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25/10/2018 | FRANCE | N°16LY01977

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 25 octobre 2018, 16LY01977


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 343 707,52 euros en réparation des préjudices subis imputables à l'aléa thérapeutique dont il a été victime au décours d'une méniscectomie interne, avec arthroscopie et ostéotomie tibiale de valgisation sur le genou droit réalisée le 5 mai 2009 et de le condamner à lui verser la somme d

e 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 343 707,52 euros en réparation des préjudices subis imputables à l'aléa thérapeutique dont il a été victime au décours d'une méniscectomie interne, avec arthroscopie et ostéotomie tibiale de valgisation sur le genou droit réalisée le 5 mai 2009 et de le condamner à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par un jugement n° 1305586 du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ONIAM à verser à M. B...la somme de 54 242, 92 euros au titre des préjudices imputables à l'aléa thérapeutique dont il a été victime, soit une algodystrophie au genou droit secondaire à une intervention subie le 5 mai 2009.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 juin 2016, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 1er août 2017 et le 17 janvier 2018, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 avril 2016 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 365 875,98 euros à raison des préjudices subis lors de sa prise en charge et la somme de 10 000 euros au titre des dommages et intérêts pour résistance abusive ;

3°) de déclarer l'arrêt à intervenir commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a été victime d'une complication faisant suite à l'intervention chirurgicale du 5 mai 2009, et il ne présentait aucun facteur de risque lié à un quelconque état antérieur ; il s'agit d'un accident médical non fautif dont les préjudices doivent être pris en charge par l'ONIAM ;

- sur les frais divers : le tribunal a considéré que l'indemnisation forfaitaire de 700 euros sur laquelle l'ONIAM était d'accord n'était pas dû faute de justification ; le tribunal ne peut revenir sur l'accord des parties ; il produit les justificatifs de ses frais liés à l'assistance pendant la phase d'expertise médicale et au cours de la procédure devant la CRCI ;

- sur les dépenses de santé actuelles et futures : le tribunal ne pouvait revenir sur l'accord entre les parties ; il produit les justificatifs de ces dépenses consistant en des séances d'osthéopathie ;

- sur les pertes de gains professionnels actuels : les heures supplémentaires et les primes revêtent un caractère permanent et récurrent ; à tout le moins, le tribunal aurait dû retenir une perte de chance de 75 % de percevoir une rémunération pour heures supplémentaires et des primes évaluées du 4 mai 2009, date de son hospitalisation, jusqu'au 29 juin 2011 ; il conviendra de prendre en compte l'évolution de carrière et l'augmentation annuelle prévisible des salaires ; ses avis d'imposition n'incluent pas les heures supplémentaires dès lors qu'il bénéficiait de l'exonération fiscale des heures supplémentaires ;

- sur l'assistance tierce personne : le coût horaire retenu par le tribunal de 9,71 euros est erroné ; il produit des factures avec un taux horaire de 19,90 euros à 26 euros ; le coût théorique d'aide à domicile est de 20 euros ; le tribunal a retenu, à tort, une base de 390 jours ; les calculs devront être effectués sur une base de 410 jours ; le coût de cette assistance sera capitalisé sur la durée de sa vie ;

- sur les frais de logement adapté : son état de santé nécessite un aménagement de plein pied ; il n'utilise plus le premier étage ; le montant de la main d'oeuvre correspondant aux heures de travaux effectuées par ses soins et ses amis devra être pris en compte ;

- sur les pertes de gains professionnels futurs et sur la perte de retraite : l'expert mentionne que la perte de gains professionnels futurs est liée à l'algodystrophie, cet accident médical est responsable de sa mise à la retraite anticipée ; concernant la période comprise entre le 29 juin 2011 et le 20 août 2016, il a été contraint de prendre sa retraite au 1er janvier 2012, il aurait dû continuer à percevoir sa rémunération ; à compter du 20 août 2016, en prenant sa retraite forcée au 1er janvier 2012, il a été privé d'une valorisation de sa pension de retraite ; à titre subsidiaire, il aurait pu au moins travailler jusqu'au 1er octobre 2014 pour obtenir une retraite à taux plein ;

- sur l'incidence professionnelle : il sollicite la somme de 10 000 euros ;

- sur la résistance abusive de l'ONIAM : il sollicite la somme de 10 000 euros compte tenu de ce que les délais de gestion par l'ONIAM ont été anormalement longs ;

- l'ONIAM a réglé les sommes mises à sa charge par le tribunal ;

- il n'a fait aucune demande de prise en charge au titre de son handicap ne remplissant pas les conditions pour percevoir la prestation de compensation du handicap ou l'allocation personnalisée autonomie ;

