Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La communauté d'agglomération Loire Forez (CALF) a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les titres exécutoires n° 269 et n° 270 émis le 17 octobre 2016 à son encontre par la commune de Bonson mettant à sa charge les sommes de 875 000 euros et de 79 120 euros.
Par un jugement n° 1700598 du 14 février 2019, le tribunal a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête sommaire et des mémoires enregistrés le 10 avril 2019, le 14 mai 2019 et le 18 octobre 2019, la commune de Bonson, représentée par Mes Mignard et Azouaou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par la CALF devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de la CALF la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a communiqué le 21 janvier 2019 un mémoire de la partie adverse enregistré le même jour, sans réouverture de l'instruction dans les formes prescrites par l'article R. 613-4 du code de justice administrative alors qu'elle était close depuis le 16 janvier 2019 ;
- il n'a pas communiqué son mémoire en réplique enregistré le 25 janvier 2019 qui répondait aux moyens nouveaux de la CALF et comprenait des pièces nouvelles ;
- contrairement à ce qu'il a jugé la CALF, qui était compétente depuis 2006 pour les " actions en faveur du haut débit et des TIC ", n'est devenue compétente en matière de très haut débit, qui recouvre une réalité technique et technologique différente du haut débit, qu'à compter de l'inscription en décembre 2015 de cette compétence dans ses statuts ;
- en application de l'article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales, les droits et obligations s'attachant aux dépenses qu'elle a engagées avant le transfert de la compétence en matière de très haut débit à la CALF, et notamment le montant des études et travaux de déploiement de la fibre optique sur son territoire, doivent être pris en charge par la communauté d'agglomération ;
- ces dépenses résultent du versement d'une contribution au SIEL et non d'un fonds de concours ;
- elle n'a pas transféré mais seulement délégué sa compétence au SIEL.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 septembre 2019 et le 26 février 2020, la CALF, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la commune de Bonson une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le jugement est régulier ;
- c'est à juste titre que le tribunal a jugé qu'elle disposait depuis 2006 de la compétence en matière de très haut débit, de sorte que la conclusion par la commune de Bonson de contrats dans le domaine de compétence transféré est illégale et elle ne saurait être tenue de prendre en charge les sommes illégalement engagées par la commune ;
- à supposer qu'elle n'ait pas disposé de cette compétence avant 2015, le transfert de la compétence en matière de très haut débit a entraîné, compte tenu du transfert par la commune de sa compétence au SIEL, l'application du mécanisme de " représentation substitution " prévu à l'article L. 5216-7 du code général des collectivités territoriales, et non la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 5211-17 du même code ;
- la prétendue créance de la commune résulte d'un versement de fonds de concours au SIEL pour la réalisation de travaux, soit une subvention d'équipement, qui n'entre pas dans le champ des dépenses visées par l'article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales.
Par une ordonnance du 2 mars 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mars 2020.
Un mémoire, présenté pour la commune de Bonson, a été enregistré le 28 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., pour la commune de Bonson, et de Me A..., pour la CALF.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Bonson a, le 15 mars 2013, adhéré à la compétence " Communications Electroniques (Très Haut Débit) " du syndicat intercommunal des énergies de la Loire (SIEL) afin d'équiper son territoire en fibre optique (FTTH). Elle a approuvé en mai 2013 le lancement d'études menées par ce syndicat, puis décidé en juillet 2013 d'engager les travaux de déploiement sur son territoire de la desserte en fibre optique. Elle a souscrit le 2 janvier 2015 auprès de la caisse des dépôts et consignation un emprunt pour financer les travaux. Estimant que la compétence relative au développement du très haut débit avait été transférée à la communauté d'agglomération Loire Forez (CALF), qui avait pour sa part adhéré au SIEL le 26 mars 2013, elle a demandé à cette dernière de lui rembourser l'ensemble des dépenses qu'elle avait engagées dans ce domaine en émettant à son encontre, les 17 octobre et 3 décembre 2016, trois titres exécutoires, correspondant respectivement au montant des travaux, à celui des études et enfin à celui des intérêts dus au titre de l'année 2016 ainsi que des intérêts non encore échus au titre du prêt contracté. Le tribunal administratif de Lyon a, à la demande de la CALF, annulé les titres exécutoires nos 269 et 270 émis le 17 octobre 2016, de montants respectifs de 875 000 euros et 79 120 euros, correspondant aux montants des travaux et des études. La commune de Bonson relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, l'article R. 613-3 du code de justice administrative prescrit que : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) ". L'article R. 613-4 du même code dispose que : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties ".
3. Lorsqu'il décide de verser au contradictoire des mémoires produits par les parties postérieurement à la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Par suite, la commune de Bonson n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier au motif que le tribunal a communiqué le 21 janvier 2019 un mémoire de la CALF, enregistré le même jour, sans réouverture de l'instruction dans les formes prescrites par l'article R. 613-4 du code de justice administrative, alors qu'elle était close depuis le 16 janvier 2019.
