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27/05/2021 | FRANCE | N°20LY02904

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 27 mai 2021, 20LY02904


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 19 juillet 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé d'office, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours suivant

la notification du jugement à intervenir, et de mettre à la charge de l'Etat le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 19 juillet 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé d'office, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir, et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige.

Par un jugement n° 1908986 du 19 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 octobre 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions du 19 juillet 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé d'office ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", d'une durée de validité d'un an, dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son état de santé, sans amélioration depuis la première délivrance des titres de séjour dont il a bénéficié, nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, alors que son traitement n'est pas effectivement disponible au Bangladesh ;

- le refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, compte tenu de sa durée de séjour, de son état de santé, de son insertion professionnelle et du caractère distendu des liens entretenus avec les membres de sa famille résidant au Bangladesh ;

- il procède à tout le moins d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'illégalité du refus de séjour entraîne, par voie d'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le délai de départ volontaire ;

- ces décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'illégalité des décisions portant refus de séjour et éloignement dans un délai de trente jours entraîne, par voie d'exception, l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme D..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant du Bangladesh né le 1er janvier 1981, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 1er mars 2011, où sa demande de protection internationale a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 décembre 2012. M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 19 juin 2020 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du 19 juillet 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de renouveler le titre de séjour dont il a bénéficié pour raisons de santé du 27 juillet 2015 au 26 juillet 2017, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi.

Sur la légalité des décisions du 19 juillet 2019 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, en vertu des règles gouvernant l'administration de la preuve devant le juge administratif, la partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'OFII a émis, le 2 mai 2018, un avis dont le préfet du Rhône s'est approprié les termes, estimant que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait toutefois pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Les certificats médicaux établis par un psychiatre postérieurement à la décision attaquée et versés aux débats ne comportent aucune précision quant aux conséquences médicales d'un éventuel défaut de soins. En se bornant à se prévaloir des avis médicaux émis par le médecin de l'agence régionale de santé en 2015 et 2016 ainsi que d'une mention insuffisamment circonstanciée du certificat produit pour la première fois en appel, au demeurant porteur de deux dates distinctes, selon laquelle son état clinique serait sans amélioration, M. A... n'apporte pas d'éléments suffisants pour contredire l'avis émis le 2 mai 2018 par le collège de médecins de l'OFII. Par suite, le refus de séjour n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne dispose d'aucune attache familiale en France, alors que son épouse, sa mère et deux soeurs résident encore au Bangladesh, où il a vécu trente ans avant d'entrer en France et où il ne démontre pas être dans l'impossibilité de mener une vie privée et familiale normale du fait de son état de santé. En dépit d'une durée de séjour d'un peu plus de huit années sur le territoire français, dont deux sous couvert d'un titre de séjour, il ne justifie pas disposer en France d'attaches privées intenses et stables. S'il produit un contrat de travail à temps partiel à durée indéterminée du 15 décembre 2017, sans toutefois les bulletins de salaire correspondants, et justifie avoir été effectivement salarié en qualité d'employé polyvalent, à temps partiel, du 24 septembre 2018 au 1er mai 2019, avant de créer sa propre entreprise, ces circonstances sont, à elles seules, insuffisantes à fixer en France le centre de ses intérêts. Par suite, le refus de séjour en litige n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Il ne procède pas, pour les mêmes motifs, d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

7. En troisième lieu, en conséquence de ce qui précède, le moyen dirigé contre l'obligation de quitter le territoire et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.

8. En quatrième lieu, le moyen dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours, tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est inopérant à l'encontre de la décision relative au délai de départ et doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 4 du présent arrêt s'agissant de la mesure d'éloignement.

9. En cinquième lieu, le moyen dirigé contre ces deux décisions et tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt.

10. En dernier lieu, en l'absence d'illégalité des décisions relatives au séjour, à l'éloignement et au délai de départ, le moyen tiré, par voie d'exception, de leur illégalité, dirigé contre la décision fixant le pays de renvoi, ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, dès lors, être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. A... la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2021.

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N° 20LY02904


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02904
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-27;20ly02904 ?
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