- il donne acte de l'existence supposée de l'aide de la mutuelle nationale territoriale de 245 euros ;

- avant son opération, il exerçait normalement ses fonctions ; il n'a jamais été déclaré apte avec réserves par la médecine du travail ;

Par des mémoires enregistrés le 28 septembre 2016, le 19 décembre 2017 et le 12 février 2018, l'ONIAM, représenté par la SELARL GF avocats, conclut à ce que les sommes demandées par M. B...soient ramenées à de plus justes proportions et au rejet de la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Il soutient que :

- sur les frais divers : à titre principal, la représentation par avocat n'étant pas obligatoire devant la CRCI, l'assistance par un conseil ne saurait relever de la solidarité nationale ; l'indemnisation de ce poste de préjudice ne saurait se cumuler avec une quelconque somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; à titre subsidiaire, il n'y a lieu d'indemniser que le montant justifié de 700 euros ;

- sur les dépenses de santé actuelles et futures : seul un montant de 135 euros est justifié ;

- sur la perte de gains professionnels actuels : si la cour devait condamner l'ONIAM, ce chef de préjudice devra être évalué du jour de l'intervention à la date de consolidation fixée au 29 juin 2011 ; M. B...fait état d'un salaire annuel de référence de 34 500 euros ; il n'établit pas qu'il aurait été en mesure d'effectuer des heures supplémentaires ; le revenu fiscal de référence prend en compte les primes et les heures supplémentaires ; il a perçu des revenus ; la perte de gains professionnels s'élève uniquement au montant de 8 958,89 euros ;

- sur les frais d'assistance par tierce personne : le montant arrêté par le tribunal sera confirmé ; les aides financières que l'intéressé pourrait percevoir au titre de cette assistance devront être déduites ; il lui appartient de justifier de l'absence de versement de prestation ayant pour objet l'assistance par tierce personne ; la cour prononcera le sursis à statuer sur ce poste de préjudice dans l'attente de la production de tout document utile ; le taux horaire sollicité de 20 euros est excessif ; le calcul de l'assistance devra être réalisé de la date de fin du déficit fonctionnel temporaire total jusqu'au 20 août 2009, puis capitaliser à compter de cette date ; il conviendra de déduire la somme de 245 euros versée par la mutuelle nationale territoriale ;

- sur les frais de logement adapté : M. B...ne produit aucune justification supplémentaire quant à l'imputabilité de ces frais à l'aléa thérapeutique ; les aménagements réalisés ne correspondent pas à l'aménagement retenu par l'expert ; le rapport d'un ergothérapeute n'a pas été réalisé de façon contradictoire ; les aménagements sollicités apparaissent excessifs au regard du taux du handicap présenté, à savoir une raideur du genou à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent de 15% ;

- sur la perte de gains professionnels futurs : à titre principal, le jugement du tribunal administratif sera confirmé et, à titre subsidiaire, M. B...n'établit pas qu'il a été contraint de prendre sa retraite de façon anticipée ; rien ne permet de justifier que l'accident médical contre-indiquait tout poste ; il ne produit pas la décision d'inaptitude à tout poste ; la perte de gains professionnels futurs sera nécessairement calculée du 29 juin 2011 au 1er janvier 2012 ; il résulte de la décision d'inaptitude que le placement en retraite pour invalidité a été accordé en raison de cinq pathologies dont une seule en lien avec le genou ; à titre infiniment subsidiaire, si la cour estime qu'elle est dans la capacité d'apprécier la réalité des pertes de revenus, elle devra déduire le montant de la pension de retraite perçue entre le 1er janvier 2012 et le 20 août 2016 ; M. B...ne justifie pas de ses revenus à compter de 2012 ; M. B...n'établit pas l'imputabilité de son départ anticipé à la retraite à l'accident médical ; à titre subsidiaire, M. B... pouvait prétendre à une retraite à taux plein à l'âge de 63 ans ; M. B...n'a pas perdu de retraite ;

- sur l'incidence professionnelle : la cour confirmera le jugement ;

- sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive : la cour confirmera le jugement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Dorimini, représentant M.B....

