Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société La Poste a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 8 février 2018 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé une amende de 47 500 euros pour différents manquements aux articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail, subsidiairement de réformer cette amende en lui substituant un avertissement, en tout état de cause, en réduisant son montant.
Par jugement n° 1802386 lu le 18 février 2020 le tribunal a annulé la décision du 8 février 2018.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 7 août 2020, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon et de rejeter la demande de la société La Poste.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la société La Poste n'était pas tenue d'établir pour les salariés employés sur les sites de Belley et de Saint-Genis-Pouilly les documents prévus par les dispositions des articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail ;
- les modalités d'accomplissement du service dans les établissements contrôlés ne répondent pas aux conditions d'uniformité de l'horaire collectif de travail, au sens de l'article L. 3171-1 du code du travail.
Par mémoires enregistrés les 11 mars et 15 avril 2021, la société La Poste, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion subsidiairement à la substitution de l'amende par un avertissement ou à une réduction de son quantum.
Elle soutient que :
- les établissements contrôlés des sites de Belley et Saint-Genis-Pouilly sont soumis au régime des horaires collectifs, qui sont seuls opposables et les éléments produits par l'administration ne sont pas probants ; les horaires collectifs ne sont pas incompatibles par nature avec l'activité de distribution postale mais constituent le mode d'organisation le plus pertinent et souhaité par les partenaires sociaux ;
- l'administration n'a pas mis le parquet en mesure d'exercer des poursuites pénales par priorité ;
- la convocation du directeur d'établissement a été émise en méconnaissance des dispositions de l'article 61-1 du code de procédure pénale ;
- la procédure contradictoire telle que prévue par l'article R. 8115-10 du code du travail ne permet pas l'exercice effectif des droits de la défense ;
- la décision en litige méconnaît l'accord d'établissement du 20 mai 2015 et l'accord national du 7 février 2017 ainsi que les dispositions de l'article L. 1121-1 du code du travail ;
- subsidiairement, l'administration aurait dû appliquer les dispositions plus clémentes issues de la loi du 10 août 2018 et les dispositions de l'article L. 8115-3 du code du travail ont été méconnues.
Par ordonnance du 16 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B..., première conseillère ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me C... pour la société La Poste, ainsi que celles de Mme A... pour la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 juillet 2021, présentée par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion ;
Considérant ce qui suit :
1. Suite à des contrôles effectués, les 2 et 16 février 2017, sur les sites de Saint-Genis-Pouilly et de Belley rattachés à la plateforme de préparation et de distribution du courrier de l'établissement de Bellegarde sur Valserine, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes par une décision n° 2017-0618081 du 8 février 2018 a infligé à la société La Poste une amende de 47 500 euros liquidée au tarif unitaire de 500 euros et appliquée à 95 salariés, pour manquement à l'obligation de tenir des décomptes individuels de durée du travail applicable lorsque les salariés d'un établissement sont soumis au régime d'horaires individualisés. La ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion relève appel du jugement lu le 18 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé cette amende.
2. Aux termes de l'article L. 3171-1 du code du travail : " L'employeur affiche les heures auxquelles commence et finit le travail ainsi que les heures et la durée des repos ". Aux termes de l'article D. 3171-1 du même code : " Lorsque tous les salariés (...) d'un service ou d'une équipe travaillent selon le même horaire collectif, un horaire établi selon l'heure légale indique les heures auxquelles commence et finit chaque période de travail. Aucun salarié ne peut être employé en dehors de cet horaire, sous réserve des dispositions (...) relatives au contingent annuel d'heures supplémentaires, et des heures de dérogation permanente (...) ". Aux termes de l'article L. 3171-2 du même code : " Lorsque tous les salariés occupés dans un service (...) ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés (...) ". Aux termes de l'article D. 3171-8 du même code : " Lorsque les salariés (...) d'un service ou d'une équipe (...) ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes : 1° Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ; 2° Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié ". Enfin, aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail alors applicable : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail (...), et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : (...) 3° À l'article L. 3171-2 relatif à l'établissement d'un décompte de la durée de travail et aux dispositions réglementaires prises pour son application (...) ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, d'une part, que les salariés travaillant sur le même site ou dans le même établissement peuvent être soumis à un régime horaire collectif ou à un régime horaire individualisé et que, dans ce dernier cas, un décompte des heures accomplies par salarié doit être établi dont l'absence peut donner lieu à une amende administrative en application de l'article L. 8115-1 du code du travail, d'autre part, qu'il appartient à l'employeur d'arrêter le règlement du temps de travail applicable au sein de l'établissement, le cas échéant, par catégorie de personnels, l'inspection du travail devant contrôler le respect du régime d'horaire et, le cas échéant, sanctionner les manquements aux obligations découlant du régime en vigueur. En revanche, l'administration ne tient d'aucune disposition des articles L. 8112-1 et L 8112-2 du code du travail définissant ses pouvoirs de contrôle ni d'aucun principe général du droit le pouvoir d'écarter le régime horaire en vigueur dans l'établissement pour lui substituer un régime qu'elle estime plus adapté aux conditions de travail des salariés, et sanctionner l'employeur du chef de manquements à ce régime de substitution.
4. Il résulte de l'instruction que la société La Poste a soumis ses établissements de distribution du courrier de Belley et de Saint-Genis-Pouilly au régime de l'horaire collectif, rendu opposable par voie de règlement affiché sur les sites et transmis à l'inspection du travail, conformément à l'accord collectif négocié au centre de Bellegarde auxquels les deux établissements contrôlés sont rattachés. Par suite, l'inspection de travail devait, en application de ce qui vient d'être dit, contrôler le respect du régime d'horaires collectifs et ne pouvait légalement, ainsi qu'elle l'a fait, substituer un régime d'horaires individualisés pour sanctionner l'employeur de manquements à ce régime qui n'était pas en vigueur et dont les obligations ne lui étaient pas opposables.
5. Il résulte de ce qui précède que la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé la décision du 8 février 2018 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Auvergne-Rhône-Alpes a infligé à la société La Poste une amende de 47 500 euros pour différents manquements aux articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Poste et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Copie sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 8 juillet 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juillet 2021.
N° 20LY02225