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18/05/2021 | FRANCE | N°20LY01638

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 18 mai 2021, 20LY01638


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 octobre 2018 par lequel le maire de Megève a accordé à la société Anthelios un permis de construire quatre bâtiments à usage d'habitation collective comprenant trente logements et deux garages enterrés, sur un terrain situé au lieu-dit " Le Bouchet ", ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1902201 du 22 avril 2020, le tribunal administratif de Gr

enoble a annulé ce permis en tant qu'il autorise la réalisation d'une portion de vo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 octobre 2018 par lequel le maire de Megève a accordé à la société Anthelios un permis de construire quatre bâtiments à usage d'habitation collective comprenant trente logements et deux garages enterrés, sur un terrain situé au lieu-dit " Le Bouchet ", ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1902201 du 22 avril 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce permis en tant qu'il autorise la réalisation d'une portion de voie d'accès et une aire de retournement au sein de la zone d'intérêt écologique et en tant qu'il ne prévoit pas suffisamment de places de stationnement pour les véhicules et aucun local pour les deux-roues.

I - Par une requête enregistrée le 22 juin 2020 sous le n° 20LY01638 et des mémoires, enregistrés les 15 décembre 2020 et 15 février 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Megève, représentée par la société d'avocats ADP Affaires Droit Public-Immobilier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 avril 2020, en tant qu'il a annulé partiellement le permis de construire du 5 octobre 2018 ;

2°) avant-dire-droit, de prononcer un sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour permettre la régularisation du vice tiré de la méconnaissance des paragraphes 12.2 et 12.3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de Megève ;

3°) de mettre à la charge solidaire de Mme E... et autres la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu une incompatibilité entre l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) patrimoniale et les caractéristiques du projet du pétitionnaire ; les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier en retenant que le dossier de permis de construire ne préciserait pas le traitement réservé à la voie privée interne existante alors qu'il ressort de la notice que cette voie privée, qui est déjà réalisée dans son intégralité, restera inchangée ; le projet n'implique aucun travaux ni aucun aménagement particulier sur la fraction de l'emprise foncière du projet concernée par le secteur d'intérêt écologique, tant au niveau de la voie privée que de l'aire de retournement déjà existantes ; les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit concernant la nature et la portée d'un permis de construire ; leur raisonnement, consistant à obliger le pétitionnaire à réaliser des travaux sur la voie privée existante dont une fraction se situe au sein d'un secteur d'intérêt écologique, est directement contraire à l'objectif recherché par les prescriptions de l'OAP patrimoniale et entaché d'une contradiction de motifs ; les prescriptions de l'OAP patrimoniale ont seulement vocation à s'appliquer pour une opération de construction à l'intérieur du périmètre d'un secteur d'intérêt écologique, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- le jugement est également entaché d'irrégularité pour être insuffisamment motivé ; le tribunal n'a pas indiqué les raisons justifiant le rejet de ses conclusions subsidiaires tendant à l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- il y a lieu pour la cour de faire droit à cette demande, en l'absence de motif légitime susceptible d'y faire obstacle ;

- les moyens de Mme E... et autres et que le tribunal a écarté à bon droit sont infondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 août 2020 et le 7 janvier 2021, Mme A... E... et autres, représentés par la SCP DUCROT ASSOCIES " DPA ", concluent au rejet de la requête, et demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble 22 avril 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté de permis de construire du 5 octobre 2018 ;

3°) de déclarer illégal le plan local d'urbanisme de Megève en tant qu'il ne comporte pas le report exact d'un ruisseau traversant les parcelles cadastrées section F n° 6860 et 6861 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Megève la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les moyens soulevés par la commune sont infondés ;

- le permis de construire méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que les bâtiments B et C seront réalisés dans le lit d'un ruisseau présent sur le terrain d'assiette du projet, ce qui aura pour effet de diriger les eaux vers le chalet E... eu égard à la pente ; compte tenu de la qualification de cours d'eau au sens des dispositions de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement, le projet méconnait l'article L. 275-8 du même code ;

