée dans son principe, à défaut de communication des éléments du contrôle permettant de déterminer si la décision de reversement du trop-perçu trouve son fondement dans une erreur ou dans une décision antérieure et si, dans ce cas, le retrait est intervenu dans un délai de quatre mois à compter des éléments établissant le caractère injustifié de l'avantage, et dans son quantum, dès lors qu'il n'a pas perçu la somme de 660,80 euros mensuelle mentionnée dans la décision ;
- la responsabilité de l'État est engagée, en raison d'une rupture d'égalité de traitement, et il fondé à réclamer l'indemnisation d'un préjudice anormal et spécial, ainsi qu'en raison de la carence de l'État résultant du paiement d'une indemnité indue durant plusieurs années et de l'absence d'émission d'un titre exécutoire.
Par un mémoire enregistré le 22 février 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 26 mars 2021 par une ordonnance du 22 février 2021.
Par un mémoire enregistré le 26 juillet 2021, présenté pour Mme C... E..., agissant en son nom et celui des enfants mineurs de M. B... dont elle est la mère, elle informe la cour qu'à la suite du décès de M. B..., survenu le 28 mai 2021, elle entend reprendre l'instance en leur qualité d'ayants droit et maintient les conclusions de la requête par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;
- le décret n° 2005-716 du 29 juin 2005 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le décret n° 2013-1144 du 11 décembre ;
- l'arrêté du 11 décembre 2013 du ministre de l'intérieur, de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique et du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, portant application du décret n° 2013-1144 du 11 décembre 2013 portant création d'une indemnité de responsabilité et de performance allouée aux fonctionnaires du corps de commandement de la police nationale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Nguyen, pour les requérants ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 septembre 2021, présentée par Me Nguyen ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., commandant de police affecté à la direction interrégionale de la police judiciaire de Lyon, s'est vu attribuer, à compter du 1er janvier 2014, par un arrêté du 14 avril 2014, une indemnité de responsabilité et de performance (IRP) pour " poste difficile " prévue par les dispositions du décret du 11 décembre 2013 susvisé portant création d'une indemnité de responsabilité et de performance (IRP) allouée aux fonctionnaires du corps de commandement de la police nationale. Par une décision du 20 avril 2018, confirmée par une " attestation " du 25 mai 2018, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Est a déclaré M. B... redevable de la somme de 2 973,60 euros, à raison de trop-perçus de cette indemnité au cours de la période du 1er mars 2016 au 28 février 2018, et l'a informé de ce que la somme due ferait l'objet d'un remboursement par prélèvement sur sa rémunération. M. B... a formé un recours gracieux contre ces décisions puis saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à l'annulation de ces décisions, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux formé le 28 mai 2018, à la restitution de la somme de 2 973,60 euros retenue sur son traitement de juin 2018 et à la condamnation de l'État à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. A la suite du décès de M. B..., Mme C... E..., agissant en son nom et celui des deux enfants mineurs du requérant dont elle est la mère, en leur qualité d'ayants droit, a indiqué à la cour qu'elle entendait reprendre l'instance. A la date à laquelle la cour a été informée de ce décès, l'affaire était en état d'être jugée.
Sur la légalité de la décision du 20 avril 2018 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
2. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 susvisé relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. / (...). Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". L'État ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre de perception lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, soit, s'agissant d'un indu de rémunération, dans la lettre par laquelle l'administration déclare un agent public redevable d'une somme et l'informe qu'en l'absence de paiement spontané de sa part, cette somme sera retenue sur sa solde, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il s'est fondé pour déterminer le montant de la créance.
3. Si la lettre du 20 avril 2018 du préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est mentionne le montant d'indemnité de responsabilité et de performance (IRP) perçu mensuellement par M. B... durant la période du 1er mars 2016 au 28 février 2018 et celui réellement dû au cours de la même période, et l'informe qu'en conséquence, il serait procédé à la récupération des trop-perçus de ladite période, s'élevant à 2 973,60 euros, par retenue sur son traitement, ladite décision ne comporte aucune indication des dispositions du décret du 11 décembre 2013 susvisé portant création d'une indemnité de responsabilité et de performance (IRP) allouée aux fonctionnaires du corps de commandement de la police nationale en vertu desquelles le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Est a estimé que le coefficient appliqué au montant individuel de la part fonctionnelle versé à M. B... au cours de la période en litige ne correspondait pas à celui devant être appliqué à raison de son affectation sur un poste classé " poste difficile ". Dès lors ladite décision, qui n'a pas permis à M. B... de connaître les éléments arithmétiques de liquidation du trop-perçu mensuel ni, par suite, de les contester, ne comportait pas les bases et les éléments de calcul sur lesquels l'administration s'est fondée pour déterminer le montant de la créance en cause.
Sur les conclusions indemnitaires :
4. En premier lieu, lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative entachée d'un vice de forme, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, en respectant les conditions de forme prescrites. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise par l'autorité compétente agissant dans le respect des règles de forme, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice qui entachait la décision administrative illégale.
