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08/07/2021 | FRANCE | N°20LY03492

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 08 juillet 2021, 20LY03492


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

- d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2018 par lequel le préfet de l'Yonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

- d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour, et de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notificatio

n du jugement à intervenir ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros au titre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

- d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2018 par lequel le préfet de l'Yonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

- d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour, et de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification du jugement à intervenir ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900259 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susmentionné du 30 juin 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du 6 septembre 2018 du préfet de l'Yonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour, et de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler dans un délai de quarante-huit heures ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 300 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- son recours est recevable dès lors qu'en raison d'un cas de force majeure, le délai de recours n'avait pas commencé à courir quand il a déposé le dossier de demande d'aide juridictionnelle ;

- s'agissant de la décision portant refus de séjour :

. elle méconnait l'article L. 313-10, 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

. elle méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

. elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits ;

. elle méconnait l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

. elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits ;

. elle méconnait l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- s'agissant de la décision portant fixation du pays de destination :

. elle est illégale dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale ;

. elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2021, le préfet de l'Yonne, représenté par la Selarl Centaure avocats, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que

- la requête introduite devant le tribunal était tardive ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une décision du 23 octobre 2020, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droit de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... ;

- les observations de Me E..., représentant le préfet de l'Yonne ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 29 avril 1977, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 23 juin 2013 muni d'un passeport d'emprunt. Il a déposé, le 1er juillet 2013, une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision du 20 mai 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 29 mars 2016 de la Cour nationale du droit (CNDA). M. C... a sollicité le 29 juin 2017 auprès des services de la préfecture de l'Yonne la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 6 septembre 2018, le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 30 juin 2020, dont M. C... relève appel, ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. ". En vertu de l'article L. 311-1 dudit code, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire d'un visa de long séjour, d'une durée maximale d'un an.

3. En se bornant à soutenir que son futur employeur a adressé à l'administration une demande d'autorisation, que le préfet ne justifie avoir adressé à cet employeur un courrier que ce dernier, qui indique être toujours prêt à l'embaucher, soutient ne pas avoir reçu, M. C... ne conteste pas utilement les motifs du refus de séjour tirés, d'une part, de l'absence de contrat de travail visé par les autorités compétentes de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, en particulier d'un avis défavorable émis le 13 décembre 2017 par l'unité départementale de l'Yonne de cette direction sur la demande d'autorisation de travail en raison notamment de l'absence d'adéquation entre la qualification, l'expérience et les diplômes de l'intéressé, et les caractéristiques de l'emploi de monteur d'échafaudages auquel il postule, d'autre part, de l'absence de visa de long séjour, qui peut légalement fonder à elle seule ce refus en vertu des dispositions citées au point 2. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée a été prise en méconnaissance de l'article L. 313-10, 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

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4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a déclaré être entré irrégulièrement en France le 23 juin 2013. S'il se prévaut de la présence en France de son fils mineur, né le 5 novembre 2016, vivant avec sa mère dont il est séparé, cette dernière est en situation irrégulière et il ne justifie pas, par les pièces produites en première instance, avoir des liens effectifs avec cet enfant. Il ne démontre pas une intégration particulière en France alors qu'il a été licencié, le 31 décembre 2014, d'un emploi de monteur d'échafaudages au motif qu'il s'était prévalu de la carte de séjour d'un autre ressortissant congolais en situation irrégulière, dont il avait usurpé l'identité. Il ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans et où résident trois de ses enfants et ses parents, ni pouvoir y mener une vie privée et familiale normale. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de M. C..., et alors même qu'un oncle et une tante séjourneraient régulièrement en France, qu'il aurait obtenu un diplôme congolais d'électricien, maîtriserait la langue française, et aurait exercé plusieurs emplois sur le territoire national, ce qu'il ne démontre cependant pas, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Elle ne méconnait dès lors pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

7. Dès lors que M. C... ne justifie pas contribuer effectivement à l'entretien et l'éducation de son enfant, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...). ".

9. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, M. C... ne peut être regardé comme démontrant que son admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 précité.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du délai de départ volontaire :

10. En premier lieu, le refus de séjour n'ayant pas été déclaré illégal, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du délai de départ volontaire ne sauraient faire l'objet d'une annulation par voie de conséquence.

11. En second lieu, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux développés concernant la décision portant refus de séjour.

Sur la légalité des décisions portant fixation du pays de destination :

12. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'ayant pas été déclarée illégale, la décision fixant le pays de destination ne saurait faire l'objet d'une annulation par voie de conséquence.

13. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ".

14. Si M. C... fait valoir que sa vie est en danger dans son pays d'origine en raison de sa qualité de membre actif de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), il n'établit pas, par les pièces produites devant les premiers juges, qu'il serait personnellement et actuellement exposé à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique dans le cas d'un retour dans son pays d'origine, alors d'ailleurs que la CNDA n'a pas tenu pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes énoncées.

15. Il résulte de tout de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen du préfet tiré de la tardiveté de la demande introduite devant les premiers juges, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

16. Ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application, au bénéfice de son conseil, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, présidente-assesseure,

M. D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2021.

2

N° 20LY03492


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03492
Date de la décision : 08/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-07-08;20ly03492 ?
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