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18/05/2021 | FRANCE | N°19LY04498

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 18 mai 2021, 19LY04498


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI du 35, rue du docteur Rollet a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2018 par lequel le président de la métropole de Lyon a décidé de préempter un bien situé 193 rue Léon Blum à Villeurbanne.

Par un jugement n°1808720 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 décembre 2019, et un mémoire en réplique enregistré le 7 janvier 2021, qui n'a pas é

té communiqué, la SCI du 35, rue du docteur Rollet, représentée par Me A..., demande à la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI du 35, rue du docteur Rollet a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2018 par lequel le président de la métropole de Lyon a décidé de préempter un bien situé 193 rue Léon Blum à Villeurbanne.

Par un jugement n°1808720 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 décembre 2019, et un mémoire en réplique enregistré le 7 janvier 2021, qui n'a pas été communiqué, la SCI du 35, rue du docteur Rollet, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 octobre 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 18 octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre à la métropole de Lyon de proposer d'acquérir le bien préempté à la venderesse, puis à elle-même, en qualité d'acquéreur évincé, au prix d'acquisition, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la métropole de Lyon la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige n'est pas signé et méconnaît les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le droit de préemption n'a pu être régulièrement exercé en l'absence de délibération l'instituant ayant fait l'objet des mesures de publicité requises ; la délibération du 11 juillet 2005 ne portait que sur les parcelles classées en zones urbaines ou à urbaniser par le plan local d'urbanisme alors adopté, alors que le classement en zone urbaine des terrains d'assiette des biens préemptés est antérieur ; par ailleurs, cette délibération a été tardivement publiée dans les journaux diffusés dans le département ; la délibération antérieure du 27 septembre 1993 n'a pas, non plus, fait l'objet des mesures de publicité requises ;

- l'arrêté en litige a été pris par une personne incompétente, le président de la métropole de Lyon n'ayant pu déléguer sa compétence, de manière générale et permanente, à son adjointe ; le conseil de communauté avait limité la possibilité pour le président de subdéléguer l'exercice du droit de préemption aux seuls biens situés dans des espaces naturels sensibles ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- la décision de préemption est tardive car elle a été exercée après l'expiration du délai fixé à l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, en cas de demande de visite du bien ;

- la décision de préemption n'est justifiée par aucun projet réel ;

- la décision de préemption ne répond pas à un intérêt général suffisant, au regard de la disproportion entre la taille du terrain et la superficie sur laquelle porte le projet de la collectivité.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2020, la métropole de Lyon, représentée par la SELAS Cabinet Léga-Cité, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La clôture de l'instruction a été fixée au 8 janvier 2021, par une ordonnance du 8 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me A... pour la SCI Vikhar et celles de Me B... pour la métropole de Lyon ;

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 18 octobre 2018, le président de la métropole de Lyon a exercé le droit de préemption sur un terrain situé 193 avenue Léon Blum à Villeurbanne. La SCI du 35, cours du docteur Rollet, acquéreur évincé, relève appel du jugement du 10 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, la société requérante réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveau, son moyen selon lequel la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, n'étant pas signée. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, la métropole de Lyon exerce de plein droit la compétence en matière de droit de préemption urbain. Par délibération du 11 juillet 2005, le conseil de la communauté urbaine de Lyon, établissement public de coopération intercommunale alors compétent, a institué le droit de préemption urbain sur l'ensemble des parcelles classées en zone urbaine ou à urbaniser dans le plan local d'urbanisme qu'il venait d'adopter, incluant le terrain d'assiette du projet, sans qu'ait d'incidence à cet égard le fait que ce terrain était déjà constructible dans le plan antérieur. Il ressort des pièces du dossier que la délibération a été affichée pendant un mois à compter du 12 juillet 2005, et qu'il en a été fait mention en mai 2010 dans les petites affiches lyonnaises et le Progrès, deux journaux diffusés dans le département. La délibération du 11 juillet 2005 a ainsi produit des effets à cette date, antérieure à la décision en litige, en vertu des dispositions de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen selon lequel le droit de préemption urbain n'a pas été régulièrement institué doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire. " Selon l'article L. 3611-3 du code général des collectivités territoriales : " La métropole de Lyon s'administre librement dans les conditions fixées par le présent livre et par les dispositions non contraires de la première partie du présent code, des titres II, III et IV du livre Ier et des livres II et III de sa troisième partie, et de la législation en vigueur relative au département. Pour l'application à la métropole de Lyon des dispositions de l'alinéa précédent : 1° La référence au département est remplacée par la référence à la métropole de Lyon ; 2° La référence au conseil général est remplacée par la référence au conseil de la métropole ; 3° La référence au président du conseil général est remplacée par la référence au président du conseil de la métropole ". Selon l'article L. 3121-12 du même code : " Le président du conseil départemental peut, par délégation du conseil départemental, être chargé d'exercer, au nom du département, les droits de préemption dont celui-ci est titulaire ou délégataire en application du code de l'urbanisme. Il peut également déléguer l'exercice de ce droit à l'occasion de l'aliénation d'un bien, dans les conditions que fixe le conseil départemental. Il rend compte à la plus proche réunion utile du conseil départemental de l'exercice de cette compétence ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 10 juillet 2017, le conseil de la métropole de Lyon a donné délégation à son président pour exercer, au nom de la métropole, les droits de préemption dont elle est titulaire, délégation incluant le droit de préemption urbain sans être limitée à l'aliénation d'un bien précis. Par arrêté du 20 août 2017, le président de la métropole a donné délégation de fonction à Mme C... pour l'exercice du droit de préemption urbain, délégation qui ne peut être regardée comme une subdélégation donnée à une autre personne morale. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme C... pour signer la décision en litige doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) "