1. Considérant que M.B..., né le 20 août 1951, a été admis, le 5 mai 2009, aux Hospices civils de Lyon pour y subir une méniscectomie interne avec arthroscopie et une ostéotomie tibiale de valgisation en raison d'une arthrose fémorotibiale et d'une lésion méniscale interne du genou droit ; que, dans les suites de cette intervention, l'intéressé a présenté une algodystrophie ; qu'estimant avoir été victime d'un accident médical, il a saisi, le 24 avril 2010, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) Rhône-Alpes, laquelle a ordonné une expertise médicale confiée au docteur Leclerc ; que le rapport d'expertise a été remis à la commission le 20 septembre 2010 ; que, dans son avis du 16 novembre 2010, la CRCI a estimé que " le préjudice soumis satisfait aux conditions imposées par l'article L. 1142-1-II du code pour une indemnisation par la solidarité nationale, et, en particulier, celles d'être directement imputable à un acte de prévention, de diagnostic et de soins, et d'avoir eu des conséquences anormales par rapport à l'état de santé du patient ou l'évolution prévisible de cet état tout en présentant un caractère de gravité suffisant " ; qu'à la suite de la nouvelle expertise post-consolidation confiée au docteur Leclerc, qui a déposé son rapport le 5 octobre 2011, la CRCI a, par un avis du 9 novembre 2011, confirmé que les préjudices de M. B...résultaient d'un accident médical non fautif dont l'indemnisation relevait de la solidarité nationale ; que l'ONIAM a adressé à M. B...trois offres d'indemnisation, la première d'un montant de 5 047,50 euros pour l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, des préjudices esthétique et d'agrément qu'il a acceptée le 11 février 2012, la deuxième d'un montant de 15 671 euros pour l'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent qu'il a également acceptée, et la troisième d'un montant de 69 387,66 euros pour les préjudices patrimoniaux qu'il a refusée ; que M. B...relève appel du jugement du 7 avril 2016 en tant que le tribunal administratif de Lyon a limité la condamnation de l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, au versement de la somme de 54 242,92 euros ;

Sur les conclusions à fin d'appel en déclaration de jugement commun :

2. Considérant que seuls peuvent se voir déclarer commun un jugement rendu par une juridiction administrative les tiers dont les droits et obligations à l'égard des parties en cause pourraient donner lieu à un litige dont la juridiction saisie eût été compétente pour connaître et auxquels, d'autre part, ledit jugement pourrait préjudicier dans des conditions leur ouvrant droit de former tierce opposition à ce jugement ;

3. Considérant que si la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône à laquelle est affilié M. B...est susceptible d'agir, en qualité de subrogée dans les droits de ce dernier, contre les auteurs d'un dommage, elle ne tient du code de la sécurité sociale aucun droit pour agir contre l'ONIAM, seulement chargé par la loi d'indemniser les préjudices résultant d'un accident non fautif au titre de la solidarité nationale ; que la caisse n'aurait donc pas qualité pour former tierce opposition au présent arrêt ; que, par suite, les conclusions tendant à ce que l'arrêt soit déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône doivent être rejetées ;

Sur la mise en oeuvre de la solidarité nationale :

4. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire " ; qu'aux termes de l'article D. 1142-1 du même code, qui définit le seuil de gravité prévu par ces dispositions législatives, " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. /. Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %./. A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique ;

6. Considérant que la condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que M. B...ne présentait pas de facteur de risques quant à la survenue d'une algodystrophie dans les suites opératoires de son arthrose fémoro-tibiale interne avec lésion méniscale interne et alors qu'il n'en avait pas présenté dans les suites d'une intervention réalisée en 1988 sur son genou ; que l'expert relève que " l'algodystrophie est une complication toujours possible en chirurgie orthopédique et s'il s'agit d'un risque inhérent à ce type d'intervention survenant avec une fréquence de 2 à 3%, en ce qui concernent les ostéotomies tibiales de vulgisation ", et note " qu'une publication fait état d'une algodystrophie pour 58 cas ", soit 1,7% ; que, par suite, si les conséquences de la méniscectomie interne sous arthroscopie avec ostéotomie tibiale de valgisation n'ont pas été notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé en l'absence de traitement, la survenance d'une algodystrophie présentait une probabilité faible ;

8. Considérant qu'il résulte également de l'instruction que si M. B...est atteint d'un déficit fonctionnel permanent imputable à l'algodystrophie de 15%, la durée du déficit temporaire ayant entraîné une incapacité de travail a été fixée du 5 mai 2009 jusqu'au 30 septembre 2011 ; qu'il convient de déduire la durée correspondant aux suites habituelles sans complication de ce type d'intervention chirurgicale fixée à 120 jours ; que, du 5 mai au 27 juillet 2009, son déficit fonctionnel temporaire a été évalué par l'expert à 100%, du 28 juillet 2009 au 15 janvier 2010 à 75 % et du 16 janvier 2010 au 15 juin 2010 à 50% avant d'être ramené à 25% à compter du 16 juin 2010 ; qu'ainsi M. B...a subi un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 % pendant une durée au moins égale à six mois ; que, par suite, les dommages que conserve M. B...de l'intervention chirurgicale remplissent les conditions de gravité définies à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que les préjudices qu'il a subis doivent être indemnisés au titre de la solidarité nationale, ce qui n'est au demeurant pas contesté par l'ONIAM ;

