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03/06/2021 | FRANCE | N°20LY01299

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 03 juin 2021, 20LY01299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2017 et la décision du 22 janvier 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a rejeté la demande de regroupement familial présentée en faveur de son époux ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie d'admettre son époux au bénéfice du regroupement familial.

Par un jugement n° 1800462 du 16 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisi

ons du 29 novembre 2017 et du 22 janvier 2018.

Procédure devant la cour

Par une requête enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2017 et la décision du 22 janvier 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a rejeté la demande de regroupement familial présentée en faveur de son époux ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie d'admettre son époux au bénéfice du regroupement familial.

Par un jugement n° 1800462 du 16 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du 29 novembre 2017 et du 22 janvier 2018.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 avril 2020, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 mars 2020 ;

2°) de rejeter les conclusions de Mme C... épouse D... ;

Il soutient que :

- En retenant des éléments concernant les revenus de Mme C... épouse D... postérieurs à sa décision pour considérer qu'elles présentent un caractère suffisant, et donc sans influence sur la décision litigieuse, le tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de droit ;

- Il a fait une exacte application des dispositions des article L. 411-1 et R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des critères du regroupement familial.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 août 2020 et 16 avril 2021, Mme C... épouse D..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- le montant de ses revenus mensuels moyens sur les douze derniers mois atteint le seuil fixé par les dispositions de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de la Haute-Savoie ne pouvait se fonder sur le caractère instable de ses ressources du fait de sa perte d'emploi à compter du 10 août 2017, car elle n'a pas de responsabilité dans sa perte d'emploi ; elle lui a ouvert droit à des revenus de substitution ;

- elle a présenté un état de grossesse à compter du 17 août 2017 ce qui faisait obstacle à ce qu'elle retrouve immédiatement un emploi ; elle a retrouvé un emploi au sein de La Poste ;

- le préfet de la Haute-Savoie ne pouvait se fonder sur le caractère précaire des contrats pour contester la stabilité des ressources ;

- en tout état de cause la décision du préfet de la Haute-Savoie méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme C... ,épouse D..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse D..., ressortissante tunisienne née en 1987, titulaire depuis 2013 d'une carte de résident de dix ans valable jusqu'au 1er septembre 2023, s'est mariée le 30 décembre 2016 avec M. D..., son compatriote, et a sollicité, le 2 février 2017, le bénéfice du regroupement familial en sa faveur. Par une décision du 29 novembre 2017, le préfet de la Haute-Savoie a rejeté sa demande, puis par courrier du 22 janvier 2018, le recours gracieux formé par Mme C..., épouse D..., contre cette décision. Le préfet de la Haute-Savoie relève appel du jugement rendu le 16 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision et lui a enjoint d'autoriser le regroupement familial.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose à son article L. 411-5 que " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. (...) ", à son article R. 411-4 que, pour l'application de ces dispositions : " les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes (...) " et à son article l'article R. 421-4 que : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces énumérées au 1° et joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : (...) 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens ; ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... épouse D..., qui a formé sa demande de regroupement familial le 2 février 2017, a bénéficié d'un contrat de travail à compter de février 2016, qui lui a permis, jusqu'au mois d'août 2017, de bénéficier de revenus dont la moyenne était supérieure au salaire minimum de croissance au cours de cette période et qui présentaient un caractère stable. Bien qu'elle remplît ainsi les conditions de revenus stables prévues par les dispositions précitées sur la période de référence, le préfet de la Haute-Savoie a considéré qu'en raison de son licenciement pour motif économique à compter de la mi-août 2017, elle ne remplissait pas la condition de stabilité des ressources. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme C... épouse D... a bénéficié, dès le mois de septembre 2017, soit avant la décision litigieuse, d'allocations de retour à l'emploi lui permettant de disposer de ressources stables. Son licenciement économique ne présageait par ailleurs pas de l'impossibilité d'un retour à l'emploi, lequel s'est d'ailleurs produit, certes postérieurement à la décision litigieuse. Par suite, Mme C... épouse D... est fondée à soutenir que la décision du préfet de la Haute-Savoie est entachée d'une erreur d'appréciation sur les conditions d'application de l'article L. 411-5 précité. Dans ces circonstances, le préfet de la Haute-Savoie n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par son jugement du 16 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision refusant d'accorder le regroupement familial à Mme C... épouse D... et lui a enjoint de faire droit à sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Mme C... épouse D... demande qu'il soit ordonné au préfet de la Haute-Savoie de lui accorder le bénéfice du regroupement familial. Le jugement du tribunal administratif de Grenoble, n'étant pas annulé, et ayant déjà enjoint au préfet d'exécuter une telle mesure, il n'est pas nécessaire de réitérer cette injonction, qui n'a pas disparu de l'ordre juridique et doit dès lors être exécutée.

Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :

5. Mme C... épouse D... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocate, Me B..., peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros qui seront versés à Me B..., avocate de Mme C... épouse D....

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Haute-Savoie est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à Me B..., avocate de Mme C... épouse D....

Article 3 : Les conclusions de Mme C... épouse D... relatives à la demande d'injonction sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme A... C... épouse D... et à Me B....

Copie en sera délivrée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2021 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.

No 20LY012992


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01299
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

35-03 Famille. Regroupement familial (voir : Etrangers).


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-03;20ly01299 ?
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