Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... A... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 16 octobre 2015 par laquelle le maire de la commune de Portes-en-Valdaine a rejeté leur demande tendant à l'exécution des travaux de raccordement de leur propriété au réseau public d'eau potable et d'enjoindre au maire d'autoriser ce raccordement et, subsidiairement, de prendre les dispositions nécessaires pour l'assurer en cas d'insuffisance du réseau, dans un délai d'un mois, à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1603220 du 14 juin 2018, ce tribunal a annulé la décision du 16 octobre 2015 et a enjoint au maire de la commune de Portes-en-Valdaine de procéder aux travaux de raccordement de la propriété de M. A... et de Mme D... au réseau public d'eau potable dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Par un arrêt nos 18LY02668, 18LY04448 du 9 avril 2019, la cour a, d'une part, sur appel de la commune de Portes-en-Valdaine, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par M. A... et Mme D... et, d'autre part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de leur requête tendant à l'exécution de ce jugement.
Par une décision n° 431494 du 26 janvier 2021, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour.
Procédure devant la cour
Par effet de la décision du Conseil d'Etat du 26 janvier 2021, la cour se trouve à nouveau saisie de la requête présentée par la commune de Portes-en-Valdaine et de celle présentée par M. A... et Mme D....
Par un mémoire présenté après cassation enregistré le 18 février 2021, la commune de Portes-en-Valdaine, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 juin 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... et Mme D... devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de M. A... et Mme D... la somme de 5 000 euros au titre des frais du litige.
Elle soutient que :
- si les communes sont tenues d'arrêter un schéma de distribution d'eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution, l'obligation de raccordement d'une propriété située dans une zone de desserte n'est pas absolue ;
- la propriété de M. A... et Mme D... n'est pas rattachée géographiquement au réseau de captage de la Citadelle ;
- le rejet de la demande de raccordement est justifié par l'insuffisante production de la source de la Citadelle et par les circonstances que la propriété est raccordée au puits de captage d'une maison voisine et affectée à la location touristique ;
- le cas échéant, la cour substituera aux motifs de la décision contestée un nouveau motif, tiré de ce que le puits de captage a le caractère d'un équipement propre au lotissement constitué de ces deux immeubles dont la viabilisation ne peut être mise à sa charge et, en tout état de cause, un raccordement au réseau communal constituerait également un équipement propre au lotissement ne pouvant davantage être mise à sa charge.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 mai 2021, M. A... et Mme D..., représentés par Me G..., concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Porte-en-Valdaine au titre des frais du litige.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par la commune de Portes-en-Valdaine ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., pour la commune de Portes-en-Valdaine, et celles de Me G..., pour M. A... et Mme D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 16 octobre 2015, le maire de la commune de Portes-en-Valdaine (Drôme) a rejeté la demande de M. A... et Mme D... tendant à l'exécution des travaux de raccordement au réseau public d'eau potable de leur propriété située à l'extérieur du village, dans le secteur dit de la Citadelle, où six propriétés seulement sont raccordées. Par un jugement du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision et a enjoint au maire de procéder à ces travaux de raccordement dans un délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par un arrêt du 9 avril 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de la commune, d'une part, annulé le jugement et rejeté la demande de M. A... et Mme D... et, d'autre part, prononcé un non-lieu à statuer sur leur requête tendant à l'exécution de ce jugement. Par une décision du 26 janvier 2021, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour.
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement :
2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 210-1 du code de l'environnement : " (...) chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. ". Aux termes de l'article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales : " Les communes sont compétentes en matière de distribution d'eau potable. Dans ce cadre, elles arrêtent un schéma de distribution d'eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution. (...) / Le schéma mentionné à l'alinéa précédent comprend notamment un descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution d'eau potable. (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions ".
4. Il résulte des dispositions citées au point 2, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau de laquelle elles sont issues, qu'il appartient aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale compétents de délimiter, dans le respect du principe d'égalité devant le service public, les zones de desserte dans lesquelles ils sont tenus, tant qu'ils n'en ont pas modifié les délimitations, de faire droit aux demandes de réalisation de travaux de raccordement, dans un délai raisonnable, pour toutes les propriétés qui ont fait l'objet des autorisations et agréments visés à l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme. Ce délai doit s'apprécier au regard, notamment, du coût et de la difficulté technique des travaux d'extension du réseau de distribution d'eau potable et des modalités envisageables de financement des travaux.
