Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Athik Aubière a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2017 par lequel le maire de la commune d'Aubière l'a mise en demeure de supprimer un " menu board " de dimension 1,855 x 1,65 m, trois " menu boards " de dimension 1,98 x 0,52 m et un auvent " borne de commande " et de remettre les lieux dans leur état initial dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par dispositif en cause sous peine de suppression d'office à la charge de la société.
Par un jugement n° 1702147 du 6 mars 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté du maire de la commune d'Aubière du 15 novembre 2017.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 avril 2019, la commune d'Aubière, représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 6 mars 2019 ;
2°) de mettre à la charge de la société Athik Aubière la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, les dispositifs en cause constituent des enseignes ;
- l'arrêté en litige n'est pas entaché de détournement de pouvoir, dès lors que le maire se trouvait en situation de compétence liée pour prendre la mesure litigieuse ; les moyens de la société Athik Aubière sont inopérants.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 décembre 2020, la société Athik Aubière, représentée par la SCP CGCB et Associés, agissant par Me D... et Me A..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la commune d'Aubière la somme de 5 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.
Elle soutient que :
- les dispositifs en cause ne peuvent être qualifiés d'enseigne dès lors qu'ils ne sont pas apposés sur un immeuble bâti ;
- ils ne sont pas visibles depuis une voie de circulation ;
- l'arrêté en litige est entaché d'un détournement de pouvoir.
Par ordonnance du 4 janvier 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 29 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant la commune d'Aubière, et de Me C..., représentant la société Athik Aubière ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Athik Aubière exploite un établissement de restauration rapide, sous franchise " Burger King ", comprenant un service de distribution " au volant " ou " drive ". Par un arrêté du 15 novembre 2017, le maire de la commune d'Aubière l'a mise en demeure de supprimer un " menu board ", c'est-à-dire un panneau d'affichage destiné à recueillir des représentations en image des spécialités vendues par l'établissement, de dimension 1,855 x 1,65 m, trois " menu board " de dimension 1,98 x 0,52 m ainsi qu'un " auvent borne de commande " et de remettre les lieux dans leur état initial dans un délai de quinze jours sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par dispositif en cause, sous peine de suppression d'office à la charge de la société. La commune d'Aubière relève appel du jugement rendu le 6 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté du 15 novembre 2017.
Sur les conclusions de la commune d'Aubière à fin d'annulation :
En ce qui concerne la qualification des dispositifs litigieux :
2. Aux terme de l'article L. 581-3 du code de l'environnement : " Au sens du présent chapitre : (...) ; 2° Constitue une enseigne toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s'y exerce ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que doit être qualifiée d'enseigne, l'inscription, forme ou image installée sur un terrain ou un bâtiment où s'exerce l'activité signalée. S'agissant d'un dispositif scellé au sol ou installé sur le sol, sa distance par rapport à l'entrée du local où s'exerce l'activité est sans incidence sur la qualification d'enseigne, dès lors que ce dispositif est situé sur le terrain même où s'exerce cette activité et est relatif à cette dernière.
3. Il ressort des pièces du dossier que les " menu boards " en cause constituent des dispositifs d'affichage scellés sur le terrain même où est implanté l'établissement et où s'exerce la vente à emporter, notamment par les automobilistes qui recourent au service de distribution au volant ou " drive ". Ainsi qu'il a été dit, ces dispositifs ont pour objet d'afficher, en images, les menus et produits vendus par l'établissement et sont donc relatifs à une activité qui s'y exerce. S'agissant de l'" auvent borne de commande ", il ressort de ces mêmes pièces que ce dispositif, constitutif d'une installation commerciale nécessaire au fonctionnement du service de distribution au volant, comporte en caractères très visibles l'inscription " commandez ici " qui renseigne sur l'activité de vente à emporter exercée par l'établissement. Contrairement à ce qui est soutenu par la société Athik Aubière, la circonstance que ces dispositifs ne sont pas apposés sur le bâtiment de l'établissement est sans influence sur leur qualification d'enseigne. La commune d'Aubière est par suite fondée à soutenir que les cinq dispositifs litigieux doivent, contrairement à ce qui a été jugé par les premiers juges, être qualifiés d'enseigne au sens des dispositions précitées de l'article L. 581-3 du code de l'environnement.
