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21/06/2021 | FRANCE | N°20LY03475

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6eme chambre - formation a 3, 21 juin 2021, 20LY03475


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 343 707,52 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'aléa thérapeutique dont il a été victime ainsi qu'une somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1305586 du 7 avril 2016, le tribunal administratif a condamné l'O

NIAM à verser à M. B... la somme de 54 242,92 euros au titre des préjudices imputa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 343 707,52 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'aléa thérapeutique dont il a été victime ainsi qu'une somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1305586 du 7 avril 2016, le tribunal administratif a condamné l'ONIAM à verser à M. B... la somme de 54 242,92 euros au titre des préjudices imputables à l'aléa thérapeutique dont il a été victime et a rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n° 16LY01977 du 25 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de M. B..., porté à 71 917,41 euros la somme que l'ONIAM est condamné à lui verser et rejeté le surplus de sa requête.

Par une décision n° 426545 du 27 novembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour M. B..., a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 25 octobre 2018 en tant qu'il ne fixe qu'à 9 066 euros l'indemnité allouée à M. B... au titre des pertes de gains professionnels entre septembre 2009 et septembre 2011 et en tant qu'il statue sur l'indemnisation des frais d'aménagement du logement, et a renvoyé l'affaire devant la même cour, dans cette mesure.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :

Par des mémoires enregistrés le 24 décembre 2020 et le 18 février 2021, M. B..., représenté par la SELARL Chauplannaz et associés, demande à la cour :

1°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 34 880,64 euros, subsidiairement la somme de 26 160,48 euros, au titre de la perte de gains professionnels ainsi que la somme de 79 784 euros au titre des frais de logement adapté ;

2°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la période d'indemnisation au titre de la perte de gains professionnels actuels court du 4 mai 2009 au 31 décembre 2011, soit toute sa période d'inactivité en raison des conséquences dommageables de l'accident médical survenu le 5 mai 2009 ;

- la moyenne de ses revenus annuels au cours des trois années précédant son arrêt de travail est de 32 093 euros ; en tenant compte d'une actualisation de sa rémunération correspondant à une augmentation de 7,5 %, son revenu global sur la période indemnisable s'élève à la somme de 91 582,42 euros ; il a subi, compte tenu des revenus qu'il a perçus sur cette période, un manque à gagner s'élevant à la somme de 34 880,64 euros ; à titre subsidiaire, il a subi une perte de chance de 75 % de percevoir les sommes qui lui étaient dues au titre de primes et heures supplémentaires, de sorte que son préjudice doit être indemnisé à hauteur de la somme de 26 160,48 euros ;

- les aménagements strictement nécessaires qu'il a dû effectuer pour réaménager son habitation et disposer d'un logement de plain-pied, conformément aux recommandations de l'expert, s'élèvent à la somme de 79 784 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 février 2021, l'ONIAM, représenté par Me de la Grange, conclut à ce que l'indemnisation de M. B... au titre de la perte de gains professionnels pour la période de septembre 2009 à septembre 2011 soit fixée à la somme de 22 348,27 euros et au rejet du surplus des conclusions de M. B....

Il soutient que :

- les conclusions de M. B... tendant à l'indemnisation de la perte de gains professionnels sur la période allant du 4 mai 2009 au 31 décembre 2011 sont irrecevables dans la mesure où elles excèdent les limites de la cassation prononcée, concernant la seule période courant de septembre 2009 à septembre 2011 ;

- le revenu annuel de référence de M. B..., dont la question a été tranchée par la décision du Conseil d'Etat, s'élève à 31 234 euros ; le revenu réellement perçu par le requérant sur la période en cause s'élève à 40 299,73 euros ; ainsi, la perte de gains entre septembre 2009 et septembre 2011 s'élève à la somme de 22 348,27 euros ;

