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13/07/2021 | FRANCE | N°19LY01425

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 13 juillet 2021, 19LY01425


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 février 2017 par laquelle le directeur de l'Institut de Cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth lui a infligé un avertissement et de réviser à la hausse sa notation établie au titre de l'année 2016.

Par un jugement n° 1703397 du 20 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé la notation de Mme B... établie au titre de l'année 2016, ensemble la décision du 2

2 février 2017 lui infligeant un avertissement et a enjoint au directeur de l'Institut...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 février 2017 par laquelle le directeur de l'Institut de Cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth lui a infligé un avertissement et de réviser à la hausse sa notation établie au titre de l'année 2016.

Par un jugement n° 1703397 du 20 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé la notation de Mme B... établie au titre de l'année 2016, ensemble la décision du 22 février 2017 lui infligeant un avertissement et a enjoint au directeur de l'Institut de Cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth de fixer une nouvelle notation dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 avril 2019, et un mémoire enregistré le 19 décembre 2019, l'Institut de Cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth, représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de rejeter comme étant irrecevable la demande de Mme B... tendant à la révision à la hausse de sa notation pour 2016, à titre subsidiaire de la rejeter comme non fondée ;

3°) de rejeter comme non fondée la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'avertissement qui lui a été infligé ;

4°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en requalifiant les conclusions de Mme B... tendant à la modification de sa notation, qui étaient irrecevables, en annulant la notation et en prescrivant d'office une injonction, le premier juge a méconnu l'étendue de son pouvoir et le jugement est ainsi irrégulier ;

- le tribunal ne pouvait, sans commettre une erreur de droit, retenir un vice de procédure tiré de l'absence d'entretien professionnel pour annuler la notation de Mme B... au titre de l'année 2016 ;

- la circonstance que la fiche de notation n'ait pas été signée par la supérieure hiérarchique avant d'être présentée à Mme B... est sans incidence sur la régularité de la notation attribuée ;

- l'appréciation générale reflète l'entretien qui s'est déroulé le 16 novembre 2016 ;

- la notation n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le moyen tiré du non-respect de la méthode de notation est irrecevable ;

- Mme B... a manqué à ses devoirs de probité et d'obéissance hiérarchique, ce qui justifiait qu'elle fasse l'objet d'une sanction disciplinaire, et l'avertissement est proportionné à la gravité des faits commis.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 août 2019, Mme D... B..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Institut de Cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité, dès lors que le juge dispose d'un pouvoir de régularisation pour donner une portée utile aux conclusions qui lui sont présentées et que la finalité de sa demande était bien que la notation de l'année 2016 disparaisse de l'ordre juridique et qu'une nouvelle notation soit adoptée régulièrement ;

- l'ICLLN devait respecter l'instruction applicable aux entretiens internes, en vigueur depuis 2011 ; en l'absence du respect de la garantie, elle a rayé les propos qui lui étaient imputés ;

- la notation litigieuse méconnait les dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 6 mai 1959, dès lors qu'une note globale lui a été attribuée, et non une note pour chacun des éléments de notation ;

- la notation est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, en l'absence de référence à la formation diplômante suivie avec succès en 2016, ainsi qu'à l'augmentation de l'activité à laquelle elle a dû faire face ;

- elle n'a manqué ni à son devoir de probité, ni à son devoir d'obéissance, et la maladresse dont elle a fait preuve ne pouvait être regardée comme une faute disciplinaire justifiant une sanction.

Par ordonnance du 20 juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 septembre 2020.

Vu les décisions et le jugement attaqués et les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986;

- le décret n° 2010-1153 du 29 décembre 2010 ;

- le décret n° 2011-748 du 27 juin 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tallec, président,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Galifi, avocat, représentant l'Institut de Cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth, et de Me E..., avocat, représentant Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. L'Institut de Cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth (ICLLN) relève appel du jugement du 20 février 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé la notation de Mme B..., manipulatrice en électroradiologie médicale, établie au titre de l'année 2016, a annulé la décision du 22 février 2017 ayant infligé un avertissement à l'intéressée et a enjoint au directeur de l'établissement de fixer une nouvelle notation dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Si Mme B... a demandé au tribunal la " révision " de sa notation au titre de l'année 2016, de telles conclusions, présentées par une requérante n'ayant pas eu recours aux services d'un avocat pour s'adresser à la juridiction, devaient être regardées, eu égard à l'argumentation développée dans les écritures, comme une demande d'annulation de la notation contestée, assortie d'une demande de réexamen de sa situation. Par suite, et alors que l'ICLLN n'a soulevé aucune fin de non-recevoir devant le premier juge, le moyen tiré de ce que ce dernier aurait, en requalifiant les conclusions de la requérante, entaché son jugement d'irrégularité, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la notation :

3. Il ressort des pièces versées au dossier que l'évaluation professionnelle des agents de l'établissement requérant est régie par une instruction, intitulée " entretiens professionnels annuels : évaluation et notation ", qui encadre les modalités pratiques de cet exercice annuel. En particulier, ce document de référence prévoit que, sur la feuille d'entretien, " l'appréciation générale doit en principe reprendre celle qui a été portée sur la feuille de notation ", que " la signature en bas de page des deux parties permet de constater un accord sur la rédaction de la fiche " et indique également qu'au " cours de l'entretien, le cadre doit informer l'agent... de l'appréciation écrite portée sur la fiche de notation ".