5. Il résulte de l'instruction que la décision du 20 avril 2018, confirmée le 25 mai 2018, par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est a déclaré M. B... redevable d'un trop-perçu d'indemnité de responsabilité et de performance (IRP) pour la période du 1er mars 2016 au 28 février 2018, pour un montant de 2 973,60 euros, était motivée par la constatation qu'alors qu'en vertu de l'article 6 du décret n° 2013-1144 du 11 décembre 2013 susvisé le montant individuel de la part fonctionnelle des agents affectés sur un poste classé " poste difficile " est déterminé par application d'un coefficient de 1,3 au montant mensuel de référence, M. B... a perçu une indemnité correspondant, par application d'un coefficient plus élevé, au montant alloué aux agents occupant un poste classé " poste difficile et cyclique ". M. B... n'établit pas, ni même n'allègue, que ce motif repose sur des faits matériellement inexacts ou une méconnaissance des dispositions du décret du 11 décembre 2013. Par suite, le préjudice qu'aurait subi le requérant du fait de l'illégalité de la décision du 20 avril 2018 ne peut être regardé comme la conséquence du vice dont cette décision était entachée.
6. En deuxième lieu, si M. B... invoque la méconnaissance du principe d'égalité de traitement, il n'établit pas en quoi il aurait été soumis à un traitement plus défavorable qu'un autre agent placé dans une situation identique à la sienne, alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, il ne conteste pas qu'il n'était pas éligible, en application des dispositions du décret du 11 décembre 2013 susvisé, à l'avantage financier dont il a bénéficié en percevant un montant d'IRP correspondant à celui versé aux fonctionnaires de son corps occupant un " poste difficile et cyclique ".
7. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration, qui n'était pas tenue d'émettre un titre exécutoire pour obtenir la répétition de l'indu de rémunération dont M. B... était redevable, aurait commis une carence fautive en procédant ainsi qu'elle l'a fait par l'envoi d'une décision rendant le requérant redevable de la somme de 2 973,60 euros correspondant à un trop-perçu de rémunération, non contesté, au titre de la période non prescrite du 1er mars 2016 au 28 février 2018 et elle n'a pas davantage commis une carence fautive en procédant au versement, sur cette même période, d'un montant erroné d'indemnité de responsabilité et de performance (IRP). En outre, il résulte de l'instruction, en particulier, de la lettre du 20 avril 2018 informant M. B... A... la répétition des sommes versées indument à compter de la paie de juin 2018, en une seule fois sous réserve que le montant à reverser ne soit pas supérieur au montant de la quotité saisissable, et du bulletin de traitement de juin 2018, qui fait coïncider une retenue de 2 973,60 euros avec le versement d'une indemnité de congés non pris, d'un montant brut de 3 875 euros, de telle sorte que, par compensation, M. B... demeure attributaire, sur ce mois, d'une rémunération nette de 5 207,62 euros d'un niveau comparable, si ce n'est supérieur, à sa rémunération habituelle. Ainsi, il n'est pas fondé à soutenir avoir subi un préjudice financier ou des troubles dans ses conditions d'existence à raison du choix opéré par l'administration de procéder à une retenue en une seule fois, sans échelonnement, de l'indu cumulé durant deux années sur les quatre au cours desquelles il en avait bénéficié, d'indemnité de responsabilité et de performance (IRP), un tel choix ne présentant pas par lui-même en l'espèce un caractère fautif en dépit du caractère moins souple que celui d'un remboursement étalé, et n'étant pas de nature à causer plus de préjudices à l'agent que celui de l'émission d'un titre exécutoire dont le recouvrement peut ne pas être étalé.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 avril 2018, confirmée le 25 mai 2018, par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est l'a déclaré redevable d'un trop-perçu d'indemnité de responsabilité et de performance (IRP) pour la période du 1er mars 2016 au 28 février 2018, pour un montant de 2 973,60 euros, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux formé le 28 mai 2018.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
9. L'annulation par une décision juridictionnelle d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation éventuelle par l'administration, que les sommes perçues par l'administration sur le fondement du titre ainsi dépourvu de base légale soient immédiatement restituées à l'intéressé. Lorsqu'une juridiction est saisie de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de restituer des sommes perçues sur le fondement d'un titre de perception ainsi annulé, il lui appartient de prescrire la mesure demandée en fixant le délai au terme duquel l'administration devra restituer ces sommes, si elle n'a pas émis, avant l'expiration de ce délai, un nouveau titre de perception dans des conditions régulières.
10. L'exécution du présent arrêt, qui annule, pour un motif de régularité en la forme, la décision du 20 avril 2018, confirmée le 25 mai 2018, par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est l'a déclaré redevable d'un trop-perçu d'indemnité de responsabilité et de performance (IRP) pour la période du 1er mars 2016 au 28 février 2018, pour un montant de 2 973,60 euros, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux formé le 28 mai 2018, implique, dès lors qu'il résulte de l'instruction que la totalité de ladite somme de 2 973,60 euros a été prélevée sur le traitement de juin 2018 de M. B... à la suite de ces décisions, qu'il soit enjoint à l'administration de restituer cette somme aux ayants droit du requérant dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, si l'administration n'a pas émis avant l'expiration de ce délai un nouveau titre dans des conditions régulières, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par M. B....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1807238 du 25 septembre 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. B... aux fins d'annulation de la décision du 20 avril 2018, confirmée le 25 mai 2018, par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est l'a déclaré redevable d'un trop-perçu d'indemnité de responsabilité et de performance (IRP) pour la période du 1er mars 2016 au 28 février 2018, pour un montant de 2 973,60 euros, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux formé le 28 mai 2018, ensemble lesdites décisions.
Article 2 : Il est enjoint à l'État de restituer aux ayants droit de M. B... la somme de 2 973,60 euros, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, si l'administration n'a pas émis avant l'expiration de ce délai un nouveau titre dans des conditions régulières.
Article 3 : L'État versera la somme de 1 500 euros aux ayants droit de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2021.
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N° 19LY04325