- le PLU est entaché d'illégalité compte tenu de l'inexactitude des documents graphiques à raison de l'omission du tracé d'un ruisseau et du repérage d'une zone humide ; le règlement graphique du PLU comporte une représentation erronée du ruisseau du Bouchet ; l'identification du ruisseau dans les documents graphiques aurait conduit à refuser le permis en application de l'article 13 UH du règlement du PLU et de l'OAP patrimoniale ; alors que les dispositions antérieures du plan d'occupation des sols ne prévoyaient pas d'OAP patrimoniale, l'illégalité du permis de construire découle de l'illégalité du PLU ;

- le PLU est entaché d'illégalité en ce qu'il n'identifie pas la zone humide présente sur les parcelles d'assiette du permis ; les éléments sérieux et concordants avancés devant le tribunal auraient dû le conduire à ordonner une expertise afin de rechercher et confirmer si les zones concernées, constituent effectivement des zones humides au sens du code de l'environnement, preuve qu'il leur était impossible de rapporter ;

- le permis de construire méconnaît l'article 4 UH du règlement du PLU et ses annexes sanitaires ; l'implantation des bâtiments B et C dans le lit d'un ruisseau constitue un obstacle au ruissellement superficiel, contrevient au principe de préservation des écoulements superficiels et à l'interdiction de canaliser le cours d'eau ;

- le permis de construire est incompatible avec les principes de l'OAP patrimoniale également en ce qui concerne les zones humides.

Par des mémoires, enregistrés les 7 janvier 2021 et 28 janvier 2021, ce mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Anthelios Promotion Immobilière, représentée par la SCP CornilleFouchet, conclut à la réformation du jugement du 22 avril 2020, au rejet des conclusions de Mme A... E... et autres, à ce qu'il soit sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour la régularisation par un permis de construire modificatif du vice tiré de la méconnaissance de l'article 12 du règlement de la zone Uh du plan local d'urbanisme (PLU) de Megève, et à ce que soit mise à la charge des intimés la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à la réformation du jugement ; qu'elle justifie ainsi de son intérêt à intervenir ;

- le jugement est irrégulier pour être entaché d'une insuffisance de motivation faute de justifier en quoi le projet serait incompatible avec les prescriptions de l'OAP patrimoniale ;

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier en retenant que le dossier de permis de construire ne préciserait pas le traitement réservé à la voie privée interne existante ;

- le jugement est également irrégulier pour être entaché d'une insuffisance de motivation quant au refus de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ; c'est à tort que les premiers juges n'ont pas fait application de cet article pour régulariser la carence de six places de stationnement et d'un local de stationnement deux-roues ;

- le projet, qui ne modifie pas la voie de desserte et l'aire de retournement existantes et ne procède pas à de nouveaux aménagements sur la partie protégée, n'est pas incompatible avec l'OAP patrimoniale ;

- il y lieu de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme au regard de la nature et de l'impact limité du vice constaté ;

- les conclusions reconventionnelles de Mme E... et autres doivent être rejetées ; en tout état de cause, les moyens soulevés sont infondés.

La clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 janvier 2021 par une ordonnance du 7 janvier 2021.

Par un courrier du 18 mars 2021, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de confirmer les vices retenus par les premiers juges, tirés de l'incompatibilité du projet avec l'orientation d'aménagement et de programmation patrimoniale 5.2. et de la méconnaissance des articles 12.2 et 12.3 UH du règlement du PLU, et de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 6 avril 2021, Mme A... E... et autres, représentés par la SCP DUCROT ASSOCIES " DPA " concluent au rejet de ces conclusions.

