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29/07/2021 | FRANCE | N°20LY02324

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 29 juillet 2021, 20LY02324


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Michel Chabran a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision n° 2017-0117898 du 23 novembre 2017 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé une amende de 14 700 euros.

Par jugement n° 1800343 lu le 19 juin 2020 le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 14 août 2020, la société Miche

l Chabran, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Michel Chabran a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision n° 2017-0117898 du 23 novembre 2017 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé une amende de 14 700 euros.

Par jugement n° 1800343 lu le 19 juin 2020 le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 14 août 2020, la société Michel Chabran, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble et la décision n° 2017-0117898 du 23 novembre 2017 lui infligeant une amende de 14 700 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige est entachée d'incompétence ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir et n'est pas conforme aux dispositions des articles R. 8124-18 et R. 8124-19 du code du travail ;

- les agents de contrôle se sont fondés sur des faits erronés pour considérer que ses salariés n'étaient pas soumis à un horaire de travail collectif et les motifs de la décision sont entachés d'inexactitude matérielle ;

- ses salariés, selon leur affectation en salle ou en cuisine, sont soumis à un horaire collectif et elle n'était pas tenue d'établir des documents de décompte individuel de la durée du travail qui ne sont exigés qu'en cas d'horaire individualisé ;

- s'agissant du personnel de réception qui ne sont pas soumis à un horaire collectif, la DIRECCTE a commis une erreur d'appréciation en estimant que leurs relevés d'heures n'étaient pas conformes aux dispositions de l'article D. 3171-8 du code du travail ;

- la DIRECCTE n'a apporté aucune réponse quant au caractère facultatif de l'amende administrative autant de fois qu'il y a de salariés concernés comme le prévoit l'article L. 8115-3 du code du travail.

Par mémoire enregistré le 10 mars 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 mars 2021 la clôture de l'instruction a été fixée au 12 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me C... pour la société Michel Chabran, ainsi que celles de Mme A..., pour la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion ;

Considérant ce qui suit :

1. Suite à des contrôles réalisés les 6 octobre 2016 et 10 novembre 2016 au sein de l'hôtel-restaurant exploité à Pont de l'Isère par la société Michel Chabran, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes, par une décision n° 2017-0117898 du 23 novembre 2017, a prononcé à l'encontre de la société une amende de 14 700 euros liquidée au tarif unitaire de 700 euros appliqué à vingt-et-un salariés pour manquement à la tenue des documents de décompte de la durée du travail. La société Michel Chabran relève appel du jugement lu le 19 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette sanction financière.

2. En premier lieu et ainsi qu'il a été retenu à bon droit par les premiers juges, la décision en litige du 23 novembre 2017 a été prise par M. E... B..., inspecteur général des affaires sociales, nommé directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes à compter du 1er juin 2017 par arrêté ministériel du 27 avril 2017 publié au journal officiel du 3 mai 2017. Elle n'est dès lors pas entachée d'incompétence.

3. En deuxième lieu, lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration a prononcé une amende sanctionnant la méconnaissance des dispositions de l'article L. 3171-2 relatif à l'établissement d'un décompte de la durée de travail et aux dispositions réglementaires prises pour son application, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer non sur les éventuels vices propres de la décision litigieuse mais sur le bien-fondé et le montant de l'amende fixée par l'administration. S'il estime que l'amende a été illégalement infligée, dans son principe ou son montant, il lui revient, dans la première hypothèse, de l'annuler et, dans la seconde, de la réformer en fixant lui-même un nouveau quantum proportionné aux manquements constatés et aux autres critères prescrits par les textes en vigueur.