Sur l'évaluation des préjudices :

S'agissant des dépenses de santé :

10. Considérant que peuvent être prises en compte, au titre des dépenses de santé restées à la charge de M.B..., les dépenses justifiées en appel d'un montant de 135 euros correspondant à trois séances d'ostéopathie ;

S'agissant des frais divers :

11. Considérant que M. B...justifie avoir exposé des frais d'assistance par un avocat devant la CRCI pour un montant de 2 318,69 euros qu'il y a lieu d'admettre ;

S'agissant des frais d'aménagement de son logement :

12. Considérant que si les frais d'aménagement du logement sont indemnisables, il incombe à la victime de fournir au juge des éléments d'appréciation de la réalité et de l'étendue de ces charges ; que l'expert a indiqué que l'état de santé de M. B...nécessitait un logement de plain pied alors que celui-ci occupait une maison dont les pièces de vie, d'une superficie de 60 m2, se situaient au premier étage ; que M. B...a entrepris des travaux de transformation de son sous-sol et d'extension de son habitation qui lui ont permis de créer une surface habitable de plain-pied d'environ 110 m2 avec une terrasse dallée en extérieur ; qu'il demande l'indemnisation du coût des travaux entrepris, y compris le coût de la main d'oeuvre, pour un montant de 79 784 euros en produisant des factures établies à son nom ou des tickets de caisse concernant l'achat de matériaux dont il n'est pas possible de déterminer s'ils ont été nécessaires à la réalisation des travaux en cause ni s'ils sont effectivement en lien avec les contraintes liées à son état de santé ; que, par ailleurs, si une ergothérapeute a exclu la solution d'un monte-escalier intérieur en raison notamment du poids de M.B..., il n'est pas pour autant établi qu'une solution alternative n'aurait pas permis de rendre plus accessible son logement ; que, dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal administratif de Lyon a rejeté l'indemnisation de ce poste de préjudice ;

S'agissant des pertes de gains professionnels :

Quant aux pertes de gains professionnels actuels :

13. Considérant que M.B..., machiniste au théâtre de la Croix Rousse géré en régie par la ville de Lyon, expose qu'il a subi des pertes de revenus compte tenu de ce qu'il n'a pas pu percevoir les indemnités pour heures supplémentaires, qui font l'objet d'une exonération fiscale depuis octobre 2007, et des indemnités exceptionnelles dès lors qu'il a été placé en arrêt de travail à compter du 4 mai 2009 jusqu'au 30 septembre 2011 et que ces heures supplémentaires et primes doivent être retenues dans le calcul de référence de son revenu annuel ; que si l'intéressé est en droit de prétendre à la perte des primes, indemnités et bonifications indiciaires dont il avait une chance sérieuse de bénéficier, dans la mesure où il établirait que cette perte est en lien avec l'accident médical non fautif qu'il a subi, il lui appartient toutefois de justifier de la réalité même de cette perte ; que, s'agissant des heures supplémentaires, M. B...produit l'attestation de la responsable des ressources humaines de la ville de Lyon indiquant que " l'emploi de machiniste nécessite le recours fréquent pour les techniciens à des heures supplémentaires " et qu'un second machiniste a été recruté à compter de l'année 2012 ; que, s'agissant de la prime exceptionnelle, celle-ci est destinée à compenser la perte de rémunération qui pourrait découler du transfert de la cotisation d'assurance maladie vers la contribution sociale généralisée et revêt un caractère indemnitaire, automatique et pérenne ; que M. B...doit être regardé comme apportant des éléments suffisamment probants de ce qu'il avait vocation à percevoir ces primes et heures supplémentaires et qu'il les auraient normalement perçues s'il n'avait pas été placé en arrêt de travail ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des avis d'impôt sur les revenus versés au dossier, que le montant annuel moyen du salaire perçu par M. B..., comprenant les heures supplémentaires et la prime exceptionnelle, au titre des années 2006, 2007 et 2008 est de 31 234 euros ; que M. B...a perçu entre septembre 2009, point de départ de la période indemnisable compte tenu de la durée correspondant aux suites habituelles sans complication de l'intervention chirurgicale fixée à 120 jours par l'expert, et l'année 2011, la somme de 40 299,73 euros ; que, par suite, les pertes de revenus effectivement subies par M. B...s'élèvent à la somme de 9 066 euros ; qu'il y a donc lieu de condamner l'ONIAM à verser à M. B...cette somme au titre des pertes de revenus actuels ;

