Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon :
- d'annuler les arrêtés du 8 novembre 2018 par lesquels la ministre du travail ne l'a titularisé au troisième échelon du grade d'inspecteur du travail qu'avec une reprise d'ancienneté d'un an au 1er décembre 2018 ;
- de condamner l'État à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice financier subi ;
- d'enjoindre à la ministre du travail de le reclasser, au 1er décembre 2018, au quatrième échelon de son grade avec une ancienneté de trois mois et de reconstituer sa carrière en conséquence dans un délai d'un mois.
Par jugement n° 1900361 lu le 11 septembre 2019, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 novembre 2019 et le 14 décembre 2020, M. D... représenté par Me B... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions susmentionnées, en tant qu'il ne le reclasse qu'au troisième échelon du grade d'inspecteur du travail avec une ancienneté d'un an dans cet échelon au 1er décembre 2018, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux ;
2°) de condamner l'État à lui verser une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice subi ;
3°) d'enjoindre à la ministre du travail, d'une part, de le reclasser, au 1er décembre 2018, au quatrième échelon de son grade avec une ancienneté conservée de trois mois, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt, d'autre part, de reconstituer sa carrière en conséquence de son reclassement et de lui allouer les arriérés de rémunération assortis des intérêts de retard à compter du 15 novembre 2018, capitalisés, et du rachat des cotisations sociales y afférentes à la rémunération ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'omission de statuer sur un moyen et sur des conclusions à fin d'injonction ;
- les décisions méconnaissent l'article 12 bis du décret n° 2003-770 en refusant de prendre en compte pour l'avancement d'échelon la période de stage de quinze mois effectuée en qualité d'inspecteur élève du travail en plus de l'ancienneté reprise au titre de son expérience professionnelle ;
- elles méconnaissent le principe d'égalité de traitement ;
- les arrêtés attaqués méconnaissent les dispositions de l'article 9 du décret du 20 août 2003, dès lors que la période de scolarité effectuée à l'Institut national du travail de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) n'a pas été prise en compte et alors que ces dispositions sont applicables à tous les élèves inspecteurs quel que soit le concours dont ils sont issus.
Par mémoire enregistré le 13 novembre 2020, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 15 décembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 4 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2003-770 du 20 août 2003 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me B..., pour M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a été admis au troisième concours de recrutement d'inspecteur du travail organisé de la session 2017 ouvert aux candidats qui, n'ayant pas nécessairement d'expérience dans la fonction publique, ont exercé des responsabilités dans le domaine associatif ou syndical. Il a suivi la formation d'inspecteur-élève à l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle à compter du 1er septembre 2017. Par arrêtés du 8 novembre 2018, la ministre du travail l'a titularisé au 1er décembre 2018, l'a affecté à la direction régionale de La Réunion et l'a classé au troisième échelon du grade d'inspecteur du travail avec un reliquat d'ancienneté d'un an, ce qui, en vertu des dispositions du décret du 20 août 2003 susvisé portant statut particulier, représente un acquis de quatre années de service dans le corps depuis le premier échelon. M. D... demande l'annulation de ces arrêtés en tant qu'ils ne le reclassent pas en fonction d'une reprise intégrale de l'ancienneté de ses services antérieurs et ne le reclasseraient pas avec reprise de toute la durée de sa scolarité.
Sur la régularité du jugement :
2. Au point 6, le jugement attaqué écarte le moyen tiré de la différence de traitement entre lauréats du troisième concours et les autres élèves inspecteurs. Ainsi, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par M. D... dans son recours gracieux, n'a pas omis de statuer sur ce moyen invoqué.
