Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux demandes distinctes, M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2016 par lequel le maire d'Allan a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la construction d'une maison et d'un garage, ainsi que la décision du 7 décembre 2016 par laquelle le maire d'Allan a de nouveau refusé de lui délivrer le permis sollicité.
Par un jugement n°1606413-1607219 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 mai 2019, et des mémoires complémentaires enregistrés les 6 octobre 2020 et 10 mai 2021, M. A... F..., représenté par le cabinet Leximm Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 mars 2019 ;
2°) d'annuler ces arrêtés des 11 juillet 2016 et 7 décembre 2016 ;
3°) d'enjoindre au maire d'Allan de lui délivrer un permis de construire, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou, à défaut, d'instruire à nouveau sa demande et de prendre une nouvelle décision ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Allan la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'avis rendu le 20 avril 2016 par l'architecte des bâtiments de France, auquel n'a pu se substituer l'avis ultérieur, étant favorable, le maire d'Allan ne pouvait refuser la délivrance du permis de construire au motif d'une atteinte au site du vieux village d'Allan, inscrit au titre des monuments historiques ;
- le projet ne porte pas atteinte au monument inscrit ; l'avis rendu le 1er juin 2016 est ainsi entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme est entaché d'illégalité ; au demeurant, le projet était réalisable, au besoin en assortissant le permis de prescriptions spéciales ;
- la décision du préfet de région en date du 14 novembre 2016 rejetant le recours formé contre l'avis rendu le 1er juin 2016 par l'architecte des bâtiments de France ayant été rendue après l'expiration du délai de deux mois qui était imparti au préfet en application de l'article R. 423-68 du code de l'urbanisme, son recours est réputé admis ; par suite, le maire d'Allan ne pouvait se fonder sur cette décision pour confirmer sa décision de refus de permis de construire.
Par des mémoires en défense enregistrés les 23 juin 2020, 27 octobre 2020 et 18 mai 2021, la commune d'Allan, représentée par la Selarl Cabinet Stéphane Plunian, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande dirigée contre l'arrêté du 7 décembre 2016, qui est purement confirmatif du premier refus, est irrecevable ;
- le recours exercé devant le préfet de région était irrecevable, dès lors d'une part qu'il n'a pas été notifié par courrier recommandé avec accusé de réception, d'autre part qu'il n'est pas justifié qu'il s'agissait d'un réel recours ; au demeurant, ce recours était tardif ;
- aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé.
La clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 juin 2021, par une ordonnance en date du 11 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code du patrimoine ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me D... pour M. F... et celles de Me B... pour la commune d'Allan ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 3 décembre 2015, le maire d'Allan ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par M. F... en vue de la division de la parcelle cadastrée AK n° 437, qui comprend déjà une construction, en trois lots. Le 25 mars 2016, l'intéressé a déposé une demande de permis de construire en vue de l'édification d'une maison d'habitation, d'un garage et d'une piscine sur un des lots. Par avis rendu le 1er juin 2016, l'architecte des bâtiments de France, saisi par la commune en application de l'article L. 621-31 du code du patrimoine, a rendu un avis défavorable, remplaçant et annulant un précédent avis favorable assorti de prescriptions émis le 20 avril 2016. Par arrêté du 11 juillet 2016, le maire d'Allan a refusé de délivrer le permis de construire aux motifs que le projet est de nature à porter atteinte à un monument historique et qu'il méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. M. F... a saisi le préfet de la région Auvergne Rhône-Alpes d'un recours dirigé contre l'avis de l'architecte des bâtiments de France. Ce recours a été rejeté par une décision du 14 novembre 2016. Par arrêté du 7 décembre 2016, le maire d'Allan a de nouveau refusé de délivrer le permis de construire sollicité. M. F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des deux arrêtés du maire d'Allan. Il relève appel du jugement du 28 mars 2019 par lequel le tribunal a rejeté ses deux demandes.
2. Aux termes de l'article L. 621-31 du code du patrimoine, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'un immeuble est adossé à un immeuble classé ou situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition, d'aucun déboisement, d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une autorisation préalable. " Aux termes de l'article L. 632-2 du même code : " I.- Le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du présent code si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. (...) / En cas de silence de l'architecte des Bâtiments de France, cet accord est réputé donné. ".
3. Aux termes de l'article R. 423-59 du code de l'urbanisme : " Sous réserve des dispositions des articles L. 752-4, L. 752-14 et L. 752-17 du code de commerce et des exceptions prévues aux articles R*423-60 à R*423-71-1, les services, autorités ou commissions qui n'ont pas fait parvenir à l'autorité compétente leur réponse motivée dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande d'avis sont réputés avoir émis un avis favorable. ". Aux termes de l'article R. 423-67-1 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Par exception aux dispositions de l'article R*423-59, lorsqu'un permis de construire ou d'aménager porte sur un projet situé dans le périmètre de protection d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou sur un immeuble adossé à un immeuble classé au titre des monuments historiques, le délai à l'issue duquel l'architecte des Bâtiments de France est réputé avoir émis un avis favorable est de deux mois. ".
