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29/04/2021 | FRANCE | N°20LY03772

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 29 avril 2021, 20LY03772


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2020 par lequel le préfet du Rhône a décidé de sa remise aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2008022 du 11 décembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2020, M. C..., représenté par Me B..., avocat, demande à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2020 par lequel le préfet du Rhône a décidé de sa remise aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2008022 du 11 décembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2020, M. C..., représenté par Me B..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 11 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2020 susvisé ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône d'enregistrer sa demande d'asile en France en procédure normale et, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de transfert est entachée d'un défaut de motivation, d'erreur de fait et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que l'article R. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les articles 5, 10 et 24 de ce règlement ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dans la mise en oeuvre des critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 5 février 2021, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- les observations de Me B... pour M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant nigérian né le 31 juillet 1995, déclare être entré irrégulièrement en France le 30 juillet 2020 et y a sollicité l'asile le 7 septembre 2020. La consultation du fichier européen Eurodac ayant fait apparaître qu'il avait demandé l'asile en Italie, le 7 juillet 2016, en Allemagne, le 22 avril 2018 et aux Pays-Bas, les 2 juin 2019 et 29 janvier 2020, les autorités françaises ont saisi les autorités allemandes, italiennes et néerlandaises d'une demande de reprise en charge de l'intéressé. Les Pays-Bas ont expressément refusé cette reprise en charge et les autorités allemandes ont explicitement accepté de réadmettre M. C... le 16 octobre 2020. Ce dernier relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2020 portant remise aux autorités allemandes responsables de sa demande d'asile.

Sur la légalité de la décision portant transfert aux autorités allemandes :

2. En premier lieu, M. C... reprend en appel le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de transfert aux autorités allemandes qui lui a été opposée le 6 novembre 2020. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par le premier juge.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possi­bilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règle­ment; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à carac­tère personnel. 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. C... a attesté, par sa signature apposée sur ce document, avoir reçu, en langue anglaise, soit dans une langue qu'il comprend, l'information relative aux règlements communautaires prévue à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 précité ainsi qu'il ressort du résumé de l'entretien individuel mené le 7 septembre 2020 par un agent de la préfecture, quand bien même il n'a apposé qu'une signature et non deux sur le récépissé attestant de la remise du guide du demandeur d'asile et des brochures " A " et " B " sur les informations pour les demandeurs d'une protection internationale et de l'information de l'article 5-6 du règlement. D'autre part, l'entretien individuel a été mené en anglais, par une personne du service, qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. Contrairement à ce que soutient l'appelant, les dispositions précitées n'imposent pas systématiquement la présence d'un interprète alors que M. C... ne soutient pas n'avoir pas pu exprimer à cette occasion toutes observations utiles ou ne pas avoir compris les termes de l'entretien. Le premier juge n'était pas tenu en outre de répondre à l'ensemble des arguments présentés par l'intéressé. Par suite, M. C... n'a été privé d'aucune des garanties prévues par les dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions doivent être écartés.

5. En troisième lieu, les dispositions de l'article R. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, invoquées par l'appelant, qui concernent l'information délivrée aux personnes dont l'examen de la demande d'asile relève de la France, sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 10 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Membres de la famille demandeurs d'une protection internationale : Si le demandeur a, dans un État membre, un membre de sa famille dont la demande de protection internationale présentée dans cet État membre n'a pas encore fait l'objet d'une première décision sur le fond, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. " Il ne ressort aucunement des pièces du dossier qu'avant la décision en litige M. C... aurait exprimé le souhait écrit que sa demande d'asile soit examinée aux Pays-Bas comme celle de son épouse, ainsi que le prévoient expressément les dispositions de l'article 10 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 10 de ce règlement doit donc être écarté.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 24 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatif à la " Présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsque aucune nouvelle demande a été introduite dans l'État membre requérant " : " 1. Lorsqu'un État membre sur le territoire duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b) (...), se trouve sans titre de séjour et auprès duquel aucune nouvelle demande de protection internationale n'a été introduite estime qu'un autre État membre est responsable conformément (...) à l'article 18, paragraphe 1, point b) (...), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. (...) " M. C... n'est pas fondé à se prévaloir de ces dispositions dès lors qu'il a déposé en France une demande d'asile le 7 septembre 2020 qui a donné lieu de la part de cet Etat à une demande de reprise en charge auprès des autorités italiennes, allemandes et néerlandaises.

8. En sixième lieu, selon l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil d'Etat, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI du règlement (UE) n° 604/2013.

9. Il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt n° C-582/217 et C-583/17 du 2 avril 2019, au point 52, que les b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 ne trouvent à s'appliquer que si l'Etat membre dans lequel une demande a été antérieurement introduite a achevé la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile en admettant sa responsabilité pour examiner cette demande et en a débuté l'examen, au point 58, que la procédure de reprise en charge est régie par des dispositions présentant des différences substantielles avec celles gouvernant la procédure de prise en charge et, aux points 65 à 72, que malgré le libellé " Obligations de l'Etat membre responsable " du chapitre V, l'interprétation selon laquelle une requête aux fins de reprise en charge ne pourrait être formulée que si l'Etat membre requis peut être désigné comme l'Etat responsable en application des critères de responsabilité énoncés au chapitre III du règlement est contredite par l'économie générale de ce règlement.

10. Les critères du chapitre III du règlement (UE) n°604/2013 ne sont susceptibles de fonder une décision de transfert que s'il s'agit d'un transfert en vue d'une première prise en charge, et non en vue d'une reprise en charge. Les dispositions de l'article 18-1, b) à d) de ce règlement doivent être regardées comme figurant au nombre des critères énumérés dans le règlement, au sens du 2 de l'article 3 du règlement. Par suite, lorsqu'une personne a antérieurement présenté des demandes d'asile auprès d'un ou de plusieurs Etats membres, avant d'entrer sur le territoire d'un autre Etat membre pour y solliciter de nouveau l'asile dans des conditions permettant à cet Etat de demander sa reprise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 b) , c) ou d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, sa situation ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement, qui concernent le cas dans lequel aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement.

11. Il ressort des pièces du dossier que, le 16 octobre 2020, les autorités allemandes ont explicitement accepté de reprendre en charge M. C... sur le fondement de l'article 18-1 b) du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, mettant ainsi fin au processus de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile. Par suite, contrairement à ce qu'il soutient, la situation de M. C... ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 en application desquelles, lorsqu'aucun aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen de cette demande. Il s'ensuit que M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en désignant l'Allemagne et non l'Italie comme Etat responsable de sa demande d'asile, le préfet du Rhône aurait fait une application erronée des critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile et des articles 3 et 18 du règlement n° 604/2013 susvisé.

12. La circonstance que M. C... produise devant la Cour, postérieurement à l'accord expresse des autorités allemandes à fin de réadmission, des éléments, non traduits du néerlandais, laissant supposer que son épouse a bien déposé au cours de l'année 2019 aux Pays-Bas une demande de protection internationale pour elle et leur fils né le 17 juillet 2019 n'a pas d'incidence sur la légalité de la décision de transfert qui lui a été opposée. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait, du défaut d'examen de sa situation personnelle sur ce point et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 avril 2021.

2

N° 20LY03772

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03772
Date de la décision : 29/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DACHARY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-29;20ly03772 ?
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