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16/09/2021 | FRANCE | N°20LY03251

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 16 septembre 2021, 20LY03251


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2019 par lequel le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit de retourner sur le territoire français avant deux ans et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1907119 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande

de M. A... C....

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 novemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2019 par lequel le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit de retourner sur le territoire français avant deux ans et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1907119 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. A... C....

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2020, M. A... C..., représenté par Me Couderc, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 juin 2020 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois.

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à la SCP Couderc-Zouine en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision litigieuse est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision refusant le délai de départ :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie d'une adresse stable où il vit avec son épouse et leurs deux enfants ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision doit être annulée par exception d'illégalité de la décision de refus de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision sera regardée comme insuffisamment motivée dès lors que le préfet n'a jamais indiqué la date d'entrée du requérant et n'a donc pas apprécié l'ancienneté de son séjour, circonstance qui expressément visée par le texte du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la durée de l'interdiction est excessive.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant tunisien né le 20 avril 1984, est entré en France accompagné de son épouse le 2 juillet 2015, sous couvert d'un visa de court séjour. Par un arrêté du 10 septembre 2019, le préfet du Rhône a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français qu'il a assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... C... relève appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) ; 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ".

3. La décision litigieuse expose de façon suffisante les éléments de fait et de droit qui la fondent. La circonstance que le préfet du Rhône, qui n'a pas l'obligation de faire état de l'ensemble des éléments propres à la situation de M. A... C..., n'ait pas fait mention de la date de son arrivée en France n'est pas de nature à révéler un défaut d'examen de sa situation, alors au demeurant que le préfet a par ailleurs rappelé plusieurs éléments concernant la situation familiale et personnelle de l'intéressé au regard des règles du droit au séjour. Les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen particulier de sa situation personnelle doivent par suite être écartés.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... C... et son épouse séjournaient en France depuis un peu plus de quatre ans à la date de la décision attaquée et qu'ils ont vécu l'essentiel de leur existence dans leur pays d'origine. M. A... C..., qui a déclaré ne pas disposer d'autres revenus qu'une aide de 200 euros par mois versée pour ses deux enfants ainsi que des aides accordées par son frère et son oncle, ne produit aucun autre élément de nature à justifier d'une intégration sociale ou professionnelle particulière qu'une simple promesse d'embauche, d'ailleurs postérieure à la date de la décision attaquée, et des certificats de scolarité pour ses deux enfants en bas âge. Il ressort de ces mêmes pièces qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français en dépit de deux obligations de quitter le territoire français prises à son encontre par le préfet de la Loire en 2016 et en 2019, et que son épouse a elle-même fait l'objet d'une mesure d'éloignement par un arrêté du même préfet du 8 mars 2019. Dans ces circonstances, et alors que la cellule familiale de M. A... C... peut se reconstituer dans son pays d'origine, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Pour les mêmes raisons, M. A... C... n'est pas davantage fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

7. En premier lieu, les moyens invoqués à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ayant été écartés, M. A... C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui refusant un délai de départ.

8. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ".

9. Bien qu'entré régulièrement sur le territoire français le 2 juillet 2015, au bénéfice d'un visa de court séjour, M. A... C... avait d'ores et déjà fait l'objet à la date de la décision attaquée de deux mesures d'éloignement les 19 juillet 2016 et 30 août 2019 et il n'a, selon ses propres déclarations aux services de police, pas respecté les mesures d'assignation à résidence dont il a fait l'objet en raison de la crainte qu'il avait d'être éloigné. Par suite c'est par une exacte application des dispositions citées au point précédent que le préfet du Rhône a pu considérer qu'il existait un risque que M. A... C... se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français et qu'il a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. Les moyens invoqués à l'encontre de la décision l'obligeant de quitter le territoire français ayant été écartés, M. A... C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

11. Aux termes du III de l'article L. 511-1 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

12. Il ressort de la décision litigieuse que, conformément aux dispositions précitées, le préfet du Rhône a procédé à l'examen de la situation du requérant au regard de l'ensemble des critères définis au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a suffisamment motivé sa décision.

13. Eu égard à la situation personnelle de M. A... C... telle que rappelée au point 5 du présent arrêt, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône a entaché sa décision lui interdisant de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans à compter de l'exécution de la décision d'obligation de quitter le territoire français, d'une erreur d'appréciation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et sur l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

15. Les conclusions à fin d'annulation de M. A... C... devant être rejetées, il s'ensuit que doivent l'être également, d'une part, ses conclusions à fin d'injonction, puisque la présente décision n'appelle ainsi aucune mesure d'exécution, et d'autre part, celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ces dispositions faisant obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 31 août 2021 à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président, président-assesseur assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 septembre 2021.

No 20LY032514


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03251
Date de la décision : 16/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-16;20ly03251 ?
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