- les justificatifs produits au titre de l'aménagement du logement ne permettent pas d'identifier les travaux rendus nécessaires parmi l'ensemble des travaux réalisés ; il existe une disproportion manifeste entre la nature du handicap et la réalité des travaux réalisés ; le total de l'ensemble des pièces justificatives est inférieur de 3 000 euros au montant sollicité ; il n'est pas justifié des frais de main d'oeuvre allégués à hauteur de 16 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a subi aux hospices civils de Lyon une opération de chirurgie du genou à la suite de laquelle il a développé une algodystrophie occasionnant des douleurs importantes. A défaut d'accord avec l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) sur l'indemnisation de plusieurs chefs de préjudices, il a saisi le tribunal administratif de Lyon qui, par un jugement du 7 avril 2016, a condamné l'ONIAM à lui verser la somme de 54 242,92 euros. Sur appel de M. B..., la cour administrative d'appel de Lyon a porté la condamnation de l'ONIAM à la somme de 71 917,40 euros. M. B... s'est pourvu en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions. Par une décision du 10 février 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a admis les conclusions de son pourvoi dirigées contre cet arrêt en tant seulement qu'il se prononce sur l'indemnisation des gains professionnels entre septembre 2009 et septembre 2011 ainsi que sur l'indemnisation du préjudice d'aménagement du logement. Par une décision du 27 novembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 25 octobre 2018 en tant qu'il ne fixe qu'à 9 066 euros l'indemnité allouée à M. B... au titre des pertes de gains professionnels entre septembre 2009 et septembre 2011 et en tant qu'il statue sur l'indemnisation des frais d'aménagement du logement. Il a renvoyé l'affaire à la cour dans la limite de la cassation prononcée.

Sur l'étendue du litige :

2. Après cassation partielle par le Conseil d'Etat statuant au contentieux, il appartient à la cour à laquelle le jugement d'une affaire est renvoyé de se prononcer de nouveau sur le litige dans les limites résultant de la décision du juge de cassation. Par suite, ne peuvent qu'être rejetées devant la cour les conclusions des parties qui tendent à faire trancher des questions étrangères aux seuls points restant à juger en vertu de la décision du Conseil d'Etat, soit parce qu'elles relèvent de litiges distincts, soit parce qu'elles tendent à remettre en cause l'autorité de la chose jugée par la cour telle qu'elle a été confirmée par le juge de cassation.

3. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour du 25 octobre 2018, s'agissant de la perte de gains professionnels, en tant seulement qu'il n'a fixé qu'à la somme de 9 066 euros l'indemnité allouée à M. B... au titre de ce préjudice pour la période comprise entre septembre 2009 et septembre 2011. Il s'ensuit que cet arrêt ne peut plus être remis en cause, contrairement à ce que soutient M. B..., pour la période antérieure au mois de septembre 2009 et pour celle postérieure au mois de septembre 2011. Par suite, ainsi que le relève l'ONIAM, les conclusions présentées par M. B... tendant à être indemnisé d'une perte de gains professionnels entre le 4 mai 2009 et le 31 août 2009, d'une part, et entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2011, d'autre part, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'indemnisation des gains professionnels entre septembre 2009 et septembre 2011 :

4. Il résulte de l'instruction que M. B... a tiré de son activité professionnelle, en qualité de machiniste au théâtre de la Croix-Rousse, un revenu annuel net, incluant les primes exceptionnelles et indemnités pour heures supplémentaires perçues de manière pérenne, de 28 695 euros en 2006, 32 542 euros en 2007 et 32 465 euros en 2008, soit un revenu annuel moyen de 31 324 euros au titre des années 2006 à 2008. Compte tenu de la stabilité des revenus de M. B... entre 2006 et 2008 et dès lors qu'il n'est pas démontré que sa situation financière aurait sensiblement dû évoluer au cours des années suivantes, il y a lieu de retenir les années 2006 à 2008 comme années de référence pour le calcul des ressources de l'intéressé. En outre, s'il appartient au juge administratif d'assurer une entière réparation du préjudice subi en compensant la perte effective des revenus de la victime et en tenant compte, pour ce faire, des modifications survenues dans le taux des revenus qui servent de base au calcul de l'indemnité, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas des éléments fournis par M. B..., que sa rémunération nette aurait dû augmenter de 7,5 %, comme il l'indique, entre cette période de référence et la période indemnisable. Dans ces conditions, le salaire théorique de M. B... doit être regardé comme s'élevant à 65 070 euros pour la période de vingt-cinq mois courant de septembre 2009 à septembre 2011. Il résulte de l'instruction, en particulier des montants mentionnés sur les bulletins de paie produits par M. B..., que celui-ci a perçu, sur cette même période, des revenus nets s'établissant à la somme totale de 48 742 euros. Il suit de là que M. B... a subi une perte de gains professionnels de 16 328 euros au titre de la période allant du mois de septembre 2009 au mois de septembre 2011 inclus. Il y a lieu, dès lors, de mettre cette somme à la charge de l'ONIAM.