4. En second lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire ou une pièce contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.
5. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Bonson a produit le 25 janvier 2019 un nouveau mémoire en défense qui contenait des éléments nouveaux, en réponse aux moyens nouveaux soulevés par la communauté d'agglomération dans son mémoire enregistré le 21 janvier 2019. Le tribunal ne l'a pas communiqué. Toutefois, le tribunal a fait droit à un moyen soulevé par la communauté d'agglomération dans sa requête sur lequel ce dernier mémoire de la commune n'apportait aucun élément nouveau. L'absence de communication de ce mémoire n'a dans ces conditions pu préjudicier ni à la communauté d'agglomération qui a obtenu satisfaction, ni à la commune.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. Aux termes de l'article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales : " Les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale peuvent à tout moment transférer, en tout ou partie, à ce dernier, certaines de leurs compétences dont le transfert n'est pas prévu par la loi ou par la décision institutive ainsi que les biens, équipements ou services publics nécessaires à leur exercice (...). Le transfert de compétences est prononcé par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements intéressés. Il entraîne de plein droit l'application à l'ensemble des biens, équipements et services publics nécessaires à leur exercice, ainsi qu'à l'ensemble des droits et obligations qui leur sont attachés à la date du transfert, des dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 1321-1, des deux premiers alinéas de l'article L. 1321-2 et des articles L. 1321-3, L. 1321-4 et L. 1321-5. (...) ". Selon les deux derniers alinéas du même article : " L'établissement public de coopération intercommunale est substitué de plein droit, à la date du transfert de compétences, aux communes qui le composent dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes. / Les contrats sont exécutés dans les conditions antérieures jusqu'à leur échéance, sauf accord contraire des parties. La substitution de personne morale aux contrats conclus par les communes n'entraîne aucun droit à résiliation ou à indemnisation pour le cocontractant. La commune qui transfère la compétence informe les cocontractants de cette substitution. ".
7. Il résulte de ces dispositions que le transfert par une commune de compétences à un établissement public de coopération intercommunale implique le transfert des biens, équipements et services nécessaires à l'exercice de ces compétences ainsi que les droits et obligations qui leur sont attachés. Elles n'ont en revanche ni pour objet ni pour effet de faire supporter à l'établissement public de coopération intercommunale les dépenses que la commune a décidées et exposées postérieurement au transfert de compétences.
8. Devant le tribunal et devant la cour, la commune de Bonson justifie l'émission en 2016 des titres exécutoires litigieux par l'application de ces dispositions lors du transfert en 2015 de la compétence " très haut débit " à la CALF.
9. Toutefois, il ressort des statuts de la CALF que celle-ci était, dans le cadre de ses compétences complémentaires, compétente depuis 2006 en matière " d'actions en faveur du développement des nouvelles technologies ". Ses statuts précisaient alors que ces actions incluaient, outre " les actions en faveur de développement des réseaux hertziens locaux ", les " actions en faveur du haut débit et des TIC ". Si les statuts de la communauté d'agglomération ne visaient pas expressément le " très haut débit ", celui-ci, comme toutes les autres innovations en matière de technologies de l'information et de la communication (TIC), était inclus dans le périmètre des compétences transférées. Dans ces conditions, et alors qu'un transfert de compétence sur le fondement de l'article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales ne saurait se déduire, sans délibérations des conseils municipaux intéressés et sans arrêté préfectoral en ce sens, d'une simple reformulation des statuts de l'établissement public de coopération intercommunale, la modification des statuts de la communauté d'agglomération au cours de l'année 2015 pour préciser que la compétence en matière " d'actions en faveur du développement des nouvelles technologies " inclut le " très haut débit " ne constitue pas un nouveau transfert de compétence entrainant de plein droit l'application du régime prévu à l'article L. 5211-17 précité. Par suite, lorsqu'elle a adhéré au SIEL, a décidé le lancement des études pour desservir son territoire en fibre optique, a décidé d'engager les travaux de raccordement et enfin a contracté un prêt pour le financement de ces travaux, la commune de Bonson n'était déjà plus compétente en matière de développement du très haut débit sur son territoire. Elle ne saurait, par suite, et ainsi que l'a jugé le tribunal, justifier l'émission des titres exécutoires litigieux par l'application de ces dispositions.
10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bonson n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé les titres exécutoires n° 269 et n° 270 qu'elle a émis le 17 octobre 2016. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions. Il y a lieu en revanche, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à sa charge la somme de 1 000 euros à verser à la CALF.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Bonson est rejetée.
Article 2 : La commune de Bonson versera à la CALF une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bonson et à la communauté d'agglomération Loire Forez Agglomération.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente,
Mme D..., première conseillère,
M. Rivière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2021.
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N° 19LY01376