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24/06/2021 | FRANCE | N°19LY02623

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 24 juin 2021, 19LY02623


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société SDER a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'office public d'habitation (OPH) de la région grenobloise Actis à lui verser la somme de 30 601,62 euros TTC assortie de la révision des prix et des intérêts moratoires, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés, en réparation du préjudice résultant de l'ajournement du chantier de construction de l'immeuble " Le Nobel ".

Par un jugement n° 1701240 du 9 mai 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 juillet 2019 et le 16 septembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société SDER a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'office public d'habitation (OPH) de la région grenobloise Actis à lui verser la somme de 30 601,62 euros TTC assortie de la révision des prix et des intérêts moratoires, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés, en réparation du préjudice résultant de l'ajournement du chantier de construction de l'immeuble " Le Nobel ".

Par un jugement n° 1701240 du 9 mai 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 juillet 2019 et le 16 septembre 2020, la société SDER, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de condamner l'OPH Actis à lui verser la somme de 30 601,62 euros TTC assortie de la révision des prix et des intérêts moratoires, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant-dire droit pour déterminer le montant de son préjudice sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'OPH Actis la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement, qui a relevé d'office et sans soumettre ce moyen au débat contradictoire que le délai d'exécution des travaux de gros oeuvre n'avait pas été contractualisé et opposé le délai global de réalisation du chantier de 23 mois, est entaché d'irrégularité ;

- sa demande présentée devant le tribunal était recevable au regard des stipulations de l'article 50.1.1 du CCAG travaux de 2009 ;

- l'OPH Actis est tenu en application de l'article 49.1.1 de ce CCAG, ou subsidiairement sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle pour faute, de l'indemniser des préjudices qu'elle a subis du fait de l'ajournement des travaux du 7 novembre au 10 décembre 2014 ;

- le montant des préjudices qu'elle a subis du fait de l'immobilisation des matériels et personnels doit être évalué à la somme de 30 601,62 euros TTC, sauf pour la cour à ordonner avant dire droit une expertise.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 août 2020 et le 19 janvier 2021, l'OPH Actis, représenté par Me C..., conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que sa condamnation soit limitée à 10 078,03 euros ;

3°) à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société SDER en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la demande présentée devant le tribunal n'était pas recevable en l'absence d'une réclamation régulière dans le délai de 45 jours prévu à l'article 50.1.1 du CCAG ;

- la société SDER ne peut demander, pour la première fois en appel, alors qu'elle aurait dû le faire en référé, la désignation d'un expert pour évaluer le montant de ses préjudices ;

- à supposer que sa demande indemnitaire soit fondée dans son principe, son indemnisation ne pourra dépasser 10 078,03 euros ;

- les autres moyens qu'elle soulève ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;

- le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., pour la société SDER, et de Me B..., pour l'OPH Actis.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché à prix global et forfaitaire conclu le 15 mai 2014, l'OPH Actis a confié à la société SDER le lot gros-oeuvre d'une opération de construction d'un ouvrage dénommé " Le Nobel " composé de 14 logements locatifs sociaux et 7 garages. Les travaux ont été suspendus entre le 7 novembre et le 10 décembre 2014. Ils ont été réceptionnés le 11 avril 2016. Le 25 avril 2016, la société SDER a adressé son projet de décompte final au maître d'oeuvre. Le 24 juin 2016, à la suite d'une mise en demeure du 13 juin 2016, l'OPH Actis a notifié le décompte général du marché à la société SDER. Par courrier du 28 juillet 2016, la société SDER a adressé un mémoire en réclamation à l'OPH Actis, qui l'a rejeté le 12 septembre 2016. La société SDER a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'OPH Actis à lui verser la somme de 30 601,62 euros TTC en réparation du préjudice que lui a causé l'ajournement du chantier du 7 novembre au 10 décembre 2014. Par un jugement du 9 mai 2019 dont la société SDER relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Compte tenu des moyens invoqués par les parties devant lui, il ne saurait être fait grief au tribunal d'avoir relevé d'office sans respecter le caractère contradictoire de la procédure qu'il n'était pas prévu, s'agissant du lot gros oeuvre, une durée contractuelle plus courte que le délai global d'exécution de 23 mois.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne les conclusions présentées à titre principal :

