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03/06/2021 | FRANCE | N°20LY00200

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 03 juin 2021, 20LY00200


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté en date du 9 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a prononcé une interdiction de retour d'une durée de six mois et a fixé le pays de destination et d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2019 par lequel il l'a assigné à résidence dans le département pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1908071 du 16 décembre 2019, le

tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté en date du 9 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a prononcé une interdiction de retour d'une durée de six mois et a fixé le pays de destination et d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2019 par lequel il l'a assigné à résidence dans le département pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1908071 du 16 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2020, M. A... F... représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) de juger recevable et bien fondé l'appel formé à l'encontre du jugement du 16 décembre 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les décisions du 9 décembre 2019 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et l'assigné à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours renouvelable ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ est illégale dès lors qu'il a une résidence durable et stable et qu'il présente des garanties de représentation ;

- l'obligation de quitter le territoire français viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision l'assignant à résidence est insuffisamment motivée et n'est pas fondée ;

- l'interdiction de retour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Le préfet de Haute Savoie, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.

Par décision du 19 août 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A... F....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. B..., président-assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... F..., ressortissant tunisien né le 27 décembre 1989, relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 décembre 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une part, de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie qui l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a prononcé une interdiction de retour d'une durée de six mois et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'autre part, de l'arrêté du 9 décembre 2019 par lequel il l'a assigné à résidence dans le département pour une durée de quarante-cinq jours.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. M. A... F..., âgé de trente ans, fait valoir qu'il est né en France et y a vécu jusqu'à l'âge de quatre ans, son père ayant décidé à cette date de se séparer de sa mère et de retourner vivre en Tunisie, accompagné de ses quatre enfants. Il soutient qu'il est entré irrégulièrement sur le territoire français en septembre 2017 pour rejoindre sa mère, qu'il n'a pas vue pendant vingt-quatre ans, et souhaite rester auprès d'elle en raison notamment de ses problèmes de santé. Il se prévaut également de sa relation avec une ressortissante française qui serait enceinte de trois semaines à la date de la décision. Toutefois, M. A... F... ne fait valoir aucun motif sérieux l'ayant conduit à venir sans visa en France, alors qu'il était majeur depuis plus de dix ans. En outre, il n'a pas cherché à régulariser sa situation depuis qu'il est présent en France. Par ailleurs, l'appelant a reconnu le vol d'une pompe à insuline lors d'une hospitalisation à Marseille en octobre 2018, ainsi que sa mise en cause dans le cadre d'une affaire de stupéfiants. Enfin, la relation qu'il prétend entretenir avec une ressortissante française est récente et la grossesse de l'intéressée n'est pas établie. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de sa mère nécessite sa présence permanente auprès d'elle, alors qu'au demeurant l'intéressé ne vit pas au domicile de sa mère. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, M. A... F... n'est pas fondé à soutenir que la décision d'éloignement porterait atteinte à son droit à une vie privée et familiale normale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. _ L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".

4. Pour refuser d'accorder un délai de départ à M. A... F..., le préfet de la Haute-Savoie s'est fondé sur la circonstance que le comportement de l'intéressé, placé en garde à vue pour des faits de vol simple, constituait une menace pour l'ordre public, et qu'il existait un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement. Si l'appelant fait valoir qu'il est entré irrégulièrement en France pour rejoindre sa mère qu'il n'avait pas vue depuis 24 ans, il n'expose aucun motif sérieux ou légitime l'ayant conduit à entrer en France sans visa et ne soutient pas avoir tenté de déposer une demande de titre de séjour au cours de ces deux dernières années. M. A... F... ne conteste pas, non plus, qu'il ne dispose d'aucun document de voyage en cours de validité. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en refusant de lui accorder un délai de départ, alors même qu'il disposerait d'une résidence stable et qu'il présente des garanties de représentation.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour :

5. Le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

6. La seule circonstance que M. A... F... ait reconnu le vol d'une pompe à insuline lors d'une hospitalisation à Marseille en octobre 2018, ainsi que sa mise en cause dans le cadre d'une affaire de stupéfiants est de nature à justifier légalement l'interdiction litigieuse de retour d'une durée de six mois, alors même que le préfet avait la possibilité de porter cette interdiction à une durée maximale de trois ans. En outre, la circonstance d'une part, que M. A... F... ait souhaité rejoindre sa mère malade d'autre part, qu'il sera dans l'impossibilité d'assister à l'accouchement de sa compagne, alors même que l'administration conserve la faculté, pour des motifs humanitaires, de délivrer un visa à l'intéressé à l'issue de son interdiction de séjour de six mois, ne saurait être qualifiée de " circonstance humanitaire " au sens des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. A... F... n'est pas fondé à soutenir que la décision prononçant son interdiction de retour sur le territoire serait entachée d'une erreur d'appréciation.

Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :

7. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ".

8. La décision assignant M. A... F... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours comporte les considérations de droit et de fait en constituant le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée.

9. La circonstance que M. A... F... justifie d'une adresse stable et qu'il ait toujours répondu aux convocations de l'autorité administrative n'est pas de nature à démontrer que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même que l'appelant ne justifie d'aucune autre circonstance susceptible de faire obstacle à la mise en oeuvre de la mesure d'éloignement.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... F..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2021, à laquelle siégeaient :

M. Jean Yves Tallec, président de chambre,

M. E... B..., president-assesseur,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.

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N° 20LY00200


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00200
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-03;20ly00200 ?
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