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23/09/2021 | FRANCE | N°20LY03859

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 23 septembre 2021, 20LY03859


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002493 du 18 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 décembre

2020, Mme B..., représentée par Me Pochard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002493 du 18 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 décembre 2020, Mme B..., représentée par Me Pochard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle se fonde sur une décision portant refus de titre de séjour illégale ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,

- et les observations Me Pochard, représentant Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante congolaise (République Démocratique du Congo) née le 14 juillet 1980, est entrée en France le 1er juillet 2013, selon ses déclarations, et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 octobre 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 mai 2015. Le 19 avril 2013, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 23 novembre 2015, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Elle a de nouveau sollicité, le 14 juin 2019, un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 janvier 2020, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".

3. Mme B... soutient, tout d'abord, qu'elle souffre d'une affectation psychiatrique très sévère nécessitant une psychothérapie et un traitement médicamenteux et que ce traitement, qui consiste en un neuroleptique, l'Abilify, un antidépresseur, la Sertraline, un hypnotique, le Zopiclone, et des anxiolytiques, le Prazepram et l'Atarax, n'est pas disponible en République démocratique du Congo. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans un avis du 11 octobre 2019, que si l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé et qu'elle pouvait voyager sans risque vers ce pays. Ni les certificats médicaux établis par des médecins généralistes le 4 juin 2020 et le 22 juillet 2020 et par un médecin psychiatre le 8 juin 2020 et le 20 juillet 2020, qui se bornent à décrire la pathologie de l'intéressée et les soins qui lui sont administrés en France, et à affirmer, sans aucune autre précision, que le traitement n'est pas " à leur connaissance " possible en République démocratique du Congo, ni le rapport établi le 3 décembre 2014 par l'Analyse sur les pays de l'Office fédéral des migrations suisse sur le système sanitaire à Kinshasa, eu égard à ses termes généraux et relativement anciens, ni encore le rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés relatif au traitement des maladies mentales en République démocratique du Congo établi le 19 juin 2018, ne suffisent à démontrer qu'un traitement adapté à l'état de santé de Mme B... ne serait pas disponible dans son pays d'origine. En outre, les courriers émanant, selon la requérante, des laboratoires produisant les spécialités Prazepam et Abilify, qui indiquent que ces spécialités ne sont pas commercialisées dans ce pays par les laboratoires en cause, ne suffisent pas à démontrer qu'elles ne seraient pas distribuées dans ce pays par une autre voie. Enfin, si la liste des médicaments essentiels en République démocratique du Congo, produite par le préfet du Rhône en première instance, datée du mois de mars 2010, est relativement ancienne, le préfet a également produit des extraits du répertoire des produits pharmaceutiques enregistrés et autorisés en République démocratique du Congo du mois d'octobre 2016, dont il ressort que le traitement prescrit à la requérante ou des spécialités, appartenant aux mêmes familles que les médicaments prescrits et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles ne leur seraient pas substituables, sont disponibles dans ce pays.

4. Par ailleurs, si Mme B... soutient avoir vécu dans son pays d'origine des évènements traumatisants qui sont à l'origine de ses troubles psychiatriques, les certificats médicaux qu'elle produit, rédigés sur la foi de ses déclarations, ne permettent pas d'établir la réalité du lien entre son état de santé et les mauvais traitements invoqués, dont la réalité n'a, au demeurant, pas été regardée comme établie par la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un retour dans son pays d'origine serait susceptible de réactiver la pathologie de la requérante et ainsi d'aggraver son état de santé.

5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Mme B... fait valoir qu'elle séjournait en France depuis près de sept ans à la date de la décision attaquée, qu'elle a tissé des liens personnels et sociaux importants et que son état de santé justifie son maintien en France. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme B... peut bénéficier de soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine. En outre, la durée de son séjour en France résulte essentiellement de ce qu'elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire, en dépit de la décision refusant de l'admettre au séjour et de la mesure d'éloignement prise à son encontre. La requérante, dont la demande d'asile a, au demeurant, été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, n'établit pas qu'elle ne pourrait mener une vie privée et familiale normale en République démocratique du Congo compte tenu des risques auxquels elle serait exposée dans ce pays. Enfin, la requérante n'établit pas être dépourvue d'attaches privées et familiales en République démocratique du Congo, où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision attaquée ne porte pas au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, que, si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, la requérante peut bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé. Il ressort de ces mêmes pièces que la requérante peut voyager sans risque à destination de ce pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

10. En dernier lieu, et pour les motifs exposés précédemment, les moyens de Mme B... tirés de ce que le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ainsi méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en l'obligeant à quitter le territoire français et de ce que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Cet article énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

12. Mme B... soutient qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé en République démocratique du Congo et qu'elle est ainsi exposée dans ce pays à des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa santé. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort d'aucune des pièces produites que le suivi médical et le traitement prescrit à Mme B... ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine. En outre, la requérante, dont la demande d'asile a, au demeurant, été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte à l'appui de ses affirmations aucune précision ni aucun élément de preuve permettant d'établir qu'elle serait personnellement exposée à un risque réel, direct et sérieux pour sa vie ou sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, les moyens tirés de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 septembre 2021.

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N° 20LY03859

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03859
Date de la décision : 23/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : POCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-23;20ly03859 ?
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