II - Par une requête enregistrée le 22 juin 2020 sous le n° 20LY01648, et un mémoire enregistré les 7 janvier 2021, Mme A... E... et autres, représentés par la SCP DUCROT ASSOCIES " DPA ", demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 avril 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté de permis de construire du 5 octobre 2018 ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux ;

3°) de déclarer illégal le plan local d'urbanisme de Megève en tant qu'il ne comporte pas le report exact d'un ruisseau traversant les parcelles cadastrées section F n° 6860 et 6861 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Megève la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt pour agir ; leur requête d'appel a été introduite dans les délais ;

- le permis de construire méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que les bâtiments B et C seront réalisés dans le lit d'un ruisseau présent sur le terrain d'assiette du projet, ce qui aura pour effet de diriger les eaux vers le chalet E... eu égard à la pente ; compte tenu de la qualification de cours d'eau au sens des dispositions de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement, le projet méconnaît l'article L. 275-8 du même code ;

- le PLU est entaché d'illégalité compte tenu de l'inexactitude des documents graphiques à raison de l'omission du tracé d'un ruisseau et du repérage d'une zone humide ; le règlement graphique du PLU comporte une représentation erronée du ruisseau du Bouchet ; l'identification du ruisseau dans les documents graphiques aurait conduit à refuser le permis en application de l'article 13 UH du règlement du PLU et de l'OAP patrimoniale ; l'illégalité du permis de construire découle de l'illégalité du PLU dès lors que les dispositions antérieures du plan d'occupation des sols ne prévoyaient pas d'OAP patrimoniale,

- le PLU est entaché d'illégalité en ce qu'il n'identifie pas la zone humide présente sur les parcelles d'assiette du permis ; les éléments sérieux et concordants avancés devant le tribunal auraient dû le conduire à ordonner une expertise afin de rechercher et confirmer si les zones concernées, constituent effectivement des zones humides au sens du code de l'environnement, preuve qu'il leur était impossible de rapporter ;

- le permis de construire méconnaît l'article 4 UH du règlement du PLU et ses annexes sanitaires ; l'implantation des bâtiments B et C dans le lit d'un ruisseau constitue un obstacle au ruissellement superficiel, contrevient au principe de préservation des écoulements superficiels et à l'interdiction de canaliser le cours d'eau ;

- le permis de construire est incompatible avec les principes de l'OAP patrimoniale également en ce qui concerne les zones humides.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 décembre 2020 et 15 février 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Megève, représentée par la société d'avocats ADP Affaires Droit Public-Immobilier, conclut au rejet de la requête, et demande à la cour de mettre à la charge solidaire de Mme E... et autres la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Par des mémoires, enregistrés les 7 janvier 2021 et 28 janvier 2021, ce mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Anthelios Promotion Immobilière, représentée par la SCP CornilleFouchet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.

La clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 janvier 2021 par une ordonnance du 7 janvier 2021.

Par un courrier du 18 mars 2021, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de confirmer les vices retenus par les premiers juges, tirés de l'incompatibilité du projet avec l'orientation d'aménagement et de programmation patrimoniale 5.2. et de la méconnaissance des articles 12.2 et 12.3 UH du règlement du PLU, et de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 6 avril 2021 Mme A... E... et autres, représentés par la SCP DUCROT ASSOCIES " DPA ", concluent au rejet de ces conclusions.

Par un mémoire enregistré le 21 avril 2021, la société Anthelios Promotion Immobilière, représentée par la SCP CornilleFouchet, conclut à l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... C..., première conseillère ;

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me B... pour Mme E... et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 5 octobre 2018, le maire de Megève a accordé à la société Anthelios un permis de construire quatre bâtiments à usage d'habitation collective comprenant trente logements et deux garages enterrés, sur un terrain situé au lieu-dit " Le Bouchet ". Par un jugement du 22 avril 2020, le tribunal administratif de Grenoble, sur demande de Mme E... et autres, a annulé ce permis de construire en tant qu'il autorise la réalisation d'une portion de voie d'accès et une aire de retournement au sein de la zone d'intérêt écologique et en tant qu'il ne prévoit pas suffisamment de places de stationnement pour les véhicules et aucun local pour les deux-roues. La commune de Megève et Mme E... et autres relèvent appel de ce jugement, respectivement en tant qu'il annule partiellement le permis de construire en litige, et en tant qu'il a partiellement rejeté la demande de première instance.