Sur le préjudice d'aménagement du logement :

5. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'expertise médicale ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de Rhône-Alpes, que l'infirmité ayant résulté, pour M. B..., de l'intervention subie aux hospices civils de Lyon, et qui l'empêche d'emprunter les escaliers permettant d'accéder aux pièces de vie situées à l'étage de sa maison, a imposé des travaux d'aménagement de son logement afin de le rendre de plain-pied. Les conclusions du rapport d'expertise sont corroborées par celles d'un ergothérapeute qui a estimé, dans un rapport détaillé du 2 juin 2016 et non sérieusement contredit par l'ONIAM, que, compte tenu de la configuration des lieux, il n'était pas envisageable d'installer un monte-escalier ni un ascenseur extérieur et que l'aménagement nécessité par l'infirmité de M. B... devait prendre la forme d'un logement de plain-pied. Dès lors, M. B... a droit, en lien direct avec son infirmité, à être indemnisé du coût correspondant aux frais d'aménagement d'un logement de plain-pied équivalent à la superficie des pièces de vie se trouvant à l'étage de son habitation.

6. Il résulte des plans produits que la maison d'habitation du requérant était initialement composée d'un rez-de-chaussée, non aménagé pour l'habitation, comportant des pièces à usage de garage, remise et chaufferie, et d'un étage, comprenant, sur un espace habitable de 60 m², un séjour, une cuisine, deux chambres, une salle d'eau et des sanitaires. M. B... a procédé à des travaux visant, d'une part, à modifier la destination des pièces du rez-de-chaussée en les transformant en chambre, buanderie, salle d'eau et cave, et, d'autre part, à créer une extension de plain-pied, comprenant une cuisine et un séjour d'une superficie de 60 m², donnant sur une terrasse dallée. Il résulte des plans versés au débat qu'à la suite de ces travaux, la surface habitable au rez-de-chaussée s'établit, à elle seule, à 110 m², alors qu'auparavant la surface totale habitable du logement, située uniquement à l'étage, était limitée à 60 m². Ainsi, les travaux entrepris par M. B... de modification de la destination initiale des pièces du rez-de-chaussée et de création de l'extension attenante n'ont pas eu pour seul effet de transférer de plain-pied une surface habitable de 60 m², équivalente à celle préexistante, mais ont constitué une amélioration de l'habitation du fait d'une augmentation considérable de la surface habitable. M. B..., qui est seulement fondé à demander à être indemnisé du coût de l'aménagement d'une surface habitable de plain-pied de 60 m², n'a ainsi droit, compte tenu la surface habitable créée de 110 m², à être indemnisé qu'à hauteur de 54,54 % des travaux qu'il a entrepris.

7. M. B... justifie, par les seules factures lisibles et établies à son nom qu'il produit, avoir exposé des frais au titre de l'achat de matériaux et de la location d'engins en lien avec les travaux effectués à hauteur de la somme totale de 58 488,48 euros. En revanche, le requérant n'est pas fondé à demander à être indemnisé de factures qui n'ont pas été émises à son nom et dont il ne justifie pas que le paiement aurait été mis à sa charge, ni des factures correspondant à l'achat de bouteilles de gaz et de lampadaires extérieurs, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'ils soient en lien direct avec les travaux en cause. En outre, si M. B... demande à être indemnisé de frais de main d'oeuvre à hauteur de 16 000 euros, au titre de l'aide qui lui a été apportée par des proches pour la réalisation des travaux en cause, il ne justifie pas de l'existence de cette dépense. Dans ces conditions, au vu de ce qui a été dit aux points 5 et 6, M. B... a droit, au titre de l'aménagement de son logement, à une indemnité s'élevant à la somme de 31 900 euros.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande, en tant que celle-ci tendait à l'indemnisation des pertes de gains professionnels qu'il a subies entre septembre 2009 et septembre 2011 et des frais d'aménagement de son logement et à demander la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 48 228 euros en réparation de ces deux chefs de préjudices.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 7 avril 2016 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. B... tendant à l'indemnisation des pertes de gains professionnels qu'il a subis entre septembre 2009 et septembre 2011 et des frais d'aménagement de son logement.

Article 2 : L'ONIAM est condamné à verser la somme de 48 228 euros à M. B... en réparation de ces préjudices.

Article 3 : L'ONIAM versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2021.

2

N° 20LY03475


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20LY03475
Date de la décision : 21/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Francois-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CABINET CHAUPLANNAZ AVOCATS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-21;20ly03475 ?
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