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18/05/2021 | FRANCE | N°19LY03468

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 18 mai 2021, 19LY03468


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Vikhar a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 juin 2018 par lequel le président de la métropole de Lyon a décidé de préempter des biens situés au 16-20 avenue Paul Kruger à Villeurbanne.

Par un jugement n°1805072 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2019, la SCI Vikhar, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler c

e jugement du 11 juillet 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 19 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre à la métropo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Vikhar a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 juin 2018 par lequel le président de la métropole de Lyon a décidé de préempter des biens situés au 16-20 avenue Paul Kruger à Villeurbanne.

Par un jugement n°1805072 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2019, la SCI Vikhar, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juillet 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 19 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre à la métropole de Lyon de proposer d'acquérir le bien préempté à la venderesse, la société MAJ, puis à elle-même, en qualité d'acquéreur évincé, au prix d'acquisition de 650 000 euros, plus régularisation de taxe sur la valeur ajoutée et commission, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la métropole de Lyon la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige n'est pas signé et méconnaît les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le droit de préemption n'a pu être régulièrement exercé en l'absence de délibération l'instituant ayant fait l'objet des mesures de publicité requises ; la délibération du 11 juillet 2005 ne portait que sur les parcelles classées en zones urbaines ou à urbaniser par le plan local d'urbanisme alors adopté, alors que le classement en zone urbaine des terrains d'assiette des biens préemptés est antérieur ; par ailleurs, cette délibération a été tardivement publiée dans les journaux diffusés dans le département ; la délibération antérieure du 27 septembre 1993 n'a pas, non plus, fait l'objet des mesures de publicité requises ;

- l'arrêté en litige a été pris par une personne incompétente, le président de la métropole de Lyon n'ayant pu déléguer sa compétence, de manière générale et permanente, à son adjointe ; le conseil de communauté avait limité la possibilité pour le président de subdéléguer l'exercice du droit de préemption aux seuls biens situés dans des espaces naturels sensibles ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- la décision de préemption est tardive car elle a été exercée après l'expiration du délai fixé à l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, en cas de demande de visite du bien ;

- la décision de préemption n'est justifiée par aucun projet réel.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 août 2020, la métropole de Lyon, représentée par la SELAS Cabinet Léga-Cité, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 septembre 2020, par une ordonnance du 24 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me A... pour la SCI Vikhar et celles de Me B... pour la métropole de Lyon ;

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 19 juin 2018, le président de la métropole de Lyon a exercé le droit de préemption sur un terrain situé au 16-20 avenue Kruger à Villeurbanne. La SCI Vikhar, acquéreur évincé, relève appel du jugement du 11 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. "

3. Lorsqu'une collectivité publique décide d'exercer le droit de préemption urbain pour constituer une réserve foncière à l'intérieur d'un périmètre qu'elle a délimité en vue d'y mener une opération d'aménagement et d'amélioration de la qualité urbaine, les exigences de motivation résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision fait référence aux dispositions de la délibération délimitant ce périmètre et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener pour améliorer la qualité urbaine au moyen de cette préemption. A cette fin, la collectivité peut soit indiquer l'action ou l'opération d'aménagement prévue par la délibération délimitant ce périmètre à laquelle la décision de préemption participe, soit renvoyer à cette délibération elle-même si celle-ci permet d'identifier la nature de l'opération ou de l'action d'aménagement poursuivie.

4. La décision de préemption en litige mentionne que le terrain d'assiette du projet est situé au sein du périmètre de Grandclément gare, secteur dont le projet d'aménagement a été pris en considération par délibération du 2 novembre 2015 du conseil de la métropole, en vertu des dispositions alors applicables de l'article L. 110-10 du code de l'urbanisme. Toutefois, si la décision précise que ce secteur connaît une pression foncière forte, du fait du développement des transports en commun et de l'existence de friches liées à une activité industrielle déclinante, et que la collectivité souhaite accompagner la mutation de ce secteur, en conservant son rôle économique, en densifiant le quartier par la construction de logements et d'équipements publics, pour en faire un quartier mixte, ni la décision en litige ni la délibération du 2 novembre 2015, dont la décision litigieuse a repris les objectifs généraux, ne font apparaître par leurs mentions la nature du projet d'aménagement envisagé par la collectivité sur ce secteur. Par suite, la décision en litige est, ainsi que la soutient la SCI Vikhar, insuffisamment motivée.

5. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît, en l'état de l'instruction, susceptible de fonder l'annulation de la décision de préemption en litige.

6. Il résulte de ce qui précède que la SCI Vikhar est fondée à demander l'annulation de la décision du 19 juin 2018 par laquelle le président de la métropole de Lyon a exercé le droit de préemption sur les terrains situés au 16-20 avenue Paul Kruger à Villeurbanne et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur l'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel l'acquisition du bien en priorité. / Le prix proposé vise à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. A défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation, conformément aux règles mentionnées à l'article L. 213-4. / A défaut d'acceptation dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle devenue définitive, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel sont réputés avoir renoncé à l'acquisition. / Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel ont renoncé expressément ou tacitement à l'acquisition dans les conditions mentionnées aux trois premiers alinéas du présent article, le titulaire du droit de préemption propose également l'acquisition à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration mentionnée à l'article L. 2132 ".

8. En vertu de ces dispositions, il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens par l'ancien propriétaire ou par l'acquéreur évincé et après avoir mis en cause l'autre partie à la vente initialement projetée, d'exercer les pouvoirs qu'il tient des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative afin d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, les mesures qu'implique l'annulation, par le juge de l'excès de pouvoir, d'une décision de préemption, sous réserve de la compétence du juge judiciaire, en cas de désaccord sur le prix auquel l'acquisition du bien doit être proposée, pour fixer ce prix. A ce titre, il lui appartient, après avoir vérifié, au regard de l'ensemble des intérêts en présence, que le rétablissement de la situation initiale ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général, de prescrire au titulaire du droit de préemption qui a acquis le bien illégalement préempté, s'il ne l'a pas entre-temps cédé à un tiers, de prendre toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée et, en particulier, de proposer à l'ancien propriétaire puis, le cas échéant, à l'acquéreur évincé d'acquérir le bien, à un prix visant à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle.

9. Il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas soutenu en défense, que le rétablissement de la situation initiale porterait une atteinte excessive à l'intérêt général. L'annulation de la décision de préemption du 19 juin 2018 implique donc nécessairement que la métropole de Lyon propose l'acquisition du bien préempté à la société MAJ, ancien propriétaire conformément à l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, ou à défaut, à la SCI Vikhar, en sa qualité d'acquéreur évincé à un prix visant à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. Il y a lieu d'impartir à la métropole de Lyon un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt pour proposer cette acquisition dans un premier temps à la société MAJ, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la métropole de Lyon la somme de 2 000 euros à verser à la SCI Vikhar au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur son fondement par la métropole de Lyon, partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 11 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du 19 juin 2018 par lequel le président de la métropole de Lyon a décidé de préempter des biens situés au 16-20 avenue Paul Kruger à Villeurbanne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la métropole de Lyon de proposer à la société MAJ, ancien propriétaire des parcelles ayant fait l'objet de la préemption, d'acquérir le bien, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, puis, le cas échéant, en cas de refus de sa part, à la SCI Vikhar à un prix visant à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle.

Article 3 : La métropole de Lyon versera à la SCI Vikhar la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Vikhar, à la métropole de Lyon et à la société MAJ.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme D... C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2021.

2

N° 19LY03468


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03468
Date de la décision : 18/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LEGA-CITE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-18;19ly03468 ?
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