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01/07/2021 | FRANCE | N°19LY04366

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 01 juillet 2021, 19LY04366


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 novembre 2017 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement, ensemble les rejets implicite et exprès qu'a opposés la ministre du travail à son recours hiérarchique, le 22 mai 2018 et le 3 septembre 2018.

Par jugement n° 1804700, 1807976 lu le 1er octobre 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 28 novembre 2019, M. A... représenté

par Me D... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision du 30 novembre 2017...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 novembre 2017 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement, ensemble les rejets implicite et exprès qu'a opposés la ministre du travail à son recours hiérarchique, le 22 mai 2018 et le 3 septembre 2018.

Par jugement n° 1804700, 1807976 lu le 1er octobre 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 28 novembre 2019, M. A... représenté par Me D... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision du 30 novembre 2017 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement, ensemble la décision du 3 septembre 2018 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de l'inspectrice du travail est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle ne mentionne pas l'intégralité de ses mandats, notamment son mandat de membre du CHSCT ;

- elle a été prise en violation du principe du contradictoire et du respect des droits de la défense, la quasi-totalité des pièces concernant le reclassement était en langue anglaise et non traduite ;

- le comité d'entreprise a été irrégulièrement consulté sur le projet de licenciement dès lors qu'il ne connaissait pas l'intégralité des mandats détenus ;

- la réalité du motif économique de la suppression alléguée de son poste n'est pas établie ; la société ne prouve pas le lien de causalité entre les difficultés économiques et la suppression de l'emploi ;

- la réalité de la suppression de son emploi n'est pas démontrée, dès lors qu'il a pu continuer à travailler à temps complet suite au premier rejet de la demande d'autorisation de licenciement ;

- son employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, une seule proposition de poste lui a été faite ; il n'a pas satisfait à son obligation de formation et d'adaptation ; la recherche de reclassement n'a pas été sérieuse, effective et individualisée ; l'obligation conventionnelle de reclassement n'a pas été respectée ;

- la décision attaquée est illégale du fait de l'illégalité de la décision d'homologation du document unilatéral qui prévoit la valeur unique d'un point au critère des qualités professionnelles ;

- la décision du ministre de rejet de recours hiérarchique est illégale en raison de l'illégalité de la décision de l'inspectrice du travail.

Par mémoire enregistré le 29 janvier 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle s'en remet à ses écritures de première instance.

Par mémoires enregistrés les 26 février et 7 octobre 2020 (ce dernier non communiqué), la Selarl Alliance MJ liquidateur de la société Grange, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 8 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ;

- la convention collective nationale de la fabrication de l'ameublement du 14 janvier 1986 et l'accord du 5 octobre 1988 relatif à la commission paritaire nationale de l'emploi annexé à ladite convention ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., première conseillère ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me D..., pour M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Grange, spécialisée dans la création, la fabrication et la distribution de meubles, appartenant au groupe Middleby corporation, a été conduite, à la suite de difficultés économiques, à envisager le licenciement de quatre-vingt-seize salariés, dans un plan de sauvegarde de l'emploi homologué, le 26 mai 2016, par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) Auvergne-Rhône-Alpes. Dans le cadre de l'exécution de ce plan, elle a demandé l'autorisation de licencier pour motif économique M. A..., occupant les fonctions de chef de projet technique, investi des mandats de délégué unique du personnel suppléant et de délégué syndical depuis le 10 mars 2017. Par décision du 30 novembre 2017, l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement. Sur recours hiérarchique, la ministre du travail, par une décision du 3 septembre 2018, a confirmé la décision de l'inspectrice du travail, et la décision implicite de rejet née de son silence gardé sur ce recours. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

2. Pour opérer les contrôles auxquels elle est tenue de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de licenciement, l'autorité administrative doit prendre en compte chacune des fonctions représentatives du salarié. Lorsque l'administration a eu connaissance de chacun des mandats détenus par l'intéressé, la circonstance que la demande d'autorisation de licenciement ou la décision autorisant le licenciement ne fasse pas mention de l'un de ces mandats ne suffit pas, à elle seule, à établir que l'administration n'a pas, comme elle le doit, exercé son contrôle en tenant compte de chacun des mandats détenus par le salarié protégé. M. A... soutient avoir été désigné comme membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail lors d'une réunion du 21 septembre 2017. Les mandats des précédents membres du CHSCT ont pris fin le 31 décembre 2016. Si, en application des dispositions de l'article L. 4613-3 du code du travail, il n'appartient qu'au juge judiciaire de connaître des litiges relatifs aux conditions dans lesquelles les représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sont désignés, il appartient au juge administratif de déterminer si un intéressé peut se prévaloir de la protection offerte aux seuls salariés protégés. Or, en application de l'article L. 4613-1 du code du travail, une telle désignation ne peut résulter que d'un vote du collège désignatif constitué par les membres élus du comité d'entreprise et les délégués du personnel, attesté par le procès-verbal de la réunion du dudit collège, ou à défaut, par tout autre élément de nature à en établir la réalité. L'appelant se prévaut d'un procès-verbal d'une réunion du comité d'entreprise du 21 septembre 2017, d'ailleurs non signé, qui ne mentionne pas l'organisation d'un scrutin du collège désignatif. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions en litige doit être écarté, l'inspectrice du travail et la ministre du travail ayant pris en considération l'ensemble des mandats de M. A....

