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19/08/2021 | FRANCE | N°19LY03828

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 19 août 2021, 19LY03828


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt avant-dire-droit du 6 juillet 2020, statuant sur la requête n°19LY03828 présentée par M. A... B..., la cour a procédé à un supplément d'instruction aux fins que le préfet de Saône-et-Loire fasse procéder auprès des autorités maliennes et, le cas échéant, des services français de fraude documentaire, à la vérification de l'authenticité des documents d'identité (acte de naissance et jugement supplétif) produits par M. B....

Le préfet de Saône-et-Loire a répondu à cette mesure le 4 septembre 2020.

M. B..., re

présenté par Me Brey, a produit un mémoire enregistré le 1er juillet 2021, qui n'a pas été c...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt avant-dire-droit du 6 juillet 2020, statuant sur la requête n°19LY03828 présentée par M. A... B..., la cour a procédé à un supplément d'instruction aux fins que le préfet de Saône-et-Loire fasse procéder auprès des autorités maliennes et, le cas échéant, des services français de fraude documentaire, à la vérification de l'authenticité des documents d'identité (acte de naissance et jugement supplétif) produits par M. B....

Le préfet de Saône-et-Loire a répondu à cette mesure le 4 septembre 2020.

M. B..., représenté par Me Brey, a produit un mémoire enregistré le 1er juillet 2021, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant malien, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa requête tendant à l'annulation des décisions du 7 janvier 2019 par lesquelles le préfet de Saône-et-Loire a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français sans délai, lui a interdit le retour en France pour une durée de deux ans et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". En vertu de l'article 1er du décret susvisé n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état-civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'administration française n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré irrégulièrement en France le 5 mars 2016, s'est déclaré mineur né le 20 mars 2000 à Bamako au Mali et a été confié dès son arrivée au service de l'aide sociale à l'enfance du département de Saône-et-Loire. Il a présenté le 11 août 2017 une demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-15 du même code. A cette fin, il a produit devant les services préfectoraux une carte consulaire datée du 5 octobre 2016 délivrée par l'ambassade du Mali, un acte de naissance, un " jugement supplétif " du 12 janvier 2016 qui correspondait en réalité à une ordonnance du 14 janvier 2016 du greffier en chef du tribunal civil de Bamako ordonnant la transcription de l'état civil de l'intéressé suivant un jugement supplétif du 12 janvier 2016, non produit, et un passeport malien valable jusqu'au 7 septembre 2022. Pour refuser le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Saône-et-Loire s'est uniquement fondé sur l'absence d'authenticité des documents d'état civil produits notamment le " jugement supplétif " correspondant à l'ordonnance de transcription susvisée et l'acte de naissance précités. Toutefois, M. B... a produit devant le tribunal un jugement supplétif du 12 janvier 2016 établi le 5 février 2019, soit postérieurement à l'arrêté contesté. Il ressort du rapport produit le 4 septembre 2020 réalisé par les services de la direction zonale de la police aux frontières suite à l'arrêt avant-dire-droit de la Cour du 6 juillet 2020 que ce nouveau document d'état civil n'a pas été analysé par les services compétents et que la preuve de son absence d'authenticité n'est pas rapportée. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l'état civil de l'appelant est bien celui dont il se prévaut et qu'il était mineur à la date de sa prise en charge par les services sociaux. Par suite, la décision du 7 janvier 2019 du préfet de Saône-et-Loire, qui se fonde uniquement sur le caractère apocryphe des actes d'état civil produits par l'intéressé pour rejeter sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code précité, est entachée d'illégalité et doit être annulée.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 7 janvier 2019 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour notamment sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce jugement et cette décision doivent, dès lors, être annulés ainsi que, par voie de conséquence, les décisions obligeant l'intéressé à quitter le territoire français sans délai, lui interdisant le retour en France pour une durée de deux ans et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. L'annulation prononcée ci-dessus du refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'implique pas, eu égard au motif d'annulation et au fait que le titre prévu par ces dispositions est délivré dans l'année qui suit le dix-huitième anniversaire de l'intéressé, la délivrance, à la date à laquelle la cour statue, d'un tel titre à l'appelant. Il y a lieu, dans ces conditions, d'enjoindre seulement au préfet de Saône-et-Loire de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 novembre 2019. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Brey, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900696 lu le 27 août 2019 du tribunal administratif de Dijon et l'arrêté du 7 janvier 2019 du préfet de Saône-et-Loire pris à l'encontre de M. A... B... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Saône-et-Loire de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Brey, avocate de M. B..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de Saône-et-Loire.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dijon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 8 juillet 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 août 2021.

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N° 19LY03828

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03828
Date de la décision : 19/08/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : BREY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-08-19;19ly03828 ?
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