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27/05/2021 | FRANCE | N°20LY03219

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 27 mai 2021, 20LY03219


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2020 par lequel le préfet du Rhône a prononcé son transfert vers l'Espagne, État reconnu responsable de l'examen de sa demande d'asile.

Par jugement n° 2007013 lu le 13 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 novembre 2020 et un mémoire enregistré le 26 avril 2021 (non communiqué),

le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2007013 lu le 13 octobre 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2020 par lequel le préfet du Rhône a prononcé son transfert vers l'Espagne, État reconnu responsable de l'examen de sa demande d'asile.

Par jugement n° 2007013 lu le 13 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 novembre 2020 et un mémoire enregistré le 26 avril 2021 (non communiqué), le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2007013 lu le 13 octobre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que c'est à tort que le premier juge a considéré qu'en l'absence, à la date du 8 octobre 2019, d'une décision préalable de transfert, M. A... ne pouvait être considéré alors comme ayant pris la fuite au sens du 2. de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dont le champ d'application avait été méconnu, alors qu'une soustraction intentionnelle et systématique peut caractériser une fuite au cours de la procédure de détermination de l'État membre responsable et que la notification d'une décision de transfert ne constitue pas un prérequis avant toute déclaration de fuite, alors d'ailleurs que la loi prévoit la possibilité de placer en rétention ou d'assigner à résidence un demandeur d'asile préalablement à un arrêté de transfert. Le délai fixé par l'article 29, comme sa prolongation, doit être calculé à compter de l'acceptation par l'État membre responsable de la demande de prise ou de reprise en charge et la fuite du demandeur d'asile peut être constatée dès cette acceptation.

La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas produit d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 décembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 6 juillet 1988 à Oran (Algérie), est entré sur le territoire français, le 11 avril 2019, selon ses déclarations, afin de solliciter l'asile, ce qu'il a fait le 24 avril 2019. La consultation du fichier européen Visabio a fait alors apparaître que M. A... s'était vu délivrer, le 28 mars 2019, par les autorités espagnoles, un visa valable du 10 avril au 9 juillet 2019. Ces autorités, saisies le 19 juillet 2019, sur le fondement de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, d'une demande de prise en charge, ont donné leur accord explicite par une décision du 23 juillet 2019 avant d'être informées, le 8 octobre 2019, de ce que M. A..., en raison de son absence de pointage au guichet du pôle régional Dublin les 27 juin et 24 juillet 2019, avait été déclaré en fuite le même jour. Par un arrêté du 2 octobre 2020, le préfet du Rhône a ordonné la remise de M. A... aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile. Le préfet du Rhône relève appel du jugement du 13 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'État membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour transférer un demandeur d'asile vers l'État membre responsable de sa demande d'asile, les autorités de l'État saisi d'une telle demande disposent d'un délai d'une durée initiale de six mois, pouvant être portée à dix-huit mois si la personne prend la fuite, et que ce délai court à compter de l'acceptation par cet État de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge, non pas de la notification de la décision de transfert au demandeur d'asile, alors qu'aucune disposition du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne fixe de délai distinct pour prendre une décision de transfert à compter de cette acceptation ni le délai pour effectuer le transfert à compter de la date de cette décision ou de sa notification. Dès lors, les autorités de l'État saisi d'une demande d'asile dont le traitement incombe à un autre État membre, qui constatent que la personne concernée a pris la fuite à compter de l'acceptation de l'État membre, disposent d'un délai maximum de dix-huit mois pour effectuer le transfert, sans être tenues de prendre au préalable une décision de transfert et de la notifier - ou d'avoir tenté de la notifier - à cette personne.