3. Aux termes de l'article 49.1.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 (CCAG travaux) : " L'ajournement des travaux peut être décidé par le représentant du pouvoir adjudicateur. Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées à l'article 12, à la constatation des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés et des matériaux provisionnés. Le titulaire, qui conserve la garde du chantier, a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et du préjudice qu'il aura éventuellement subi du fait de l'ajournement. ".

4. Par ordre de service n° 5 du 11 novembre 2014, la société SDER a été informée de " l'interruption du délai global d'exécution à compter du vendredi 7 novembre 2014 ". Par ordre de service n° 7 du 10 décembre 2014, la reprise des travaux a été fixée au 10 décembre 2014. Cette interruption a été décidée par l'OPH Actis à la suite de la liquidation judiciaire de la société Saint Cierge, titulaire du lot électricité, qui faisait obstacle à la poursuite des travaux de gros-oeuvre en l'absence d'incorporation des réseaux. Si les parties ont dressé un procès-verbal contradictoire relatif à l'arrêt de travaux, faisant état des parties d'ouvrages exécutées, ce procès-verbal ne contient aucune précision relative à l'immobilisation du matériel et du personnel de la société SDER. Les pièces par ailleurs produites par la société SDER ne permettent pas d'établir la réalité des frais qu'elle allègue avoir supportés. Dans ces conditions, la société SDER ne justifie pas, pour l'application du régime de responsabilité contractuelle de plein droit du maître d'ouvrage dont elle entend se prévaloir, avoir subi un préjudice du fait de cette immobilisation.

5. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de sa demande et l'applicabilité de ces stipulations du CCAG au contrat en cause, la société SDER n'est pas fondée à demander réparation, sur le fondement des stipulations de l'article 49.1.1 du CCAG travaux, du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la suspension des travaux.

En ce qui concerne les conclusions présentées à titre subsidiaire :

6. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

7. La société SDER ne justifie pas que la suspension des travaux a eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, alors que le montant de l'indemnisation qu'elle réclame à ce titre est dérisoire par rapport au montant du marché.

8. Par ailleurs, la société SDER ne justifie pas que les difficultés rencontrées dans l'exécution du marché sont imputables à l'OPH Actis dans la mesure où celui-ci disposait, lorsqu'il a conclu le marché avec la société Saint Cierge, de toutes les garanties laissant penser qu'elle serait en mesure d'exécuter son marché. En outre, l'OPH a accompli, lorsqu'il a appris en août 2014 la cession partielle du fonds de commerce de la société Saint Cierge à la société Facq, les démarches auprès de cette dernière société pour qu'elle reprenne le marché et lorsqu'il a appris la liquidation judiciaire immédiate de la société Saint Cierge le 24 septembre 2014, les démarches nécessaires auprès du liquidateur et a lancé, sans même attendre sa réponse, une nouvelle procédure d'appel d'offre afin de réattribuer le lot relatif à l'électricité. Dans ces conditions, la société SDER, qui ne saurait faire grief à l'OPH Actis, qui est soumis aux règles de passation des marchés publics prévues par l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, de ne pas l'avoir laissée faire les travaux de réservation en lieu et place de la société défaillante, n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'OPH Actis sur le fondement des principes énoncés au point 6.

9. Il résulte de ce qui précède que la société SDER n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais du litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'OPH Actis, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SDER une somme de 2 000 euros à verser à l'OPH Actis au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société SDER est rejetée.

Article 2 : La société SDER versera à l'OPH Actis une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SDER et à l'office public d'habitation de la région grenobloise Actis.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente,

Mme E..., première conseillère,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2021.

2

N° 19LY02623


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02623
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SENEGAS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-24;19ly02623 ?
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