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27/05/2021 | FRANCE | N°19LY03136

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 27 mai 2021, 19LY03136


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les Hospices civils de Lyon ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner in solidum les sociétés Atelier Christian de Portzamparc, Citinea, GCC et Gerflor à leur verser la somme de 5 690 394,58 euros en réparation des désordres affectant les sols souples du bâtiment clinique de l'hôpital de la Croix-G....

Par un jugement n° 1608516 du 29 mai 2019, ce tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 août 2019, les Hospices ci

vils de Lyon, représentés par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les Hospices civils de Lyon ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner in solidum les sociétés Atelier Christian de Portzamparc, Citinea, GCC et Gerflor à leur verser la somme de 5 690 394,58 euros en réparation des désordres affectant les sols souples du bâtiment clinique de l'hôpital de la Croix-G....

Par un jugement n° 1608516 du 29 mai 2019, ce tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 août 2019, les Hospices civils de Lyon, représentés par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'ordonner un complément d'expertise avant de se prononcer sur leur demande de condamnation ;

3°) de condamner in solidum les sociétés 2Portzamparc, Citinea, GCC et Gerflor, sur le fondement de la garantie décennale, ou, subsidiairement, les sociétés Citinea et GCC, sur le fondement de la garantie spécifique aux revêtements de sols souples, à leur verser la somme de 5 690 394,58 euros ;

4°) de mettre in solidum à la charge des sociétés 2Portzamparc, Citinea, GCC et Gerflor la somme de 6 000 euros au titre des frais du litige.

Ils soutiennent que :

- les désordres qui affectent l'ensemble des sols du bâtiment clinique de l'hôpital de la Croix-G..., qui ne peuvent être maintenus dans un état de propreté satisfaisant, rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;

- ils sont imputables à la société Atelier Christian de Portzamparc, qui devait vérifier que le matériau proposé était exempt de vice de fabrication, et à la société Gerflor, qui a fabriqué le revêtement souple pour répondre à des exigences précises et déterminées à l'avance dans les pièces contractuelles ;

- ils relèvent également de la garantie prévue à l'article 2.12 du CCTP du lot n° 4N et sont fondés à rechercher la responsabilité contractuelle de la société Citinea ;

- aucune faute ne peut leur être reprochée au titre du nettoyage des sols ;

- le revêtement des sols doit être intégralement remplacé compte tenu de l'ampleur des désordres.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2019, la société 2Portzamparc, venant aux droits de la société Atelier Christian de Portzamparc, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête ou subsidiairement et après un complément d'expertise, à la condamnation des sociétés Citinea, GCC, Bouygues Bâtiment Sud-Est et Gerflor à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre et à ce que la somme de 10 000 euros soit mises à la charge des Hospices civils de Lyon ou de tout succombant au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- les désordres ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination ;

- son marché ayant été soldé, sa responsabilité contractuelle ne peut plus être recherchée ;

- aucune faute ne peut lui être reprochée ;

- les Hospices civils de Lyon sont responsables à hauteur de 80 % des désordres ;

- ils n'établissent pas que le coût des travaux nécessaires à la reprise des désordres s'élèverait à la somme demandée ;

- les membres du groupement titulaire du lot n° 4 seront condamnées à la garantir si la cour considère que les désordres ont pour origine le non-respect des règles de protection lors de la phase de levée des réserves ou un vice de fabrication du revêtement.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2019, la société Gerflor, représentée par Me H..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge des Hospices civils de Lyon au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- une expertise complémentaire serait frustratoire ;

- elle ne peut être qualifiée de fabricant, de sorte que la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur les conclusions des Hospices civils de Lyon dirigées contre elle et sa responsabilité ne peut être engagée au titre de la garantie décennale des constructeurs ;

- les désordres ne relèvent pas de cette garantie ;

- les Hospices civils de Lyon n'établissent pas que le coût des travaux nécessaires à la reprise des désordres s'élèverait à la somme demandée.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 janvier 2020, les sociétés Citinea et GCC, représentées par Me D..., concluent au rejet de la requête et des conclusions d'appel en garantie dirigées contre elles, à la condamnation de la société 2Portzamparc à les garantir des condamnations prononcées contre elles et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge des Hospices civils de Lyon et de tout succombant au titre des frais du litige.