7. La décision en litige mentionne que le bien en cause est situé à l'intérieur d'un îlot caractérisé par un tissu urbain complexe et hétérogène et une forte dynamique immobilière et qu'il est envisagé d'implanter à l'intérieur de cet îlot un maillage viaire afin de faciliter les accès à la rue Léon Blum, dont la nécessité a été mise en évidence par une étude de cadrage urbain. La décision, qui précise également que le terrain d'assiette est localisé sur les emprises nécessaires à la réalisation de la voie nord-sud, permet d'identifier l'opération envisagée et est ainsi suffisamment motivée.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objet de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels ". Il résulte de ces dispositions, combinées avec celles précitées de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, que, pour exercer légalement le droit de préemption urbain, les collectivités titulaires de ce droit doivent justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés ci-dessus, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date. En outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

9. Il ressort des pièces du dossier que le bien est situé au sein d'un ilot foncier d'environ dix hectares, présentant une dynamique importante compte tenu de l'existence de friches de terrain disponibles et de la proximité du centre hospitalier Médipôle. La métropole de Lyon a fait réaliser en 2017 une étude de cadrage urbain, qui si elle a connu des évolutions et n'est ainsi pas totalement fixée, a déterminé la nécessité de renforcer le maillage viaire de cet ilot, dans les scenarii restant à l'étude, notamment par la réalisation d'une liaison nord-sud qui traverserait la partie sud-est de l'ilot où se situe le terrain d'assiette du projet. Dans ces conditions, et même si les caractéristiques de ces voies n'ont pas encore été définies avec précision, ainsi qu'en atteste le compte-rendu de la réunion de travail qui s'est tenue le 4 juin 2018, la métropole de Lyon justifie d'un projet d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, sur le bien préempté. Si la société requérante se plaint de la taille disproportionnée du terrain préempté par rapport à la nature du projet lui-même, une telle circonstance, compte tenu de l'impossibilité légale de limiter une préemption à une partie seulement du bien concerné par la déclaration d'intention d'aliéner et de l'utilisation éventuelle du surplus de terrain pour des aménagements publics, notamment aux abords de la voie en cause, ne suffit cependant pas à remettre en cause l'intérêt général attaché au projet. Dans ces conditions, la décision de préemption en litige n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.

10. Enfin, aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien.(...) Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. La liste des documents susceptibles d'être demandés est fixée limitativement par décret en Conseil d'Etat. (...) / (...) / Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. "

11. Il ressort des pièces du dossier que, le 6 septembre 2018, soit moins d'un mois avant l'expiration du délai de deux mois fixé par les dispositions citées au point précédent, la métropole de Lyon a demandé au propriétaire d'une part de communiquer des documents complémentaires, d'autre part de pouvoir visiter le bien. Les pièces ont été communiquées au titulaire du droit de préemption le 17 septembre 2018 et la visite des lieux s'est déroulée le 21 septembre 2018, date d'accomplissement de la plus tardive des deux formalités à compter de laquelle le délai ainsi suspendu a repris. En vertu des dispositions citées au point précédent, la métropole de Lyon disposait d'un mois à compter de cette date pour exercer son droit de préemption. Par suite, la décision en litige, en date du 18 octobre 2018, n'était pas tardive ni, de ce fait, illégale.

12. Il résulte de ce qui précède que la SCI du 35, rue du docteur Rollet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais d'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que la métropole de Lyon, qui n'est pas partie perdante, verse à la requérante la somme qu'elle demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante la somme de 1 500 euros à verser à la métropole de Lyon au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI du 35, rue du docteur Rollet est rejetée.

Article 2 : La SCI du 35, rue du docteur Rollet versera à la métropole de Lyon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du 35, rue du docteur Rollet et à la métropole de Lyon.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme E... D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2021.

2

N° 19LY04498


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04498
Date de la décision : 18/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LEGA-CITE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-18;19ly04498 ?
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