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15/07/2021 | FRANCE | N°21LY00853

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 15 juillet 2021, 21LY00853


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2021 par lequel le préfet du Rhône a décidé de sa remise aux autorités maltaises, responsables de sa demande d'asile.

Par jugement n° 2100229 lu le 17 février 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 17 mars 2021, présentée pour M. C..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugeme

nt n° 2100229 lu le 17 février 2021 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2021 par lequel le préfet du Rhône a décidé de sa remise aux autorités maltaises, responsables de sa demande d'asile.

Par jugement n° 2100229 lu le 17 février 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 17 mars 2021, présentée pour M. C..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2100229 lu le 17 février 2021 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de l'autoriser à déposer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé, dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation ;

- la décision méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, eu égard à la situation de violence existant dans la région du Darfour dont il est originaire et alors que sa demande d'asile a été rejetée à Malte ou existent des défaillances dans le traitement des demandes de protection ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

Par mémoire enregistré le 27 avril 2021, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 avril 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité soudanaise, né le 15 octobre 1997 à Darfour (Soudan), entré en France le 15 octobre 2020, selon ses déclarations, a déposé une demande d'asile enregistrée à la préfecture du Val d'Oise le 7 décembre 2020. Le système Eurodac a révélé qu'il avait été identifié à Malte, le 14 août 2019, suite à un franchissement de frontière, et qu'il y avait ensuite déposé une demande d'asile, le 14 juillet 2020. Les autorités maltaises, saisies d'une demande de reprise en charge de M. C... le 9 décembre 2020, ont fait connaître leur accord explicite pour sa réadmission le 17 décembre 2020. Par un arrêté du 11 janvier 2021, le préfet du Rhône a ordonné son transfert aux autorités maltaises, responsables de sa demande d'asile. M. C... relève appel du jugement lu le 17 février 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du préfet du Rhône du 11 janvier 2021.

2. En premier lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".

3. En application de l'article L. 742-3 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

4. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

5. La décision de transfert en litige vise le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et notamment son article 18. Elle indique que la consultation du fichier européen Eurodac a révélé que M. C... avait été identifié à Malte où il avait demandé l'asile le 17 octobre 2019 et que les autorités de ce pays, saisies le 9 décembre 2020 sur le fondement de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, avaient donné leur accord explicite à sa reprise en charge le 17 décembre 2020. Elle mentionne également que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. C... ne relevait pas des dérogations prévues par les articles 3.2 et 17 dudit règlement. Ces énonciations ont mis l'intéressé à même de comprendre les motifs de la décision pour lui permettre d'exercer utilement un recours. Dès lors, la décision litigieuse est suffisamment motivée au regard des exigences qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013: " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

7. La faculté laissée à chaque État membre, par l'article 17 précité du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit pour les demandeurs d'asile.

8. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les États membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un État autre que la France, que cet État a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet État membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet État membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet État de ses obligations.

9. M. C... fait valoir que les autorités maltaises, qui connaissent des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, auraient rejeté sa demande d'asile et qu'en cas de transfert vers Malte, il sera reconduit au Soudan où il encourt des risques pour sa vie, notamment eu égard à la violence extrême qui sévit dans ce pays et particulièrement au Darfour, région dont il est originaire. Toutefois, Malte est un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et à supposer même que la demande d'asile de M. C... aurait été définitivement rejetée par les autorités maltaises et qu'une décision d'éloignement définitive aurait été prise à son encontre par ces autorités, en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe à Malte des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d'asile et alors que l'intéressé se borne à faire état d'un rapport relatif aux difficultés des autorités maltaises au cours de l'année 2019 en raison d'un grand nombre de demandeurs d'asile, sans faire état d'aucun élément particulier susceptible d'établir qu'il serait soumis à Malte à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire à ces stipulations et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peuvent qu'être écartés.

10. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ".

11. Le principe de non-refoulement énoncé à cet article est inopérant à l'encontre d'une mesure de transfert, qui n'a, par elle-même, ni pour objet ni pour effet de contraindre le requérant à regagner son pays d'origine.

12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et aux fins de mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 8 juillet 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2021.

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N° 21LY00853


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00853
Date de la décision : 15/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-07-15;21ly00853 ?
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