Elles font valoir que :

- les conclusions tendant à ce que soit ordonné un complément d'expertise, qui serait en outre frustratoire, sont nouvelles en appel ;

- les désordres ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination et ne sont pas dus à un vice de conception ;

- le revêtement des sols fourni ne présente pas de vice et il ne constitue pas un élément d'équipement pouvant entraîner la responsabilité solidaire sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil ;

- les conclusions tendant à leur condamnation sur le fondement de la garantie spécifique prévue à l'article 2.12 du CCTP du lot n° 4, qui leur est inopposable faute de contractualisation, pour laquelle le délai est expiré et dont ne relèvent pas les désordres constatés, sont nouvelles en appel ;

- le caractère définitif du décompte de leur marché fait obstacle à ce que les Hospices civils de Lyon puissent obtenir l'indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de leur responsabilité contractuelle ;

- les Hospices civils de Lyon n'établissent pas que le coût des travaux nécessaires à la reprise des désordres s'élèverait à la somme demandée ;

- la maîtrise d'oeuvre serait responsable des fautes de leurs sous-traitants, qui ne sont pas démontrées, et pour manquement dans le suivi des entreprises pendant la levée des réserves si leur responsabilité contractuelle était retenue.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 juin 2020, la société Bouygues Bâtiment Sud-Est, venant aux droits de la société GFC, représentée par Me I..., conclut au rejet des conclusions des Hospices civils de Lyon tendant à ce que soit ordonné un complément d'expertise et des conclusions d'appel en garantie dirigées contre elle et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société 2Portzamparc ou de tout autre succombant au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- les conclusions des Hospices civils de Lyon tendant à ce que soit ordonné un complément d'expertise, qui serait en outre frustratoire, sont nouvelles en appel ;

- elle n'a pas sous-traité de travaux aux entreprises visées par la société 2Portzamparc ;

- au demeurant, les désordres sont dus principalement à un défaut d'usage et d'entretien.

Un mémoire enregistré le 29 avril 2021 présenté pour les Hospices civils de Lyon n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics alors en vigueur ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me G... pour les Hospices Civils de Lyon, celles de Me J... pour les sociétés Citinea et GCC, celles de Me F... pour la société 2Portzamparc, celles de Me A... pour la société Gerflor et celles de Me B... pour la société Bouygues Bâtiment Sud Est.

Considérant ce qui suit :

1. Pour la construction du bâtiment clinique de l'hôpital de la Croix-G..., les Hospices civils de Lyon ont conclu des marchés avec d'une part un groupement chargé de la maîtrise d'oeuvre dont la société Atelier Christian de Portzamparc, aux droits de laquelle est venue la société 2Portzamparc, était le mandataire, et d'autre part avec un groupement d'entreprises composé des sociétés Pitance, aux droits de laquelle est venue la société Citinea, mandataire, GFC, aux droits de laquelle est venue la société Bouygues Bâtiment Sud-Est, et GCC, auquel a été confié la réalisation du lot n° 4 " clos-couvert-second oeuvre ". Le groupement a sous-traité à la société PPC les travaux de pose des revêtements de sols souples produits par la société Gerflor et fournis par la société MDP. Les travaux ont été réceptionnés le 12 février 2010 avec des réserves qui ont été levées dans le délai de la garantie de parfait achèvement et étaient sans lien avec les dégradations du revêtement de sol en litige apparus courant 2011. L'expert judiciaire désigné à la demande des Hospices civils de Lyon a déposé son rapport le 13 avril 2016. Les Hospices civils de Lyon ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner in solidum les sociétés Atelier Christian de Portzamparc, Citinea, GCC et Gerflor à l'indemniser des désordres sur le fondement notamment de la garantie décennale des constructeurs ou, subsidiairement, sur celui de la garantie contractuelle. Par un jugement du 29 mai 2019, le tribunal a rejeté leur demande. Ils demandent à la cour d'annuler ce jugement et de condamner les mêmes sur le fondement de la garantie décennale ou subsidiairement les seules sociétés Citinea et GCC sur le fondement de la garantie spécifique aux revêtements de sols souples.

