Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du préfet de la Savoie du 26 novembre 2020 portant obligation de quitter le territoire français sans délai avec fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
A... jugement n° 2007196 du 10 décembre 2020, le magistrat désigné A... le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
A... requête et un mémoire, enregistrés les 17 décembre 2020 et 12 avril 2021, M. C..., représenté A... Me Morlat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 décembre 2020 ainsi que l'arrêté du 26 novembre 2020 susvisé ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 200 euros A... jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige a été pris A... une autorité incompétente et est insuffisamment motivé ;
- il a été pris en méconnaissance des principes généraux du droit de l'Union Européenne d'être entendu et des droits de la défense ;
- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que le principe d'unité familiale, garanti à l'article 16-3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et constitutif d'un principe général du droit ;
- l'interdiction de retour est illégale dès lors qu'il n'a plus de contact avec son pays d'origine.
La requête a été communiquée au préfet de la Savoie qui n'a pas produit d'observations.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale A... décision du 27 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Déclaration universelle des droits de l'homme ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant polonais né le 16 décembre 1989, relève appel du jugement A... lequel le magistrat désigné A... le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 26 novembre 2020 du préfet de la Savoie l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant tout retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. C..., il ressort des pièces versées au dossier, et notamment des pièces produites devant le tribunal A... la préfecture de la Savoie le 7 décembre 2020, que M. B... E..., directeur de la direction de la citoyenneté et de la légalité, a reçu délégation pour signer l'arrêté du 26 février 2020 en litige relatif à la police des étrangers en vertu de l'article 8 de l'arrêté préfectoral SCPP-PCIT n°95-2020 du 14 octobre 2020 portant délégation de signature du préfet de la Savoie et régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n°73-2020-201 de la préfecture de la Savoie. A... suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose (...) de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) ". Aux termes de l'article L. 511-3-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, A... décision motivée, obliger un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...)3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. 'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l'autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel il est renvoyé en cas d'exécution d'office. Les articles L. 512-1 à L. 512-4 sont applicables aux mesures prises en application du présent article. (...) ". Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière des objectifs de la directive du 29 avril 2004 et notamment de ses articles 27 et 28. Il résulte à cet égard des termes mêmes du 3° de l'article L. 511-3-1, qui concerne des ressortissants d'un Etat membre qui ne sont pas entrés en France depuis plus de trois mois, qu'elles ne visent pas les personnes bénéficiant de la protection prévue à l'article 28 de la directive, quant au degré particulier de gravité des motifs d'ordre public dont un Etat membre doit justifier pour pouvoir prendre à leur encontre une mesure d'éloignement. Il appartient néanmoins à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration. Aux termes de l'article L. 511-3-2 du code précité : " L'autorité administrative peut, A... décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L. 511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de circulation sur le territoire français. Lorsque l'étranger sollicite l'abrogation de l'interdiction de circulation sur le territoire français, sa demande n'est recevable que s'il justifie résider hors de France depuis un an au moins. Cette condition ne s'applique pas : 1° Pendant le temps où l'étranger purge en France une peine d'emprisonnement ferme ; 2° Lorsque l'étranger fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence prise en application des articles L. 561-1 ou L. 561-2. Les quatre derniers alinéas de l'article L. 511-3-1 sont applicables ".
4. L'arrêté en litige emportant obligation de quitter le territoire français, refusant un délai de départ volontaire et prescrivant une interdiction de retour d'un an comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et ont permis à M. C... de comprendre les motifs justifiant l'arrêté édicté. A... suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige manque en fait et doit être écarté.
5. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 121-1 du code précité, citées au point 3, que les conditions dans lesquelles les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne peuvent exercer leur droit au séjour sur le territoire français et se voir délivrer, le cas échéant, un titre de séjour, sont régies A... les dispositions du titre II du livre premier du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui dérogent aux dispositions de droit commun du livre troisième du même code. Il ne résulte pas, en revanche, des dispositions de ce code que les ressortissants des Etats membres peuvent se prévaloir, à titre subsidiaire, des dispositions applicables aux ressortissants des pays tiers. Il suit de là que le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui ne remplit pas l'une des conditions prévues à l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier du droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois, s'il peut toujours se prévaloir des stipulations d'un accord international et notamment de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour justifier d'un droit au séjour, ne peut, en revanche, invoquer le bénéfice des dispositions nationales de droit commun pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour. A... suite, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui de sa contestation de l'arrêté litigieux, lequel n'emporte pas, au demeurant, refus de délivrance d'un titre de séjour.
6. En quatrième lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été auditionné le 7 septembre 2020 A... les services de police sur sa situation administrative et familiale et ses conditions d'entrée et de séjour en France et qu'il a été informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet de mesures d'éloignement et mis à même de présenter des observations. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu manque en fait et doit être écarté.
8. En cinquième lieu, si M. C... indique vivre en France depuis 2014, il est célibataire et a deux enfants dont l'une, âgée de 6 ans, vit en France placée dans une famille d'accueil. M. C... n'assure pas l'entretien de cet enfant ni n'allègue ni ne justifie avoir de contacts réguliers avec elle. En outre, l'appelant n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où il a vécu l'essentiel de son existence, et où résident ses parents ainsi qu'un autre de ses enfants, âgé de 11 ans. S'il indique avoir créé en France une entreprise en février 2020 ayant pour activité l'achat, la vente et la reprise de véhicules et pièces d'occasion et neufs, aucune pièce versée au dossier n'atteste de l'activité de cette société ni de l'emploi de 6 salariés ainsi que le prétend M. C.... Ce dernier ne produit aucun élément démontrant une intégration socioprofessionnelle dans la société française, excepté quelques bulletins de paie, alors qu'il est constant que M. C... a fait l'objet de multiples condamnations A... jugements du tribunal correctionnel d'Albertville entre septembre 2017 et août 2020 et était d'ailleurs détenu au centre pénitentiaire d'Aiton à la date de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige méconnaîtrait les dispositions de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
9. En sixième lieu, l'appelant ne saurait invoquer utilement la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, qui ne fait pas partie des textes diplomatiques ratifiés A... la France dans les conditions fixées aux articles 26 de la Constitution de 1946 ou 55 de la Constitution de 1958.
10. En dernier lieu, si M. C... soutient que l'interdiction de retour serait illégale dès lors qu'il n'a plus de contact avec son pays d'origine, il a été rappelé qu'y résident ses parents et l'un de ses enfants mineurs. A... suite, le moyen soulevé ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué, le magistrat désigné A... le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 26 novembre 2020 du préfet de la Savoie portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire national pour une durée d'un an. Les conclusions qu'il présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, A... voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 8 juillet 2021 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public A... mise à disposition au greffe, le 19 août 2021.
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N°20LY03758
lc