4. Il résulte de l'instruction que l'arrêté du 2 octobre 2020 par lequel le préfet du Rhône a ordonné la remise de M. A... aux autorités espagnoles est intervenu moins de dix-huit mois après la décision par laquelle l'Espagne a donné son accord pour sa réadmission, dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, alors que les autorités espagnoles avaient été informées, le 8 octobre 2019, de ce que M. A..., en raison de son absence de pointage au guichet du pôle régional Dublin à deux reprises, avait été déclaré en fuite le même jour. Dès lors c'est à tort que, pour annuler la décision en litige, le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de ce que le préfet du Rhône ne pouvait légalement déclarer l'intéressé en fuite, au sens du 2 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le 2 octobre 2020, sans avoir préalablement adopté, et notifié à l'intéressé, une décision de transfert, et qu'il avait par suite méconnu le champ d'application de cet article.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A....

6. En premier lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".

7. En application des dispositions alors codifiées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

8. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

9. La décision de transfert en litige vise le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et notamment son article 12. Elle indique qu'après examen du passeport de M. A... et la consultation du fichier européen Visabio il est apparu que l'intéressé s'était vu délivrer, le 28 mars 2019, par les autorités espagnoles, un visa valable du 10 avril au 9 juillet 2019 et que les autorités de ce pays, saisies le 19 juillet 2019 sur le fondement de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, avaient donné leur accord explicite à sa prise en charge le 23 juillet 2019. Elle indique également que dans la mesure où M. A... n'avait pu justifier de son absence à des pointages au pôle régional Dublin à deux reprises il avait été déclaré en fuite le 8 octobre 2019 et que les autorités espagnoles en avaient été informées le même jour. Ces énonciations ont mis l'intéressé à même de comprendre les motifs de la décision pour lui permettre d'exercer utilement un recours. Dès lors, la décision litigieuse est suffisamment motivée au regard des exigences qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En deuxième lieu, pour l'application des dispositions précitées de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, la notion de fuite doit s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant.

11. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier, du document intitulé " convocation " rédigé le 24 avril 2019, en langue française que M. A... avait déclaré comprendre lors de son entretien individuel avec un agent de la préfecture le même jour, qui comportait la mention selon laquelle en cas d'absences répétées aux convocations le porteur du document pourrait être déclaré en fuite, que M. A..., qui a apposé sa signature lorsque lui avaient été fixé des dates de convocations, a été convoqué le 27 juin puis le 24 juillet 2019 au pôle régional Dublin de la préfecture du Rhône, et qu'il ne s'est présenté aux services de la préfecture à aucune de ces deux convocations. Il n'établit pas qu'il était dans l'impossibilité de se rendre à ces convocations. Par suite, le caractère intentionnel de la soustraction de l'intéressé à la convocation qui lui avait été adressée est établi. Si, à la date de la première convocation, le 27 juin 2019, les autorités espagnoles n'étaient pas encore saisies d'une demande de prise en charge de la demande d'asile de M. A..., de sorte que l'absence de présentation de ce dernier en préfecture n'a pu avoir pour effet de prolonger le délai de transfert, lequel n'a commencé à courir qu'à compter de l'acceptation, le 23 juillet 2019, par ces autorités, de la requête à fin de prise en charge, son absence lors de l'entretien auquel il avait été convoqué le 24 juillet 2019 a été constatée postérieurement à cette acceptation. Dès lors, le préfet a pu à bon droit estimer que l'intéressé était en fuite, que le délai de transfert était par conséquent porté à dix-huit mois au maximum et que les autorités espagnoles n'étaient pas libérées de leur obligation de prise en charge tandis que la France n'était pas devenue responsable de sa demande d'asile.

12. En dernier lieu, si M. A... soutient qu'après la décision explicite par laquelle les autorités espagnoles avaient donné leur accord pour la prise en charge de sa demande d'asile il a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion pris par ces mêmes autorités le 13 novembre 2019, au demeurant à une date à laquelle il avait déclaré se trouver sur le territoire français, cette seule circonstance, à la supposer établie, n'est pas de nature à démontrer qu'il ne serait pas en mesure de faire valoir devant ces mêmes autorités, responsables de l'examen de sa demande d'asile et qui ont accepté sa prise en charge, tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle.

13. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision en litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2007013 du 13 octobre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Lyon sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....

Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme B..., première conseillère ;

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2021.

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N° 20LY03219

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03219
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03-03-01


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : PENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-27;20ly03219 ?
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