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06/05/2021 | FRANCE | N°20LY03401

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 06 mai 2021, 20LY03401


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la délibération n° CP-2020-3709 en date du 10 février 2020 par laquelle la commission permanente du conseil de la métropole de Lyon a approuvé une transaction conclue avec la communauté d'universités et d'établissements (COMUE) " Université de Lyon " et en a autorisé la signature.

Par un jugement n° 2003571 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une r

equête, enregistrée le 23 novembre 2020, et un mémoire enregistré le 9 avril 2021, M. E..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la délibération n° CP-2020-3709 en date du 10 février 2020 par laquelle la commission permanente du conseil de la métropole de Lyon a approuvé une transaction conclue avec la communauté d'universités et d'établissements (COMUE) " Université de Lyon " et en a autorisé la signature.

Par un jugement n° 2003571 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2020, et un mémoire enregistré le 9 avril 2021, M. E..., représenté par la SELARL BCV avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susmentionné du 1er octobre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la délibération précitée du 10 février 2020 de la commission permanente du conseil de la métropole de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de la métropole de Lyon la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement contesté est irrégulier dès lors que le courrier l'informant du moyen susceptible d'être relevé d'office ne précisait pas les raisons de son défaut d'intérêt à agir ;

- la transaction approuvée constitue une subvention déguisée et donc une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir ;

- sa demande de première instance était recevable dès lors qu'en qualité de contribuable de la métropole de Lyon, il avait intérêt à contester la délibération du 10 février 2020 de la commission permanente du conseil de la métropole de Lyon par la voie du recours pour excès de pouvoir ;

- à titre subsidiaire, s'il était considéré que le recours relève de la jurisprudence " Tarn-et-Garonne ", il a également intérêt à agir dès lors que la transaction litigieuse emporte des conséquences significatives sur les finances de la métropole de Lyon ;

- la délibération contestée est, comme il l'a démontré dans ses écritures de première instance, illégale dès lors qu'il existait un conflit d'intérêt tenant à ce qu'un représentant de la métropole de Lyon siège au conseil d'administration de l'Université de Lyon (UdL) et à ce qu'une ancienne responsable de la métropole travaille dans les services de l'UdL, qu'elle ne prévoit pas que la somme prévue corresponde à un préjudice établi et doit donc s'analyser comme une libéralité, elle-même illégale, qu'elle vise à régulariser la subvention annulée, ce qui constitue un détournement de procédure, que la commission permanente n'était pas compétente pour prendre une telle décision, et qu'elle n'est pas motivée ;

- il renvoie, pour davantage de développements, à ses écritures de première instance, qu'il joint à sa requête.

Par un mémoire enregistré le 15 janvier 2021, la métropole de Lyon, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. E... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

- M. E... n'est pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un acte qui n'est pas détachable du contrat de transaction.

Par un mémoire enregistré le 1er avril 2021, la communauté d'universités et d'établissements (COMUE) " Université de Lyon ", représentée par la SELARL Skov, déclare s'associer intégralement aux conclusions de la métropole de Lyon.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'éducation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... ;

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

- et les observations de Me G... pour M. E..., celles de Me D... pour la métropole de Lyon et celles de Me F... pour la communauté d'universités et d'établissements (COMUE) " Université de Lyon ".

Une note en délibéré, enregistrée le 16 avril 2021, a été présentée pour la communauté d'universités et d'établissements (COMUE) " Université de Lyon ".