3. En vertu des dispositions des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit, quel que soit le motif de la demande, procéder à une enquête contradictoire. Le caractère contradictoire de cette enquête impose à l'autorité administrative que le salarié protégé puisse notamment être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande.

4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les pièces ont été communiquées à M. A... par courriel du 27 octobre 2017. Par ailleurs, les pièces principales de l'employeur, à savoir le courrier type adressé aux entreprises du groupe et le tableau récapitulatif des postes disponibles, étaient traduites de l'anglais au français alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne s'y oppose et qu'il n'est pas même allégué que cette traduction serait entachée d'erreurs ou omissions de nature à tromper le salarié. Par conséquent, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le caractère contradictoire de l'enquête aurait été méconnu.

5. Le moyen tiré de la consultation irrégulière du comité d'entreprise à raison du défaut d'information de cette instance du mandat de membre du CHSCT prétendument détenu par M. A... doit être écarté par les motifs du point 2.

6. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés (...) La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise ".

7. D'une part, si la société Grange a réintégré M. A... dans son poste en janvier 2017, c'était en conséquence du rejet par l'inspection du travail d'une première demande d'autorisation de licenciement. Cette réintégration ne saurait traduire l'absence de nécessité économique de la suppression de l'emploi occupé par l'intéressé. D'autre part, la situation économique de l'entreprise suite à l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, qui prévoyait la suppression de six des huit postes de salariés de la catégorie agent d'achat dont M. A... faisait partie, n'a pas évolué dans des conditions qui justifiaient le maintien de M. A... dans son emploi.

8. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ". Aux termes de l'article L. 1233-4-1 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Lorsque l'entreprise ou le groupe dont l'entreprise fait partie comporte des établissements en dehors du territoire national, le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l'employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements. Dans sa demande, il précise les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. L'employeur transmet les offres correspondantes au salarié ayant manifesté son intérêt. Ces offres sont écrites et précises ".

9. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Il appartient au juge, pour juger du respect par l'employeur de l'obligation de moyens dont il est débiteur pour le reclassement d'un salarié, de tenir compte de l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment de ce que les recherches de reclassement conduites au sein de l'entreprise et du groupe ont débouché sur des propositions précises de reclassement, de la nature et du nombre de ces propositions, ainsi que des motifs de refus avancés par le salarié.

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que des postes correspondant aux compétences de M. A... aient été disponibles au sein de la société Grange ou du groupe en France. Si le requérant soutient que l'examen du registre des entrées et des sorties de la société Rosyl démontre qu'un poste de technicien bureau d'études a été pourvu, le 3 avril 2017, sans qu'il lui ait été proposé alors qu'il maîtrisait l'usage des logiciels de la spécialité, il n'établit pas disposer d'une maîtrise suffisante de l'anglais.

11. Alors que M. A... a accepté, le 6 avril 2017, de recevoir toutes offres de reclassement dans le groupe à l'étranger, un poste d'opérateur assembleur habilité schéma électrique au sein de la société MP Equipement LLC aux États-Unis lui a été proposé, le 15 mai suivant pour une prise de poste au 3 juillet 2017, poste qu'il a refusé alors que l'entreprise s'engageait à financer des formations en électricité et en anglais de 150 heures sur trois mois. Si l'échéance qui assortissait cette proposition était rapprochée, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'entreprise ait délibérément tardé à lui proposer ce poste pour l'inciter à le refuser. Par ailleurs, la circonstance que ce poste a été proposé à d'autres salariés n'est pas de nature à établir que l'entreprise n'aurait pas sérieusement et loyalement satisfait à son obligation de reclassement.

12. Enfin, la circonstance, à la supposer établie, que l'employeur n'ait pas mis M. A... en mesure, au cours de sa carrière, d'accéder à des formations qui auraient facilité son reclassement, lequel ne pouvait être anticipé alors, est sans incidence sur les obligations de recherche de reclassement qui incombaient à l'entreprise préalablement au licenciement et ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision autorisant le licenciement.

13. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de la méconnaissance de l'obligation conventionnelle de reclassement et de l'exception d'illégalité de la décision d'homologation du document unilatéral.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 30 novembre 2017. La décision de l'inspectrice du travail n'étant pas illégale, la ministre du travail ne pouvait la retirer sans entacher sa décision d'illégalité. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de la décision de la ministre du travail du 3 septembre 2018 rejetant le recours hiérarchique qu'il a formé contre la décision du 30 novembre 2017. Par voie de conséquence et dès lors que la société Grange n'est pas la partie perdante, les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la Selarl Alliance MJ liquidateur de la société Grange.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2021.

N° 19LY04366 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04366
Date de la décision : 01/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

67-01 Travaux publics. - Notion de travail public et d'ouvrage public.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : CABINET CAPSTAN RHONE-ALPES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-07-01;19ly04366 ?
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