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16/09/2021 | FRANCE | N°20LY01789

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 16 septembre 2021, 20LY01789


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 avril 2020 par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et fam

iliale ", à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décisi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 avril 2020 par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2002385 du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. A... B....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2020, M. A... B..., représenté par Me Schurmann, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 juin 2020 et la décision du 8 avril 2020 du préfet de l'Isère l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et lui interdisant d'y retourner pendant une durée de deux ans ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée vie familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de le mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans l'attente de ce réexamen, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros qui sera versée à Me Schurmann sur le fondement de 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;

- le préfet de l'Isère, qui n'a pas pris en compte sa situation professionnelle et personnelle, n'a pas procédé à un examen sérieux et préalable de sa situation ;

- le préfet de l'Isère ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français avant d'avoir étudié sa demande de titre de séjour ; la décision litigieuse méconnaît les articles L. 313-14 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il remplit les conditions ;

- la décision litigieuse méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de l'Isère a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se fondant sur l'absence de démarche de sa part et en examinant sa vie privée et familiale uniquement au prisme de son divorce en cours ;

- il ne s'est pas maintenu sur le territoire français " au mépris manifeste des lois et des règlements nationaux " et ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, la mesure d'éloignement est disproportionnée avant même l'examen de sa demande de titre de séjour et alors qu'il avait entamé une telle démarche.

Sur l'absence de délai de départ volontaire :

- la décision n'est pas motivée ;

- il n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;

- le préfet de l'Isère a entaché sa décision d'une erreur en considérant qu'il risquait de se soustraire à l'obligation de quitter le territoire français alors qu'il est entré régulièrement sur le territoire français ; il a entamé la démarche de renouvellement de son titre de séjour ; il dispose des garanties de présentation ; il n'a jamais été condamné et ne présente pas une menace pour l'ordre public ;

- la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de sa vie privée et familiale sur le territoire français.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision n'est pas motivée ;

- le préfet de l'Isère n'a pas pris en compte sa situation personnelle ;

- la décision est manifestement disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2020, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... né le 13 janvier 1985, de nationalité tunisienne, expose avoir quitté la Tunisie " il y a près de 10 ans " pour vivre en région parisienne. Marié en mars 2017 à Grenoble à une ressortissante française, il a alors obtenu un visa long séjour valable un an à compter du 13 décembre 2017, puis un titre de séjour, en qualité de conjoint de français. A la date d'expiration de son titre de séjour, le 13 décembre 2019, il n'avait pas formé de demande en vue de son renouvellement, une procédure de divorce était engagée et il a été interpellé, le 8 avril 2020, à son domicile pour des faits de violence sur son épouse. Par un arrêté du même jour, le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... B... relève appel du jugement du 12 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, la décision litigieuse, qui expose de façon suffisamment précise les motifs de fait et de droit sur lesquels elle se fonde, est suffisamment motivée. Le préfet de l'Isère qui n'avait pas à faire mention de l'ensemble des éléments propres à la situation personnelle de M. A... B... a néanmoins relevé dans sa décision plusieurs éléments propres à sa situation et a procédé à un examen de sa situation particulière. Par suite les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen particulier de sa situation doivent être écartés.

3. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; (...) ".

4. Il est constant qu'à la date de la décision attaquée, la date de validité du titre de séjour de M. A... B... était expirée et que celui-ci avait seulement sollicité un rendez-vous afin de déposer une demande de renouvellement de son titre de séjour. En l'absence d'une telle demande, M. A... B... séjournait ainsi irrégulièrement sur le territoire français et le préfet de l'Isère pouvait, en application des dispositions précitées, l'obliger à quitter le territoire français. Il en résulte que, contrairement à ce qui est soutenu, le préfet de l'Isère n'avait pas, avant de prendre sa décision, à examiner une demande de titre de séjour que M. A... B... n'avait pas déposée, ni davantage à attendre que celui-ci la formule.

5. En troisième lieu, M. A... B..., séparé de son épouse et en cours de divorce, ne remplit pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit pour d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-1 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le requérant, qui se borne à soutenir sans l'établir, qu'il remplirait les conditions de délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié, n'est pas davantage fondé à soutenir que cette circonstance ferait obstacle à ce qu'une obligation de quitter le territoire français soit prise à son encontre.

6. En quatrième lieu, pour critiquer la légalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français. M. A... B... ne peut utilement invoquer l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne prévoit pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour.

7. En cinquième lieu, en l'absence de demande de titre de séjour présentée sur ce fondement, le moyen selon lequel le préfet de l'Isère aurait commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant.

8. En sixième lieu, si M. A... B... a séjourné régulièrement sur le territoire français en tant que conjoint de français et s'il a bénéficié d'une situation professionnelle stable grâce à un contrat de travail, il est en instance de divorce et sans enfant. Il s'est par ailleurs fait connaître à trois reprises pour des faits de violence, notamment, en dernier lieu, le 8 avril 2020 à Grenoble, pour des faits de violence aggravée. M. A... B... ne produit par ailleurs aucun élément justifiant d'une intégration sociale particulière. Dans ces circonstances, il n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement en litige aurait été prise en violation des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ou qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. En septième lieu, il résulte de ce qui précède que c'est sans erreur de fait que le préfet de l'Isère a considéré que M. A... B... se maintenait sur le territoire français au mépris des lois et règlements nationaux et qu'il constituait une menace pour l'ordre public.

En ce qui concerne le refus d'accorder à M. A... B... un délai de départ volontaire :

10. Aux termes du II de l'article L. 511-1 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...)/ Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; (...) ".

11. En indiquant dans l'arrêté du 8 avril 2020, d'une part que M. A... B... s'est maintenu sur le territoire français au-delà d'un mois suivant l'expiration de son titre de séjour et, d'autre part qu'il constitue une menace pour l'ordre public ainsi que les autres circonstances de fait et de droit le concernant, le préfet de l'Isère a suffisamment motivé sa décision et a procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle.

12. Dès lors que M. A... B... s'est maintenu au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de son titre de séjour, c'est par une exacte application des dispositions citées au point 10 du présent arrêt que le préfet de l'Isère a pu considérer qu'il risquait de se soustraire à l'obligation de quitter le territoire français dont il est objet.

13. Compte tenu de la situation personnelle de M. A... B... rappelée au point 8 du présent arrêt et des violences pour lesquelles il s'est fait connaître, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Isère a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

14. Aux termes du III de l'article L. 511-1 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

15. En premier lieu, il ressort de la décision litigieuse que, conformément aux dispositions précitées, le préfet de l'Isère a procédé à l'examen de la situation du requérant au regard de l'ensemble des critères définis au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a suffisamment motivé sa décision.

16. Eu égard à la situation personnelle de M. A... B... telle que rappelée au point 8 du présent arrêt, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Isère a entaché sa décision lui interdisant de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans à compter de l'exécution de la décision d'obligation de quitter le territoire français, d'une erreur d'appréciation.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et relatives aux frais non compris dans les dépens :

18. Les conclusions à fin d'annulation de M. A... B... devant être rejetées, il s'ensuit que doivent l'être également, d'une part, ses conclusions à fin d'injonction, puisque la présente décision n'appelle ainsi aucune mesure d'exécution, et d'autre part, celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ces dispositions faisant obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 31 août 2021 à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 septembre 2021.

No 20LY017893


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01789
Date de la décision : 16/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCHURMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-16;20ly01789 ?
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