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 26 septembre 2013, le conseil de la communauté urbaine de Lyon a approuvé, d'une part, l'attribution d'une subvention de fonctionnement d'un montant de 925 000 euros au profit de l'Université de Lyon pour son programme d'actions 2013 et d'autre part la convention à conclure entre la communauté urbaine de Lyon et l'Université de Lyon, définissant notamment les conditions d'utilisation de cette subvention, avant d'autoriser le président de la communauté urbaine de Lyon à signer cette convention. Cette délibération a cependant été annulée par un jugement du tribunal administratif de Lyon n° 1308367 du 24 novembre 2016, confirmé par un arrêt n° 17LY00480 du 12 février 2019, au motif que la communauté urbaine de Lyon n'était pas compétente pour adopter une telle délibération. Suite à ce jugement, la métropole de Lyon, substituée à la communauté urbaine, a émis le 13 septembre 2019 un titre exécutoire sous forme d'avis des sommes à payer, pour un montant de 905 000 euros, pour que lui soit reversée la subvention irrégulièrement versée. La communauté d'universités et d'établissements " Université de Lyon " a, par des requêtes enregistrées les 19 novembre 2019 et 16 janvier 2020, sous les nos 1909042 et 2000359, respectivement demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de ce titre exécutoire et la condamnation de la métropole de Lyon à lui verser une somme totale de 905 000 euros au titre du préjudice résultant de la perte du montant de la subvention. Par une délibération n° CP-2020-3709 du 10 février 2020, la commission permanente de la métropole de Lyon a approuvé un protocole transactionnel à signer avec l'Université de Lyon pour mettre un terme au différend les opposant, et a autorisé le président à signer ce protocole et prendre les mesures liées à son exécution. Cette transaction a été conclue le 23 avril 2020 entre l'administrateur provisoire de l'Université de Lyon et le président de la métropole de Lyon. M. E..., se présentant comme contribuable de la métropole de Lyon, a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de la délibération précitée du 10 février 2020. Par un jugement du 1er octobre 2020, ce tribunal, estimant être saisi d'un recours de pleine juridiction dirigé directement contre le contrat de transaction, a rejeté ce recours au motif que M. E..., en se prévalant de sa seule situation de contribuable métropolitain, ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour contester la validité de cette transaction, qui n'est pas susceptible d'emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la métropole de Lyon.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier en date du 29 juin 2020, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 précité de ce que le tribunal était susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la requête pour défaut d'intérêt à agir. Une telle information est suffisamment précise pour que M. E..., qui se prévalait de sa qualité de contribuable de la métropole de Lyon, en produisant ses avis de taxes foncière et d'habitation 2019, pût connaître le moyen susceptible de fonder la décision des premiers juges et, par suite, le discuter utilement. Il a d'ailleurs répondu à cette information par un mémoire enregistré le 5 juillet 2020 dans lequel il a réaffirmé son intérêt à agir en qualité de contribuable local compte tenu des incidences importantes de la délibération litigieuse sur les finances de la métropole de Lyon et a souligné que cet intérêt est toujours reconnu de façon très large, même après la reconnaissance par la décision du Conseil d'Etat " Département du Tarn-et-Garonne " d'une action spécifique pour contester la validité d'un contrat. En se prévalant de cette même jurisprudence, la métropole de Lyon a pour sa part dans un mémoire enregistré le 10 septembre 2020, opposé l'irrecevabilité de la requête au motif que la délibération contestée ne peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif de Lyon ne s'est pas fondé sur un moyen irrégulièrement soulevé d'office.

Sur l'objet et la nature du litige soumis aux premiers juges et la recevabilité des conclusions présentées en première instance :

4. Il résulte des articles 6, 2044 et 2052 du code civil que l'administration peut, ainsi que le rappelle désormais l'article L. 423-1 du code des relations entre le public et l'administration, afin de prévenir ou d'éteindre un litige, légalement conclure un protocole transactionnel, sous réserve de la licéité de l'objet de ce dernier, de l'existence de concessions réciproques et équilibrées entre les parties et du respect de l'ordre public.

5. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Il en résulte que des conclusions d'excès de pouvoir d'un tiers contre ces actes formellement détachables du contrat sont irrecevables.

6. Par ailleurs, les tiers à un contrat qui se prévalent d'intérêts auxquels l'exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine sont recevables à contester devant le juge de l'excès de pouvoir la légalité de l'acte administratif portant approbation de ce contrat. Ils ne peuvent toutefois soulever, dans le cadre d'un tel recours, que des moyens tirés de vices propres à l'acte d'approbation, et non des moyens relatifs au contrat lui-même.

7. Les actes d'approbation d'un contrat visés au point précédent sont seulement ceux qui émanent d'une autorité administrative de contrôle distincte des parties contractantes, qui concernent des contrats déjà signés et qui sont nécessaires à leur entrée en vigueur. Ne sont pas au nombre de ces actes ceux qui, même s'ils indiquent formellement approuver le contrat, participent en réalité au processus de sa conclusion.

