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15/07/2021 | FRANCE | N°19LY04559

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 15 juillet 2021, 19LY04559


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Antipodes Bourgogne a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Dijon à lui verser la somme de 1 397 127,47 euros représentant le solde des créances relatif à la convention de location de la résidence universitaire qu'elle a fait construire sur un terrain mis à sa disposition par l'État dans le cadre d'un bail emphytéotique.

Par un jugement n° 1800803 du 10 octobre 2019, ce tribunal a fixé le montant

définitif de sa dette à la somme de 683 932,88 euros, a condamné le CROUS de Bo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Antipodes Bourgogne a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Dijon à lui verser la somme de 1 397 127,47 euros représentant le solde des créances relatif à la convention de location de la résidence universitaire qu'elle a fait construire sur un terrain mis à sa disposition par l'État dans le cadre d'un bail emphytéotique.

Par un jugement n° 1800803 du 10 octobre 2019, ce tribunal a fixé le montant définitif de sa dette à la somme de 683 932,88 euros, a condamné le CROUS de Bourgogne-Franche-Comté, venu aux droits du CROUS de Dijon, à lui verser la somme de 6 538,88 euros au titre de l'exécution de la convention et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 décembre 2019 et 11 février 2021, l'association Antipodes Bourgogne, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de condamner le CROUS de Bourgogne Franche-Comté à lui verser la somme de 1 324 607,21 euros au titre de l'exécution de la convention ;

3°) de mettre à la charge du CROUS de Bourgogne Franche-Comté la somme de 10 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- l'article 5 de la convention de location, qui n'inclut pas dans la redevance le montant des frais généraux qu'elle a exposés en qualité de propriétaire alors que les loyers versés au CROUS par les étudiants en tenaient compte, est contraire à l'article R. 353-158 du code de la construction et de l'habitation et a procuré au CROUS un enrichissement sans cause ;

- elle établit que le montant des frais du propriétaire qu'elle a exposés et dont elle est fondée à demander le remboursement par le CROUS s'élève à 718 046,07 euros ;

- elle est fondée à demander le remboursement par le CROUS de la baisse des loyers consentie par l'avenant n° 2 conclu le 1er octobre 1998 en contrepartie de la baisse des échéances du prêt et elle justifie que cet effort financier au bénéfice du CROUS, qui s'est enrichi sans cause, l'a empêchée d'équilibrer son bilan ; la créance qu'elle détient sur le CROUS à ce titre est de 1 238 955,14 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 juillet 2020, et un mémoire enregistré le 26 juin 2021 qui n'a pas été communiqué, le CROUS de Bourgogne Franche-Comté, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'association Antipodes Bourgogne au titre des frais du litige.

Il fait valoir que :

- en ne prévoyant pas la rémunération des frais généraux du propriétaire, les parties à la convention de location n'ont pas méconnu les dispositions de l'article R. 353-158 du code de la construction et de l'habitation qui ont vocation à déterminer l'assiette de calcul du loyer versé par chaque occupant des logements ainsi que l'aide personnalisée au logement ;

- en tout état de cause, le principe de loyauté des relations contractuelles s'oppose à ce que l'association se prévale d'une irrégularité d'une clause qu'elle a appliquée dont elle avait connaissance et sa prétendue créance est prescrite ;

- la conclusion de l'avenant n° 2 n'a eu aucune conséquence sur l'économie générale du contrat ;

- il ne prévoyait pas une répercussion automatique de la baisse du loyer financier sur les loyers perçus des résidents.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., pour l'association Antipodes Bourgogne, et de Me E..., pour le CROUS de Bourgogne Franche-Comté.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'une convention conclue le 17 juin 1991, le centre régional des oeuvres universitaires (CROUS) de Dijon a loué jusqu'en 2016 à l'association Antipodes Bourgogne un ensemble immobilier de trois cent quarante-neuf logements locatifs ouvrant droit à l'aide personnalisée aux logements réservés aux étudiants. L'association était elle-même locataire du terrain d'assiette, en vertu d'un contrat de bail emphytéotique administratif conclu le 13 septembre 1991 avec l'État, sur lequel elle a fait édifier la résidence en assurant la maîtrise d'ouvrage de la construction. Par la convention du 17 juin 1991, le CROUS s'était engagé à verser à l'association une redevance annuelle destinée à financer l'opération, payée par versements mensuels, comprenant, en vertu de l'article 5, le montant des primes d'assurance des immeubles et les impôts et taxes non récupérables supportées par l'association en qualité de propriétaire, le remboursement des emprunts contractés par l'association pour la construction du programme et une provision annuelle pour grosses réparations. L'article 7 de la convention stipulait que l'association présentait annuellement une situation comptable de la provision. Il prévoyait par ailleurs que les sommes non utilisées de la provision à la date d'échéance de la convention seraient reversées au CROUS dans un délai de six mois à compter de cette date d'échéance. Un différend est né en cours d'exécution du contrat à propos du versement des sommes non utilisées de la provision, l'association n'ayant transmis au CROUS aucun justificatif des travaux de grosses réparations réalisés et financés par la provision. A partir de 2013, le CROUS a consigné les sommes correspondant au montant de la provision à la caisse des dépôts et consignations. Le remboursement du prêt contracté par l'association pour la réalisation de la résidence a entraîné la résiliation de plein droit du contrat de bail emphytéotique et le transfert de la propriété des constructions à l'État, conformément aux stipulations du contrat de bail emphytéotique. La résiliation et le transfert de la propriété ont été constatés par un avenant du 9 juin 2016. Après avoir vainement demandé à l'association de restituer le solde positif de la provision, le CROUS a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Dijon qui a condamné l'association à lui verser une provision d'un montant de 683 932,88 euros par une ordonnance du 8 novembre 2017, confirmée en appel par une ordonnance du 15 février 2018. Sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, l'association, placée en redressement judiciaire par un jugement du 15 décembre 2017 du tribunal de grande instance de Dijon qui a constaté que l'ordonnance du 8 novembre l'avait conduite en état de cessation de paiements, a demandé au tribunal administratif de Dijon de fixer définitivement le montant de sa dette au titre du solde de la provision pour grosses réparations. Elle a en outre demandé au tribunal administratif de condamner le CROUS de Bourgogne Franche-Comté, venu aux droits du CROUS de Dijon, à lui verser les sommes qu'elle estime lui rester dues en application du contrat de location. Par un jugement du 10 octobre 2019 dont elle relève appel, ce tribunal a fixé le montant définitif de sa dette à la somme de 683 932,88 euros et condamné le CROUS à lui verser la somme de 6 538,88 euros au titre de la prime d'assurance des immeubles pour la période du 1er novembre 2015 au 9 juin 2016. L'association Antipodes Bourgogne relève appel de ce jugement en tant qu'il a refusé de condamner le CROUS à lui verser des sommes en remboursement des frais généraux qu'elle a exposés en qualité de propriétaire et de la baisse de loyer qu'elle lui a consentie par un avenant du 1er octobre 1998 à la convention de location.