4. Il suit de là que le moyen tiré de l'animosité des deux agents qui ont diligenté les contrôles et du détournement de pouvoir qui en serait résulté est dépourvu d'effet utile sur le bien-fondé et le montant de l'amende en litige, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les conditions de collecte des éléments par ces agents aient vicié la matérialité ou la qualification des faits qui fondent cette sanction.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 3171-1 du code du travail : " L'employeur affiche les heures auxquelles commence et finit le travail ainsi que les heures et la durée des repos ". Aux termes de l'article D. 3171-1 du même code : " Lorsque tous les salariés (...) d'une équipe travaillent selon le même horaire collectif, un horaire établi selon l'heure légale indique les heures auxquelles commence et finit chaque période de travail. Aucun salarié ne peut être employé en dehors de cet horaire, sous réserve des dispositions des articles L. 3121-30, L. 3121-33, L. 3121-38 et L. 3121-39 relatives au contingent annuel d'heures supplémentaires, et des heures de dérogation permanente prévues par un décret pris en application de l'article L. 3121-67 ". Aux termes de l'article L. 3171-2 du même code : " Lorsque tous les salariés occupés dans un service (...) ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés (...) ". Aux termes de l'article D. 3171-8 du même code : " Lorsque les salariés (...) d'une équipe, au sens de l'article D. 3171-7, ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes : 1° Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ; 2° Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'employeur de définir le règlement du temps de travail applicable au sein de son établissement, et notamment l'assujettissement de ses salariés soit à un horaire collectif de travail soit à des horaires individualisés, une telle décision de gestion étant opposable à l'administration.

7. D'une part, si, selon les déclarations de l'employeur recueillies lors des contrôles, les employés affectés à la réception du restaurant ne travaillent pas selon des horaires collectifs mais selon des horaires fixés par un document intitulé " planning de présence en réception " remis aux employés en début de mois et dont le relevé d'heures est rempli en fonction des heures effectivement réalisées, un tel dispositif ne répond pas aux exigences de l'article D. 3171-8 précité du code du travail, faute de décompte quotidien des heures de début et de fin de service et de décompte hebdomadaire récapitulant du nombre d'heures de travail accomplies par salarié. Par suite, la société Michel Chabran n'est pas fondée à soutenir que l'administration du travail ne pouvait retenir un tel manquement aux dispositions précitées de l'article D. 3171-8 du code du travail concernant les salariés affectés à la réception.

8. D'autre part, s'agissant des salariés affectés en salle ou en cuisine, il résulte de l'instruction que lors des contrôles effectués les 6 octobre et 10 novembre 2016, les agents de contrôle ont constaté l'absence de transmission des horaires collectifs à l'inspection du travail et l'absence d'affichage de ses horaires de travail dans l'établissement en méconnaissance des dispositions respectives des articles D. 3171-4 et L. 3171-1 du code du travail, rendant ainsi le régime d'horaires collectifs inopposable aux salariés et à l'inspection du travail, laquelle a pu légalement considérer que les salariés affectés en salle et en cuisine étaient soumis à des horaires variables selon les missions de chacun, donc individualisés au sens des dispositions précitées. Compte tenu de ces éléments, la société Michel Chabran était tenue, en application des dispositions précitées de l'article L. 3171-2 du code du travail, d'établir des documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective pour chacun des salariés concernés, obligation dont il n'est pas contesté qu'elle n'a pas été satisfaite, d'où la matérialité de ce manquement.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail alors applicable: " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail (...), et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : (...) 3° À l'article L. 3171-2 relatif à l'établissement d'un décompte de la durée de travail et aux dispositions réglementaires prises pour son application (...) ". Aux termes de l'article L. 8115-3 du même code : " Le montant maximal de l'amende est de 2 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement. / Le plafond de l'amende est porté au double en cas de nouveau manquement constaté dans un délai d'un an à compter du jour de la notification de l'amende concernant un précédent manquement ".

10. Si ces dernières dispositions ne prévoient qu'une faculté pour le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'appliquer une amende d'un montant maximal de 2 000 euros autant de fois qu'il y a de salariés concernés, la mise en œuvre de cette faculté, selon un tarif unitaire de 700 euros, en l'absence d'élément tiré de la situation particulière de l'entreprise, n'emporte pas de méconnaissance des dispositions citées au point 9.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Michel Chabran n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision n° 2017-0117898 du 23 novembre 2017 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé une amende de 14 700 euros. Ses conclusions doivent être rejetées ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Michel Chabran est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Michel Chabran et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 8 juillet 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juillet 2021.

N° 20LY02324


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02324
Date de la décision : 29/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : CARNOT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-07-29;20ly02324 ?
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