8. Enfin, indépendamment des actions indemnitaires qui peuvent être engagées contre la personne publique, les recours relatifs à une subvention, qu'ils aient en particulier pour objet la décision même de l'octroyer, quelle qu'en soit la forme, les conditions mises à son octroi par cette décision ou par la convention conclue en application de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, ou encore les décisions de la personne publique auxquelles elle est susceptible de donner lieu, notamment les décisions par lesquelles la personne publique modifie le montant ou les conditions d'octroi de la subvention, cesse de la verser ou demande le remboursement des sommes déjà versées, ne peuvent être portés que devant le juge de l'excès de pouvoir, par le bénéficiaire de la subvention ou par des tiers qui disposent d'un intérêt leur donnant qualité à agir.

9. Il ressort des pièces du dossier que la délibération contestée, si elle mentionne qu'elle approuve le protocole transactionnel, ne constitue pas, en réalité, un acte d'approbation de ce contrat par une autorité extérieure aux parties conditionnant son entrée en vigueur, mais révèle une décision autorisant la conclusion de ce contrat non encore signé à la date d'édiction de cette délibération et, à ce titre, un acte indissociable de la décision d'engagement de la Métropole. Elle n'entre donc pas dans catégorie des actes qui peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir en application des règles rappelées aux points 5 et 6.

10. Le contrat en litige, à conclure entre l'Université de Lyon et la métropole de Lyon, a pour objet de mettre fin au différend les opposant suite à la sanction de l'illégalité, constitutive d'une faute de nature à ouvrir droit à indemnisation, de la délibération du 26 septembre 2013 précitée. La subvention allouée pour un montant de 905 000 euros à l'Université de Lyon a en effet été utilisée pour financer les actions prévues dans le cadre de la convention de subventionnement. Ce contrat prend ainsi acte des concessions réciproques des parties, en particulier, d'une part, l'engagement de la métropole de Lyon à verser à l'Université de Lyon une indemnité globale et forfaitaire de 700 000 euros en réparation de son préjudice consécutif à l'obligation pour elle de financer la restitution du montant de la subvention employée conforment à son objet, d'autre part, l'engagement de l'Université de Lyon à régler le titre exécutoire émis le 13 septembre 2019 et à se désister des deux requêtes citées au point 1 introduites devant le tribunal administratif de Lyon, désistements dont il lui a été donné acte par ordonnance du 12 mai 2020 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lyon. L'Université de Lyon a ainsi renoncé à solliciter l'indemnisation de l'intégralité du préjudice subi correspondant au montant de 905 000 euros de la subvention, en acceptant d'être dédommagée par la somme précitée de 700 000 euros. Un tel protocole transactionnel, qui n'a pas pour objet, en en tirant les conséquences, de priver d'effets l'arrêt de la cour du 12 février 2019 précité et ne méconnait ainsi aucune règle d'ordre public, a été conclu par deux personnes publiques afin d'éteindre un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative et constitue ainsi un contrat administratif. La délibération litigieuse autorisant la conclusion de ce protocole ne peut donc être regardée comme décidant l'octroi d'une subvention et donc susceptible à ce titre d'un recours pour excès de pouvoir dans le cadre rappelé au point 8. En vertu des règles rappelées au point 5, les tiers à ce contrat, comme en l'espèce M. E..., disposent exclusivement d'un recours de pleine juridiction.

11. Ainsi, le recours pour excès de pouvoir formé par M. E... contre la délibération n° CP-2020-3709 du 10 février 2020 de la commission permanente de la métropole de Lyon, qui n'est pas un acte dissociable du contrat dont elle approuve la conclusion, n'était pas recevable.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions que M. E..., partie perdante, a présentées sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre sur le même fondement à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à la métropole de Lyon.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... E... est rejetée.

Article 2 : M. E... versera à la métropole de Lyon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à la métropole de Lyon, et à la communauté d'universités et d'établissements " Université de Lyon ".

Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2021.

2

N° 20LY03401


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03401
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-01-04 Procédure. Introduction de l'instance. Intérêt pour agir.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL SKOV

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-06;20ly03401 ?
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