Sur le remboursement des frais généraux du propriétaire :

2. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.

3. En vertu de l'article R. 353-157 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige, la part de la redevance, qui est assimilable au loyer et aux charges locatives, due par toute personne physique résidant dans un logement-foyer, prise en compte pour l'application du barème de l'aide personnalisée au logement, est calculée sur la base de deux éléments équivalents l'un au loyer, l'autre aux charges locatives. Aux termes du 1 de l'article R. 353-158 du même code : " L'élément équivalent au loyer tient compte : (...) Des frais généraux du propriétaire (...) ". La convention de location conclue le 17 juin 1991 entre l'association Antipode Bourgogne et le CROUS de Dijon n'était pas soumise à ces dispositions de la section 7 du chapitre III du titre V du livre III de la partie réglementaire du code de la construction et de l'habitation, relative aux conventions passées entre l'État, l'organisme propriétaire et l'organisme gestionnaire de logements-foyers et assimilés. Au demeurant et d'une part, l'absence de prise en compte des frais généraux du propriétaire en méconnaissance des dispositions de l'article R. 353-158 du code de la construction et de l'habitation ne pourrait à elle seule être regardée comme caractérisant un vice d'une particulière gravité justifiant l'inapplication de la convention de location. D'autre part, le principe de loyauté des relations contractuelles ferait obstacle à ce que le contrat, qui a été exécuté sans objection par l'association, soit écarté. Les stipulations de l'article 7 de la convention de location, exposées au point 1, ne sauraient donc être regardées comme ayant procuré un enrichissement sans cause au CROUS. L'association requérante n'est dès lors pas fondée à demander la condamnation du CROUS de Bourgogne Franche-Comté à lui rembourser la somme de 718 046,07 euros, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée en défense.

Sur la baisse de loyer :

4. Il résulte de l'instruction que l'association Antipodes Bourgogne a obtenu à compter du 1er septembre 1997 une réduction des taux d'intérêts auxquels elle s'était endettée pour la construction de la résidence. Par un avenant du 1er octobre 1998 à la convention de location conclue le 17 juin 1991, les parties ont convenu de répercuter les diminutions des échéances de remboursement des emprunts bancaires sur les loyers financiers dus par le CROUS. L'avenant stipulait en outre que l'établissement répercuterait au mieux de sa gestion les baisses de loyers et s'engageait à en faire état auprès de l'association. Ainsi qu'il a été indiqué au point 1, la redevance due par le CROUS incluait notamment, en vertu de l'article 5 de la convention de location, le remboursement des emprunts contractés par l'association. La préservation de l'équilibre contractuel impliquait donc la modification du montant de ce loyer compte tenu de la diminution des intérêts d'emprunt. Par conséquent, l'inexécution par le CROUS de la stipulation rédigée au demeurant dans des termes équivoques, n'a pas conduit à l'enrichissement de l'établissement au détriment de l'association. L'association Antipodes Bourgogne n'est dès lors pas fondée à demander la condamnation du CROUS de Bourgogne Franche-Comté à lui verser à ce titre la somme de 1 238 955,14 euros.

5. Il résulte de ce qui précède que l'association Antipodes Bourgogne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les deux chefs de demande en cause. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge la somme demandée à ce même titre par le CROUS de Bourgogne Franche-Comté.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Antipodes Bourgogne est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le CROUS de Bourgogne Franche-Comté au titre des frais du litige sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Antipodes Bourgogne et au CROUS de Bourgogne Franche-Comté.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2021, à laquelle siégeaient :

Mme C..., présidente,

Mme F..., assesseure la plus ancienne,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2021.

2

N° 19LY04559


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04559
Date de la décision : 15/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SYMCHOWICZ et WEISSBERG SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-07-15;19ly04559 ?
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