4. Pour annuler la notation attribuée à Mme B... au titre de l'année 2016, le premier juge s'est fondé sur la circonstance que lors de l'entretien ayant eu lieu le 16 novembre 2016, le projet d'appréciation générale qui lui avait été communiqué, et qu'elle avait été amenée à signer le jour même, ne comportait que deux phrases, alors que l'appréciation littérale du supérieur hiérarchique sur la manière de servir de l'agent figurant sur la fiche de notation, communiquée à l'intéressée le 17 janvier 2017, comportait trois autres phrases, faisait état de difficultés rencontrées par Mme B... et de reproches formulés par cette dernière à l'égard de l'encadrement. Pour soutenir que le premier juge s'est fondé sur des éléments inexacts en reprenant les allégations de Mme B..., l'ICLLN se prévaut du " rapport circonstancié " de Mme A..., daté du 23 janvier 2017, indiquant que l'appréciation figurant sur la fiche de notation " était la reproduction à l'identique de celle qu'elle avait validée, signée et eu en photocopie le 16/11/2016 lors de son entretien annuel ". Toutefois, cette version de la supérieure hiérarchique, dont il est fait état pour la première fois en appel, n'est pas corroborée par les autres éléments versés au dossier. En particulier, l'administration ne conteste pas le compte-rendu de l'entretien du 21 février 2017, rédigé par une représentante du personnel, au cours duquel Mme A... a reconnu avoir rédigé la fin du compte-rendu de l'entretien a posteriori.

5. Contrairement à ce que soutient l'ICLLN, la possibilité offerte à l'agent de prendre connaissance, à l'occasion de l'entretien professionnel, de l'intégralité de l'appréciation littérale portée par son supérieur hiérarchique, constitue pour l'intéressé une garantie, dès lors que ce dernier peut présenter des observations susceptibles d'être prises en compte par l'autorité chargée d'établir sa notation, élément important pour l'évolution de la carrière d'un agent public.

6. Il résulte de ce qui précède que l'ICLLN n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé la notation attribuée à Mme B... au titre de l'année 2016 et a enjoint au directeur de l'établissement de fixer une nouvelle notation dans le délai de deux mois.

En ce qui concerne la sanction :

7. Aux termes de l'article 29 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public constituent une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.

8. Pour infliger à Mme B... un avertissement, le directeur de l'ICLLN s'est fondé sur la circonstance que lors de la notification de sa notation, l'intéressée a raturé deux mots dans l'appréciation littérale de sa supérieure hiérarchique figurant sur la fiche de notation, et remplacé l'expression " reproche à " par " considère que ". Si l'établissement requérant fait valoir que Mme B... a ainsi fait preuve d'un " comportement répréhensible " en portant une correction sur le document en cause, l'agissement inapproprié et maladroit de l'agent, qui peut s'expliquer par la surprise qui était la sienne à la suite de la découverte de l'intégralité du texte en cause, qui n'a au demeurant pas eu pour objet ou pour effet de modifier le sens de l'appréciation litigieuse, et dont il n'est au surplus ni établi ni même allégué qu'il aurait également donné lieu à une réaction inadaptée de Mme B... à l'encontre de la hiérarchie, ne peut être regardé ni comme un manquement au devoir de probité, ni comme un manquement au devoir d'obéissance, comme le soutient le requérant. En l'absence de faute justifiant une sanction, c'est donc à bon droit que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a prononcé l'annulation de la décision du 22 février 2017 par laquelle le directeur de l'ICLLN a infligé un avertissement à Mme B....

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'ICLLN. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Mme B... d'une somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'Institut de Cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth est rejetée.

Article 2 : L'Institut de Cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth versera à Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'Institut de Cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Institut de Cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth et à Mme D... G... épouse B....

Délibéré après l'audience du 29 juin 2021, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président assesseur,

Mme F... H..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 13 juillet 2021.

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N° 19LY01425


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01425
Date de la décision : 13/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement - Notation.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits n'étant pas de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Jean-Yves TALLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP BLT DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-07-13;19ly01425 ?
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