2. Les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 20LY01638 :

Sur l'intervention de la société Anthelios :

3. La société Anthelios, ayant été appelée en qualité d'observateur, n'est pas recevable à intervenir dès lors qu'elle était partie en première instance et qu'elle aurait eu ainsi qualité pour faire appel du jugement en litige dans le délai imparti à cet effet.

Sur la régularité du jugement :

4. En premier lieu, si la commune de Megève reproche aux premiers juges d'avoir dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit, de telles circonstances ne sont en tout état de cause pas de nature à affecter la régularité du jugement, mais seulement son bien-fondé.

5. En second lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsqu'un vice affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, est susceptible d'être régularisé, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir.

6. Les premiers juges, en relevant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de sursis à statuer mais seulement, en application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, de limiter l'annulation aux parties du projet affectées par les illégalités retenues, ont suffisamment précisé la raison pour laquelle ils n'ont pas fait droit aux conclusions subsidiaires de la commune de Megève et ont ainsi suffisamment motivé leur jugement.

Sur le bien-fondé des motifs d'annulation retenus par les premiers juges :

7. En premier lieu, l'OAP patrimoniale 5.2 prescrit que " le long des cours d'eau identifiés, le caractère naturel des berges doit être maintenu ou restauré, si besoin, sur une largeur minimale de cinq mètres à partir de la partie sommitale des berges (...) Seul, l'aménagement de sentiers piétons et cyclables le long des berges est envisageable dans la bande des cinq mètres, dans le respect de leur caractère naturel (à préserver ou à restaurer) ". S'agissant des secteurs d'intérêt écologique, elle impose que " les éventuelles constructions et installations, ainsi que les travaux doivent prendre en charge les sensibilités écologiques et paysagères de ces secteurs et garantir leur préservation, ou être de nature à conforter leur fonction écologique et leur caractère naturel ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est traversé par un secteur d'intérêt écologique épousant le tracé d'un cours d'eau, formant un " couloir écologique " matérialisé dans le document graphique de l'OAP patrimoniale.

9. Ainsi que le fait valoir la commune de Megève, une portion de la voie d'accès depuis la voie communale du Leutaz ainsi que l'aire de retournement qui se trouvent dans ce secteur d'intérêt écologique ont été réalisées dans le cadre de la délivrance d'un précédent permis de construire du 29 juin 2000 et de la réalisation de travaux d'aménagement du lotissement " Les Près du Bouchet " autorisé par un arrêté du 30 mai 2005. La caducité de l'autorisation de lotissement qu'invoquent Mme E... et autres est, à cet égard, sans incidence dès lors que les travaux de voirie, légalement autorisés, étaient achevés à la date du permis de construire en litige. Il en résulte que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que ce permis a eu pour effet d'autoriser la création d'une aire de retournement au sein de la zone d'intérêt écologique. Toutefois, il ressort du plan de masse du dossier de demande que le projet prévoit, au-delà de cette aire de retournement, la prolongation de la voie interne existante dans le périmètre du secteur d'intérêt écologique pour permettre la desserte motorisée, d'une part, du bâtiment A, d'autre part, celle des bâtiments B, C et D. Il en résulte que le permis de construire du 5 octobre 2018 implique sur la fraction de l'emprise foncière du projet concernée par le secteur d'intérêt écologique la réalisation de travaux incompatibles avec l'OAP patrimoniale 5.2 et que la commune n'est pas fondée à se plaindre, dans cette mesure, de ce que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont retenu une telle incompatibilité.

10. En second lieu, la commune ne conteste pas qu'ainsi que l'ont estimé les premiers juges, le permis de construire en litige méconnaît les articles 12.2 et 12.3 UH du règlement du PLU, faute de places de stationnement en nombre suffisant et d'un local destiné au stationnement des deux roues. Elle fait valoir que ce vice est régularisable. Une telle régularisation n'est toutefois envisageable que si aucun des autres moyens soulevés par les intimés, en première instance ou en appel, qu'il y a lieu d'examiner au titre de l'effet dévolutif, n'y fait obstacle.