3. En revanche, le tribunal a omis de statuer sur la demande d'injonction en reprise des services accomplis pendant la scolarité et en reconstitution de carrière. Il a ainsi entaché d'irrégularité son jugement qui doit, dès lors, être annulé dans cette mesure. Il y a lieu, par suite, pour la cour, de statuer par voie d'évocation sur lesdites conclusions et, pour le surplus, au titre de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur le fond du litige :
4. Aux termes de l'article 5 du décret du 20 août 2003: " Trois concours distincts sont ouverts simultanément par arrêté du ministre chargé du travail (...) 3° Le troisième concours est ouvert (...) aux candidats justifiant (...) de l'exercice de huit années au total d'un ou plusieurs des mandats ou d'une ou plusieurs des activités définis au 3° de l'article 19 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. Est prise en compte pour le calcul de la période d'expérience professionnelle, pour les activités salariées, toute activité exercée en qualité de salarié de droit privé ou en qualité de travailleur indépendant. La durée de ces activités ne peut être prise en compte que si le candidat n'avait pas, lorsqu'il les exerçait, la qualité (...) d'agent public ". Aux termes de l'article 8 du même décret : " I. - Les candidats reçus aux concours prévus à l'article 5 suivent à l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle une formation obligatoire d'une durée totale de dix-huit mois en deux parties. 1° La première partie de la formation, d'une durée de quinze mois, comporte une ou plusieurs périodes de stage pratique. Elle fait (...) conduit à la titularisation, dans les conditions prévues aux articles 9 (...) et 12 bis (...) 2° La seconde partie de la formation, d'une durée de trois mois, est personnalisée et intervient dans un délai maximum de trois ans après la titularisation (...) ". Aux termes de l'article 9 du même décret : " Les inspecteurs-élèves qui ont satisfait aux conditions de formation prévues à l'article 8 ci-dessus sont titularisés par arrêté du ministre chargé du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle au 1er échelon du grade d'inspecteur du travail, la durée effective de la scolarité (...) étant prise en compte pour l'avancement d'échelon ". Enfin, aux termes de l'article 12 bis du même décret : " Les inspecteurs-élèves issus du troisième concours sont classés, lors de leur titularisation dans le grade d'inspecteur du travail, au troisième échelon, avec une reprise d'ancienneté d'un an (...) ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, d'une part, que tous les élèves inspecteurs, de quelque concours qu'ils soient issus, ont droit à une reprise d'ancienneté correspondant à la durée effective de scolarité, soit quinze mois à l'échéance de la première partie de la formation, d'autre part, que les lauréats du troisième concours qui, comme M. D..., n'ont pas d'expérience antérieure d'agent public, bénéficient d'une attribution forfaitaire d'ancienneté de quatre ans dans le corps. En revanche, ces dispositions ne prévoient pas que cette attribution forfaitaire d'ancienneté se cumule avec la reprise d'ancienneté à laquelle ouvre droit la scolarité initiale. Il suit de là que le dispositif de l'article 12 bis a pour effet de rétribuer, à la fois, la période de scolarité de quinze mois et, pour le surplus soit trente-trois mois, les services rendus antérieurement au profit d'organismes autres que des collectivités publiques. En conséquence, les décisions en litige n'ont pas méconnu les dispositions précitées du statut particulier du corps des inspecteurs du travail en ce qu'elles ont reclassé M. D... au troisième échelon de son grade avec un reliquat d'ancienneté d'un an, sans prise en compte d'une ancienneté supplémentaire due à ses fonctions antérieures ou à quinze mois de scolarité.
6. Enfin les lauréats du troisième concours étant placés dans une situation différente de celle des lauréats du concours interne qui peuvent se prévaloir d'une ancienneté au service de l'État ou de collectivités publiques, comme de celle des lauréats du concours externe qui ne bénéficient que de la reprise d'ancienneté de quinze mois de scolarité quand bien même auraient-ils une expérience professionnelle antérieure, le moyen tiré de la rupture d'égalité doit être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 8 novembre 2018 prises pour son reclassement par la ministre du travail et du rejet implicite de son recours gracieux. Faute d'illégalités entachant les décisions dont il demande l'annulation, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses demandes indemnitaires et en injonction de reclassement. Les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins et à l'annulation du rejet implicite de son recours gracieux, de surcroît présentées pour la première fois en appel, doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction de reconstitution de carrière :
8. Les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la ministre du travail de prendre en compte la première partie de la scolarité de M. D... à l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et de reconstituer sa carrière dans le délai d'un mois doivent être rejetées dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que la durée de la scolarité a été intégrée à la reprise d'ancienneté acquise à la titularisation. Par les mêmes motifs les conclusions à fin d'injonction en reconstitution de carrière doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les conclusions présentées par M. D..., partie perdante, contre l'État doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900361 lu le 11 septembre 2019 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur la demande à fin d'injonction en reconstitution de carrière.
Article 2 : La demande à fin d'injonction de M. D... tendant à la reconstitution de sa carrière et le surplus des conclusions de sa requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.
N° 19LY04141 2