5. Il ressort des pièces du dossier que la maison, régulièrement construite, que M. A... et Mme D... ont acquise le 3 avril 2015, qui n'est pas reliée au réseau communal d'eau potable et ne bénéficie que d'une servitude de droit privé permettant l'accès à un puits situé sur un terrain voisin, est classée dans le secteur du hameau de la Citadelle desservi par le réseau de distribution d'eau potable dans le schéma de distribution d'eau potable de la commune de Portes-en-Valdaine établi en 2011. Dès lors, la commune a l'obligation de procéder aux travaux de raccordement de cette propriété au réseau public d'eau potable, sans qu'elle puisse utilement se prévaloir des difficultés techniques et financières pour couvrir les frais de raccordement et de l'affectation de la maison à la location touristique.
6. Aux termes de l'article L. 332-15 du code l'urbanisme " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne (...) l'alimentation en eau (...). / Les obligations imposées par l'alinéa ci-dessus s'étendent au branchement des équipements propres à l'opération sur les équipements publics qui existent au droit du terrain sur lequel ils sont implantés et notamment aux opérations réalisées à cet effet en empruntant des voies privées ou en usant de servitudes (...). ". Aux termes de l'article L. 442-1 du même code : " Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis. ". L'édification sur une parcelle de plusieurs constructions ne peut être regardée comme constitutive d'un lotissement que si la parcelle servant d'assiette aux constructions a été au préalable divisée en jouissance ou en propriété.
7. Si la commune de Portes-en-Valdaine soutient que le puits de captage auquel sont raccordées la propriété de M. A... et Mme D... et la maison voisine a le caractère d'un équipement propre au lotissement constitué de ces deux immeubles, dont la viabilisation, de même que les travaux de raccordement au réseau d'eau potable communal, ne peuvent être mis à sa charge, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cession de la parcelle d'assiette de la maison acquise en 2015 par M. A... et Mme D... serait intervenue antérieurement à la délivrance du permis de construire le bâtiment. Les deux immeubles ne constituent donc pas un lotissement. Au surplus, les travaux de raccordement n'étaient pas prévus à la date de la délivrance de ce permis de construire. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu, en tout état de cause, de faire droit à la substitution de base légale demandée en défense par la commune.
8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Portes-en-Valdaine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision de son maire du 16 octobre 2015. Sa requête doit être rejetée.
Sur les frais du litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Portes-en-Valdaine la somme de 2 000 euros à verser à M. A... et à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de ces derniers qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.
Sur les conclusions à fin d'exécution du jugement :
10. Aux termes de l'article L. 911-3 du code de justice administrative : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ". Aux termes de l'article L. 911-4 de ce code : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-7 du même code : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée (...) ".
11. Comme exposé au point 1, par son jugement du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir annulé la décision du 16 octobre 2015 litigieuse, a enjoint à la commune de Portes-en-Valdaine de faire procéder aux travaux de raccordement de la propriété de M. A... et de Mme D... au réseau d'eau potable dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
12. Le présent arrêt, qui confirme l'annulation prononcée par les premiers juges, implique, comme M. A... et Mme D... le demandent, que le maire la commune de Portes-en-Valdaine fasse procéder aux travaux de raccordement de leur propriété. Par suite, il n'y a pas lieu de prescrire d'autre mesure d'exécution que celle prise par le tribunal administratif de Grenoble.
13. Il résulte des dispositions citées au point 10 que seul le tribunal administratif de Grenoble, qui a, par le jugement du 14 juin 2018 dont l'exécution est sollicitée par M. A... et Mme D..., assorti l'injonction qu'il a prononcée d'une astreinte, est compétent pour statuer sur la demande de liquidation de cette astreinte. Il y a dès lors lieu de transmettre les conclusions de M. A... et Mme D... tendant à la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 14 juin 2018 au tribunal administratif de Grenoble.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Portes-en-Valdaine est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. A... et de Mme D... tendant à la liquidation de l'astreinte prononcée par l'article 2 du jugement du 14 juin 2018 sont renvoyées au tribunal administratif de Grenoble.
Article 3 : La commune de Portes-en-Valdaine versera à M. A... et à Mme D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Portes-en-Valdaine, à M. C... A... et à Mme F... D....
Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :
Mme B..., présidente,
Mme H..., assesseure la plus ancienne,
M. Rivière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2021.
2
N° 21LY00282