Sur les autres moyens de Mme E... et autres :

11. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

12. Mme E... et autres soutiennent que le PLU a omis de représenter le tracé d'un ruisseau traversant la parcelle d'assiette du projet d'est en ouest. Il ressort effectivement des pièces du dossier que, dans le cadre de la révision du plan de prévention des risques naturels et prévisibles de la commune de Megève, initiée en février 2020, un ruisseau a été identifié sur le terrain d'assiette du projet. Si le document provisoire intitulé " carte des aléas de la commune de Megève " n'est pas opposable au permis de construire en litige, l'identification de ce ruisseau en zone d'aléa fort de ravinement et ruissellement de versant révèle l'existence d'un risque qui, bien que connu postérieurement au permis de construire attaquée, atteste d'une situation antérieure dont il appartient au juge de tenir compte. Mme E... et autres ont versé au dossier un refus de permis de construire opposé par le maire de Megève le 15 février 2021 pour la construction de quatre bâtiments et d'un garage souterrain implantés en partie ouest des parcelles F 6860 et F 6861. Il ressort de la motivation de ce refus, selon laquelle " le bâtiment 3 et le garage souterrain sont, dans leurs partie centrale, édifiées sur le lit du ruisseau, l'angle Sud-Ouest du bâtiment 1 et du bâtiment 4 ainsi que l'angle Nord-Est du bâtiment 2 sont réalisés sur l'emprise du ruisseau ", ainsi que de la comparaison des plans du dossier de cette demande de permis de construire et ceux de la demande de permis en litige portant sur les mêmes parcelles, que comme le soutiennent Mme E... et autres les bâtiments B et C seront réalisés dans le lit de ce ruisseau, ce que ne contredit par la commune, pourtant invitée par la cour à produire ses observations sur ce refus de permis de construire. Il n'apparaît pas, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, que le maire de Megève aurait pu légalement délivrer ce permis en l'assortissant de prescriptions spéciales sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande. Dans ces conditions, Mme E... et autres sont fondés à soutenir que le permis de construire en litige procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme citées au point précédent.

13. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen de Mme E... et autres, y compris celui tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du PLU selon la requalification opérée par le jugement attaqué, non contesté sur ce point, n'apparaît susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté de permis de construire du 5 octobre 2018.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

14. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer (...) jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation (...) ".

15. Le vice affectant le permis de construire, relevé au point 12 du présent arrêt, n'apparaît pas régularisable sans que la nature même du projet ne soit modifiée. Dans ces conditions, il ne peut être fait droit aux conclusions de la commune de Megève tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour permettre la régularisation du permis de construire en litige.

Sur la requête n° 20LY01648 :

16. A l'appui de leurs conclusions dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 avril 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande, Mme E... et autres reprennent les mêmes moyens que ceux énoncés dans l'instance n° 20LY01638.

17. Leur moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme est fondé et seul de nature à fonder l'annulation de l'arrêté de permis de construire du 5 octobre 2018, ainsi qu'il résulte des points 11 à 13.

18. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 15, les conclusions de la commune de Megève et de la société Anthelios tendant à l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme doivent être rejetées.

19. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que Mme E... et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement, attaqué, le tribunal administratif n'a que partiellement annulé le permis de construire du 5 octobre 2018 et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande, d'autre part, que la requête de la commune de Megève doit être rejetée.

Sur les frais liés aux litiges :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Megève et de la société Anthelios. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Megève le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme E... et autres.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la société Anthelios dans l'instance n° 20LY01638 n'est pas admise.

Article 2 : Le permis de construire délivré le 5 octobre 2018 à la société Anthelios est annulé.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 avril 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Megève versera à Mme E... et autres la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La requête n° 20LY1638 de la commune de Megève et le surplus des conclusions des parties sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Megève, à Mme A... E... et à la société Anthelios Promotion Immobilière.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme D... C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2021.

2

N° 20LY01638 - 20LY01648


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01638
Date de la décision : 18/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP CORNILLE - FOUCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-18;20ly01638 ?
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