4. L'article R. 424-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " (...) le demandeur peut, en cas (...) de refus de permis fondé sur une opposition de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. / Le préfet de région adresse notification de la demande dont il est saisi au maire et à l'autorité compétente en matière de permis. / Les dispositions des premier à cinquième et huitième à douzième alinéas de l'article R. * 423-68 et celles de l'article R. * 423-68-1 sont applicables au recours du demandeur. / Si le préfet de région (...) infirme l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, le maire ou l'autorité compétente doit statuer à nouveau dans le délai d'un mois suivant la réception du nouvel avis ou suivant la date à laquelle est intervenue l'admission tacite du recours ". Selon l'article R. 423-68 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le délai à l'issue duquel le préfet de région doit se prononcer sur un recours (...) contre l'avis émis par l'architecte des Bâtiments de France est : / (...) c) De deux mois lorsque l'avis porte sur des travaux situés (...) dans le champ de visibilité d'un monument historique défini à l'article L. 621-30-1 du code du patrimoine. / En l'absence de décision expresse du préfet de région à l'issue du délai mentionné aux alinéas précédents, le recours est réputé admis (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que le pétitionnaire doit, avant de former un recours pour excès de pouvoir contre un refus de permis de construire portant sur un immeuble situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit et faisant suite à un avis négatif de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région d'une contestation de cet avis. L'avis émis par le préfet, qu'il soit exprès ou tacite, se substitue à celui de l'architecte des Bâtiments de France. Lorsque le préfet infirme l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France, l'autorité compétente doit statuer à nouveau sur la demande de permis de construire dans un délai d'un mois à compter de la réception du nouvel avis, cette nouvelle décision se substituant alors au refus de permis de construire précédemment opposé. Lorsque le préfet confirme l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France, l'autorité compétente n'a pas à se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire et le délai de recours contentieux contre le refus de permis de construire court à compter de la notification de la décision du préfet confirmant l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France. Si l'autorité compétente prend néanmoins une nouvelle décision de refus, cette dernière est purement confirmative du refus initialement opposé.
6. Il ressort en premier lieu des pièces du dossier que l'architecte des bâtiments de France, saisi par la commune d'Allan le 4 avril 2016, a rendu un avis défavorable à la demande de permis de construire le 1er juin 2016, dans le délai qui lui était imparti en vertu des dispositions de l'article R. 423-67-1 du code de l'urbanisme. Par cet avis, rendu après visite sur les lieux, l'architecte des bâtiments de France a retiré son précédent avis en date du 20 avril 2016, ce qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne lui interdisait de faire. Dans ces conditions, le moyen selon lequel le maire d'Allan ne pouvait opposer un motif tiré de l'atteinte porté au site du vieux village d'Allan, inscrit depuis 1989 à l'inventaire des monuments historiques, doit être écarté.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de région a rejeté le 14 novembre 2016 le recours formé le 15 septembre précédent par M. F... contre l'avis de l'architecte des Bâtiments de France. La circonstance que cette décision n'a été notifiée au requérant que le 18 novembre 2016, formalité ayant pour seul effet d'informer le demandeur sur le sens de cette décision, est par elle-même sans incidence sur l'éventuelle naissance d'une décision tacite faisant droit au recours de M. F.... Dès lors, le préfet ayant confirmé l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France, l'arrêté pris le 7 décembre 2016 par le maire d'Allan est purement confirmatif du refus qu'il avait initialement opposé. Par suite, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la demande de M. F... dirigée contre ce refus était irrecevable.
8. En troisième lieu, dans son avis du 14 novembre 2016, qui s'est substitué à celui de l'architecte des Bâtiments de France, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a indiqué que le projet est situé aux abords des ruines du vieux village d'Allan, inscrit au titre des monuments historiques, et en co-visibilité de celles-ci. Il a estimé que la construction projetée, située sur les pentes boisées de la colline au sommet de laquelle est bâti le village, qui constituent selon le préfet le socle naturel du monument, entraîne un important impact visuel, renforcé par la disparition de la majeure partie du boisement de la parcelle. Il ressort des pièces du dossier que le projet doit entraîner l'abattage d'au moins deux chênes et d'un cerisier qui représentent une part importante du boisement de ce terrain, compte tenu de sa superficie de 800m2. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de la situation de la parcelle à proximité du site, dans un secteur boisé et peu bâti, que le préfet de région ait porté une appréciation erronée en rejetant le recours de M. F.... Dans ces conditions, et dès lors qu'il n'est pas contesté que le projet est situé aux abords du monument historique et en situation de co-visibilité avec lui, le maire était tenu de suivre cet avis conforme et de refuser de délivrer le permis de construire sollicité.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. "
10. Pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité par M. F... sur un terrain en forte pente situé dans une zone d'aléa moyen au regard du risque de retrait gonflement des argiles, le maire d'Allan s'est fondé sur un avis de la direction départementale des territoires de la Drôme du 27 mai 2016 favorable au projet, sous réserve que les eaux pluviales et les eaux collectées par drainage soient évacuées par canalisation étanche vers un réseau collectif capable de les recevoir. M. F... ne produit aucun élément précis de nature à remettre en cause cet avis. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'aucun réseau collectif apte à recueillir les eaux de ruissellement n'est présent à proximité et que le projet prévoit la réalisation d'un puits perdu ainsi qu'un système d'assainissement non collectif, soit des ouvrages de nature à renvoyer des eaux dans les sous-sols. Eu égard à la nature des sols et à la configuration des lieux, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le permis de construire aurait pu être délivré en étant assorti de prescriptions spéciales, le maire d'Allan n'a pas méconnu les dispositions citées au point précédent en refusant de délivrer le permis de construire au regard du risque d'érosion, de glissement et de déstabilisation des terrains qu'il peut entraîner.
11. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
12. Les dispositions de l'article L.761-1 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. F..., partie perdante, tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F... la somme de 2 000 euros à verser à la commune d'Allan au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : M. F... versera à la commune d'Allan la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et à la commune d'Allan.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme E... C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2021.
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N° 19LY02044