En ce qui concerne la légalité des prescriptions de l'arrêté en litige :
4. En premier lieu, le code de l'environnement dispose à son article L. 581-2 que : " Afin d'assurer la protection du cadre de vie, le présent chapitre fixe les règles applicables à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes, visibles de toute voie ouverte à la circulation publique, au sens précisé par décret en Conseil d'Etat. Ses dispositions ne s'appliquent pas à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes situées à l'intérieur d'un local, sauf si l'utilisation de celui-ci est principalement celle d'un support de publicité ", à son article R. 581-1 que : " Par voies ouvertes à la circulation publique au sens de l'article L. 581-2, il faut entendre les voies publiques ou privées qui peuvent être librement empruntées, à titre gratuit ou non, par toute personne circulant à pied ou par un moyen de transport individuel ou collectif ". Il ressort de ces dispositions que la réglementation relative aux enseignes découlant des dispositions du code de l'environnement s'applique aux dispositifs ainsi qualifiés lorsque ceux-ci sont visibles depuis au moins une voie publique ou privée pouvant être librement empruntée.
5. Il est constant que les cinq dispositifs litigieux sont visibles et sont d'ailleurs ainsi placés pour l'être parfaitement, depuis la voie circulation qui permet aux automobilistes de passer, puis de retirer, leur commande depuis leur véhicule. Il ressort également des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la police municipale produit par la commune, que ces dispositifs sont également visibles depuis plusieurs voies de circulation publique situées à proximité immédiate de l'établissement. Les dispositions du code de l'environnement relatives aux enseignes au sens de l'article L. 581-2 du code de l'environnement étaient dès lors applicables aux dispositifs litigieux.
6. En deuxième lieu, il n'est pas contesté que ces cinq dispositifs contreviennent aux dispositions de l'article R. 581-64 du code de l'environnement et du règlement local de publicité.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 581-27 du code de l'environnement : " Dès la constatation d'une publicité, d'une enseigne ou d'une préenseigne irrégulière au regard des dispositions du présent chapitre ou des textes réglementaires pris pour son application, et nonobstant la prescription de l'infraction ou son amnistie, l'autorité compétente en matière de police prend un arrêté ordonnant, dans les quinze jours, soit la suppression, soit la mise en conformité avec ces dispositions, des publicités, enseignes ou préenseignes en cause, ainsi que, le cas échéant, la remise en état des lieux. / Cet arrêté est notifié à la personne qui a apposé, fait apposer ou maintenu après mise en demeure la publicité, l'enseigne ou la préenseigne irrégulière (...) ". En application de ces dispositions, le maire de la commune d'Aubière était tenu, ayant constaté que les dispositifs litigieux contreviennent aux dispositions l'article R. 581-64 du code de l'environnement et du règlement local de publicité, de mettre en demeure la société Athik Aubière de se conformer à cette réglementation.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Aubière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à la demande d'annulation de la société Athik Aubière et à en demander l'annulation.
Sur l'effet dévolutif de l'appel :
9. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand que devant la cour.
10. Ainsi qu'il vient d'être dit, au point 7 du présent arrêt, le maire de la commune d'Aubière, ayant constaté l'illégalité des dispositifs en cause, se trouvait en situation de compétence liée pour mettre en demeure la société de mettre un terme à cette illégalité. Par suite, la société Athik Aubière ne peut utilement soutenir que l'arrêté est entaché d'un détournement de pouvoir, ni, en tout état de cause, qu'elle a fait l'objet d'un traitement différent d'autres enseignes présentes sur la commune de restauration rapide qui, selon le moyen, sont les auteurs des mêmes infractions au code de l'environnement que celles qui lui sont reprochées.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la demande d'annulation formée par la société Athik Aubière devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand doit être rejetée.
Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Aubière, qui n'est pas la partie perdante, une somme à ce titre, les conclusions de la société Athik Aubière en ce sens doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de celle-ci une somme de 1 800 euros qu'elle paiera à la commune d'Aubière, au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a exposés.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1702147 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : La demande de la société Athik Aubière devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand est rejetée.
Article 3 : La société Athik Aubière versera une somme de 1 800 euros à la commune d'Aubière en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la société Athik Aubière relatives aux frais non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Aubière et à la société Athik Aubière.
Copie en sera délivrée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2021 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Pierre Thierry, premier conseiller,
Mme B... F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2021.
No 19LY016182