Quant aux pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle :

14. Considérant que M. B...sollicite l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs qu'il estime avoir subi du fait de sa mise à la retraite anticipée par la ville de Lyon au mois de janvier 2012 en lien avec l'algodystrophie ainsi que l'incidence professionnelle ; qu'il fait valoir qu'il aurait souhaité poursuivre son activité professionnelle jusqu'à l'âge de 65 ans ;

15. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que, par un avis du 13 septembre 2011, la commission départementale de réforme a émis l'avis suivant : " mise à la retraite pour invalidité imputable au service en raison de l'inaptitude permanente, absolue à ses fonctions et à toutes fonctions ", a désigné les infirmités dont souffre M. B...par leur ordre d'apparition en indiquant " 1 - lombalgies 2 - raideur et invalidité genou droit 3 - MP 57 C bilatéral 4 -MP 57 A bilatéral limitation modérée des amplitudes droit 5 - MP 57 A bilatéral limitation modérée des amplitudes gauche " et a fixé à 25% le taux de radiation imputable à la raideur et à l'invalidité du genou droit ; que, par une décision du 15 décembre 2011, la ville de Lyon a mis d'office à la retraite M.B... ; qu'il n'est nullement établi que M. B...aurait travaillé jusqu'à l'âge de 65 ans compte tenu des diverses pathologies dont il était atteint et ce alors qu'il a pu bénéficier d'un retraite à taux plein dès le 20 décembre 2011 ; qu'en se prévalant uniquement des plancher et plafond légaux prévus par la réglementation applicable aux adjoints techniques principaux de première classe, M. B...n'établit pas davantage qu'il aurait pu bénéficier d'un avancement d'échelon avant son départ à la retraite ; que, par suite, il y a lieu d'écarter les chefs de préjudice allégués au titre des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle ;

S'agissant des frais d'assistance par une tierce personne :

16. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'assistance d'une tierce personne est nécessaire ; que la CRCI a estimé, dans son avis du 9 novembre 2011, qui n'est pas contesté, que la nécessité d'une assistance par une tierce personne doit être fixée à trois heures par semaine ; que le besoin en assistance par une tierce personne doit s'apprécier à partir du 2 septembre 2009, compte tenu de la déduction des 120 jours fixés par l'expert correspondant aux suites habituelles sans complication de l'intervention chirurgicale ; qu'au titre des frais échus, il y a lieu de retenir comme terme le 31 octobre 2018, eu égard à la date de lecture du présent arrêt ; que le coût de l'assistance par une tierce personne à hauteur de 3 heures par semaine pour cette période de 9 ans et 60 jours, calculé sur la base du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales applicables, d'un montant horaire moyen de 13 euros, et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, s'élève à la somme de 21 000 euros ;

17. Considérant que pour la période courant à compter du 1er novembre 2018, les frais afférents aux besoins d'une tierce personne doivent être réparés par une rente annuelle convertie en capital ; que cette rente annuelle, à la charge de l'ONIAM, doit être, compte tenu du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales et eu égard au congés payés, calculée sur la base d'une durée de 3 heures par semaine au taux horaire actuel de 14 euros et d'une année de 412 jours ; que cette rente ainsi calculée de 2 478 euros par an à partir du 1er novembre 2018 sera capitalisée par application du prix de l'euro de rente viagère fixé à 15,899 euros pour un homme âgé de 67 ans par le barème de capitalisation de la Gazette du Palais publié en 2017, soit la somme de 39 397,72 euros ;

18. Considérant que le montant total du préjudice lié à la nécessité de l'assistance par une tierce personne s'élève dès lors à 60 397,72 euros ;

S'agissant de la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :

19. Considérant que, conformément aux motifs retenus à bon droit par les premiers juges et qu'il y a lieu d'adopter, M. B...n'est pas fondé à reprocher à l'ONIAM une résistance abusive dans l'instruction de son dossier ; qu'ainsi, la demande de dommages et intérêts à ce titre ne peut qu'être rejetée ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...est seulement fondé à demander que l'indemnité de 54 242,92 euros que le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ONIAM à lui verser soit portée à la somme de 71 917,41 euros ;

Sur les frais liés au litige :

21. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM, partie principalement perdante, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par M. B...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 54 242,92 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à M. B...par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 avril 2016 est portée à 71 917,41 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 avril 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'ONIAM versera à M. B...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des maladies nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 octobre 2018.

2

N° 16LY01977


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01977
Date de la décision : 25/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CABINET CHAUPLANNAZ AVOCATS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-25;16ly01977 ?
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