Sur l'exception d'incompétence :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1792-4 du code civil : " Le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré (...) ".

3. Conformément aux principes régissant la responsabilité décennale des constructeurs, la personne publique maître de l'ouvrage peut rechercher devant le juge administratif la responsabilité des constructeurs pendant le délai d'épreuve de dix ans, ainsi que, sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil précité, la responsabilité solidaire du fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance. Il en résulte qu'il appartient au juge administratif de statuer sur les conclusions du maître d'ouvrage tendant à l'engagement de la responsabilité solidaire du fabricant sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil et de les rejeter lorsque la personne mise en cause par le maître d'ouvrage a, en réalité, la seule qualité de fournisseur. Par suite, la société Gerflor n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué aurait dû rejeter, comme portées devant un ordre de juridiction incompétente pour en connaître, les conclusions présentées par les Hospices civils de Lyon dirigées contre elle au motif qu'en l'espèce elle n'était qu'un fournisseur de la société MDP.

Sur la responsabilité :

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que les revêtements " sols souples " mis en place dans le bâtiment clinique de l'hôpital de la Croix-G... présentent des trainées noires, des traces de colle, des tâches et autres dégradations qui sont observées de manière hétérogène dans tous les locaux. L'expert judiciaire, qui a vérifié par des prélèvements opérés sur le matériau de revêtement sa résistance à l'usure au moyen d'une meule abrasive, sa composition chimique et ses conditions d'élaboration, en se rendant sur le site de production, a exclu tout défaut de fabrication. Il a également été constaté lors des opérations d'expertise et reconnu de manière contradictoire que la pose du revêtement était techniquement particulièrement soignée. Les dégradations qui l'affectent sont dues aux entreprises chargées des travaux de menuiserie et de peintures intervenues sur le site après la réception du lot n° 4, qui ont travaillé sans égards pour les sols neufs, ainsi qu'au protocole d'entretien appliqué par les Hospices civils de Lyon, du fait de l'utilisation mensuelle et non quotidienne d'un produit alcalin, de surcroît par un personnel insuffisamment formé. Il s'ensuit que les désordres en cause ne sont pas imputables aux entreprises intervenues pour le lot n° 4. Les Hospices civils de Lyon ne peuvent, pour ce motif, poursuivre la responsabilité décennale des sociétés 2Portzampac, Citinea, GCC et Gerflor, sans qu'il y ait lieu en tout état de cause de chercher à établir si cette dernière pourrait être qualifiée de fabricant au sens de l'article 1792-4 du code civil, et de statuer sur la recevabilité des conclusions des Hospices civils de Lyon tendant à ce que soit ordonné un complément d'expertise. Pour le même motif, les Hospices civils de Lyon ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité des sociétés Citinea et GCC sur le fondement de la garantie spécifique aux revêtements de sols souples prévue à l'article 2.12 du cahier des clauses techniques particulières CCTP du lot n° 4N " revêtements souples sols et murs " sous-traité à la société PPC.

Sur les appels en garantie :

5. Il résulte du point 4 que les conclusions d'appel en garantie de la société 2Portzamparc d'une part et des sociétés Citinea et GCC d'autre part, qui sont dépourvues d'objet, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais du litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des sociétés 2Portzamparc, Citinea, GCC et Gerflor, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la somme de 1 500 euros à verser respectivement à la société 2Porzamparc et à la société Gerflor et la somme globale de 1 500 euros à verser aux sociétés Citinea et GCC.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des Hospices civils de Lyon est rejetée.

Article 2 : Les Hospices civils de Lyon verseront aux sociétés 2Porzamparc et Gerflor la somme de 1 500 euros chacune et la même somme globale aux sociétés Citinea et GCC, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux Hospices civils de Lyon et aux sociétés 2Porzamparc, Gerflor, Citinea, GCC et Bouygues Bâtiment Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme E..., président assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2021.

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N° 19LY03136


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