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01/07/2021 | FRANCE | N°19LY01084

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 01 juillet 2021, 19LY01084


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Evil Twins a demandé au tribunal administratif de Lyon, par deux requêtes distinctes, de :

- prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes ;

- prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugem

ent n° 1708668-1708669 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Evil Twins a demandé au tribunal administratif de Lyon, par deux requêtes distinctes, de :

- prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes ;

- prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1708668-1708669 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes après les avoir jointes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 mars 2019, la SARL Evil Twins, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, d'une part, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, d'autre part, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

A titre principal :

- les opérations de vérification ont excédé la durée légale de trois mois prévue par les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dès lors que la comptabilité présentée est probante et ne pouvait être rejetée et que les dérogations à la durée maximale des opérations de vérification, dont la situation de taxation d'office ne fait pas partie, sont limitativement énumérées par la loi ;

A titre subsidiaire :

- s'agissant de l'impôt sur les sociétés, le refus partiel de déductibilité des charges constituées par les honoraires versés à M. C... A... est infondé, en vertu du principe de non immixtion, l'administration ne pouvant juger du montant des prestations réglées et dont la réalité n'est pas remise en cause, sauf à démontrer l'existence d'un acte anormal de gestion ;

- s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, étant de bonne foi, elle est fondée à déduire la taxe sur la valeur ajoutée lui ayant été facturée à tort par la société Hell Yeah, qui lui sous-loue les locaux, dès lors qu'elle ignorait légitimement qu'aucune option pour l'application de la taxe n'avait été souscrite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de sa comptabilité, la SARL Evil Twins s'est vu notifier le 30 juin 2016, selon la procédure de taxation d'office, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2013 et 2014, ainsi que les pénalités correspondantes. Elle relève appel du jugement du 22 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon, après avoir joint les deux requêtes introduites afin de contester chacune des impositions mises en recouvrement le 19 décembre 2016, a rejeté ses demandes tendant à en être déchargée, en droits et en pénalités.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...). / II.- Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : / (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. / (...) III.- En cas de mise en œuvre du I de l'article L. 47 A, le délai de trois mois prévu au I du présent article est suspendu jusqu'à la remise de la copie des fichiers des écritures comptables à l'administration (...) ".

3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; / 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ". Selon le premier alinéa de l'article L. 68 du même livre, la procédure de taxation d'office prévue au 2° précité de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Lorsque la situation d'imposition d'office d'un contribuable n'a pas été révélée par la vérification de comptabilité dont celui-ci a fait l'objet, les irrégularités qui ont pu entacher cette vérification sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition.

4. En l'espèce, la SARL Evil Twins, qui n'a pas déposé dans les délais requis les déclarations annuelles de résultat et de chiffre d'affaires auxquelles elle était tenue ni déféré aux mises en demeure de l'administration, ne conteste pas la régularité de la procédure de taxation d'office mise en œuvre à son encontre. Elle ne peut dès lors utilement se prévaloir de l'irrégularité alléguée de la vérification de sa comptabilité, au motif qu'elle aurait excédé le délai de trois mois prévu par l'article L. 52 précité du livre des procédures fiscales.

5. En tout état de cause, si la SARL Evil Twins conteste le rejet de sa comptabilité au motif qu'elle aurait remis les fichiers des écritures comptables correspondant aux deux exercices vérifiés, il résulte de mentions non discutées de la proposition de vérification qu'une partie du chiffre d'affaires réalisé avec la société " Nouveau Monde DDB " n'avait pas été comptabilisée, que la comptabilité présentée pour la période du 1er janvier au 11 octobre 2013 ne permettait pas de s'assurer de l'exhaustivité et de la nature exacte des ventes, la société n'ayant pu présenter que des tickets issus d'une caisse enregistreuse ne mentionnant pas le détail des ventes mais seulement une ventilation des recettes par mode de paiement, et que les fiches de caisse pour la période postérieure étaient tenues manuellement sur des feuilles volantes. Ces graves irrégularités suffisent à faire regarder la comptabilité comme non probante en l'absence de justification voire de comptabilisation des recettes, entraînant l'extension à six mois du délai de la vérification en application de 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales. Au surplus, il n'est pas davantage contesté que la SARL Evil Twins n'a remis que le 18 mai 2013 le fichier des écritures comptables relatif à l'exercice 2013 et le 8 juin 2016 le fichier définitif relatif à l'exercice 2014. La durée maximale de vérification sur place de la comptabilité, suspendue jusqu'à la remise de ces fichiers, n'était en conséquence pas expirée au terme des opérations de vérification.

6. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

7. En application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, il incombe à la SARL Evil Twins, dès lors que les impositions litigieuses ont été établies d'office, d'apporter la preuve de leur caractère exagéré.

8. Il appartient en outre au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

9. En l'espèce, les rectifications litigieuses procèdent notamment de la remise en cause de la déductibilité de 50% des honoraires versés en 2013 à M. C... A..., associé à 20% de la société, en rémunération de " prestations diverses ". Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le service, s'il n'a remis en cause ni l'existence de prestations ni le principe de leur déductibilité, pouvait contester le caractère excessif de la rémunération versée au regard des contreparties, sans méconnaître l'interdiction qui lui est faite de se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par l'entreprise. Aux termes de la proposition de rectification, la SARL Evil Twins a fait valoir en cours de contrôle que les honoraires d'un montant total de 32 760 euros versés à son associé minoritaire avaient pour objet de rémunérer des tâches de collecte et de suivi des éléments comptables, ainsi que les relations avec certains fournisseurs. Pour justifier du montant des honoraires versés en paiement des prestations non détaillées facturées mensuellement par M. A..., la SARL Evil Twins n'apporte aucun élément de comparaison avec les tarifs habituellement pratiqués pour des prestations de même nature, aucun élément d'analyse tendant à établir le volume d'heures de travail assuré par son associé pour l'accomplissement de ces tâches, ni aucun autre élément. L'administration fiscale fait en revanche justement valoir que la comptabilité de la société pour l'année 2013 présentait de graves irrégularités ayant justifié son rejet, que la société était en situation de carence déclarative pour l'année en cause et que les fonctions imputées à M. A... ne justifiaient donc pas une rémunération équivalente à un emploi à temps complet, excédant un quart du chiffre d'affaires annuel. Si la SARL Evil Twins fait désormais valoir que M. A... serait également intervenu dans la gestion du passif de la société et le recouvrement des créances impayées, qu'il aurait créé et mis en ligne le site internet de la société contenant 500 pages de présentation de produits, qu'il aurait procédé à la retouche et à la mise en page de photographies, et enfin qu'il aurait calculé et mis en ligne les tarifs, elle n'apporte aucune justification au soutien de ses allégations, et en particulier aucun élément de nature à démontrer l'existence ou la date de création du site internet.

10. Par suite, la SARL Evil Twins n'est pas fondée à contester la réintégration à son résultat de la somme de 16 380 euros.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

11. En application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, il incombe à la SARL Evil Twins, dès lors que les impositions litigieuses ont été établies d'office, d'apporter la preuve de leur caractère exagéré.

12. L'administration fiscale a remis en cause, à hauteur de 3 780 euros par exercice, la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les redevances de sous-location de locaux nus versées par la société Evil Twins à la société Hell Yeah, constituée des mêmes associés.

13. La société requérante reprend en appel le moyen tiré de ce que la seule mention de la taxe sur les factures émises par la société Hell Yeah lui permettait de la déduire sans qu'il lui incombe de vérifier la situation fiscale de l'émetteur de la facture. Il y a lieu pour la cour, l'identité d'associés entre les deux sociétés n'étant pas discutée, d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

14. Il résulte de tout ce qui précède, en l'absence de moyen propre aux pénalités, que la SARL Evil Twins n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Evil Twins la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Evil Twins est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Evil Twins et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2021.

2

N° 19LY01084


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01084
Date de la décision : 01/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DELAMBRE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-07-01;19ly01084 ?
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