Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La commune de Ferney-Voltaire a demandé au tribunal administratif de Lyon :
- de condamner solidairement la société Mignola carrelages et le cabinet Xanadu à lui verser la somme de 240 179 euros hors taxes pour l'indemniser du coût de l'ensemble des études et travaux nécessaires à la reprise des malfaçons ainsi que la somme de 178 661,69 euros au titre des salaires versés et 130 823 euros au titre des pertes de recettes du fait de la fermeture de la piscine ;
- de mettre les frais d'expertise, d'un montant de 5 291,90 euros à la charge solidaire de la société Mignola carrelages et du cabinet Xanadu ;
- de mettre à la charge solidaire de la société Mignola carrelages et du cabinet Xanadu la somme de 18 293,41 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1703802 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a :
- condamné in solidum la société Mignola carrelages et M. H... représentant légal du cabinet Xanadu à verser la somme de 80 850 euros hors taxes soit 97 020 euros toutes taxes comprises à la commune de Ferney-Voltaire ;
- condamné la société Mignola carrelages à garantir le cabinet Xanadu de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 80 % et le cabinet Xanadu à garantir la société Mignola carrelages de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 20 % ;
- mis les frais de l'expertise à la charge in solidum de la société Mignola carrelages et du cabinet Xanadu ;
- mis à la charge in solidum de la société Mignola carrelages et du cabinet Xanadu la somme de 1 400 euros au profit de la commune de Ferney-Voltaire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
- rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 29 juin 2019, et des mémoires enregistrés les 22 octobre 2019 et 28 novembre 2019, la commune de Ferney-Voltaire, représentée par la Selarl Legitima, demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement susmentionné n° 1703802 du 29 mai 2019 du tribunal administratif de Lyon en ce qu'il fonde sa condamnation des constructeurs sur la responsabilité décennale et condamne solidairement la société Mignola carrelages et M. H... ;
2°) de réformer ce jugement concernant le montant du préjudice qu'elle a subi et en conséquence :
- de condamner solidairement la société Mignola carrelages et M. H... représentant légal du cabinet Xanadu à lui verser la somme de 276 983,59 euros TTC pour l'indemniser de l'ensemble des études et travaux nécessaires à la reprise des malfaçons ainsi que, au titre des pertes d'exploitation, la somme de 178 661,69 euros au titre des salaires versés et 130 823 euros au titre des pertes de recettes du fait de la fermeture de la piscine ;
- de condamner solidairement la société Mignola carrelages et M. H... représentant légal du cabinet Xanadu à l'indemniser des frais d'expertise qu'elle a avancés, d'un montant de 5 291,90 euros ;
- de mettre à la charge solidaire de la société Mignola carrelages et de M. H... représentant légal du cabinet Xanadu la somme de 18 293,41 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal de commerce de Chambéry ayant ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la société Mignola Carrelage le 14 octobre 2019, le mandataire judiciaire, Me B... E..., doit être attrait à l'instance ;
- les désordres relèvent de la responsabilité décennale des constructeurs dès lors qu'ils font courir un risque aux usagers de la piscine et qu'ils rendent l'ouvrage impropre à sa destination, comme l'a retenu le jugement contesté ;
- la responsabilité décennale de la société Mignola carrelage et de M. H..., représentant légal du cabinet Xanadu, est engagée pour les motifs retenus par le jugement contesté, y compris pour les désordres affectant la pose des faïences murales et les carreaux des douches et les carreaux des bassins, pour lesquels le maître d'oeuvre avait un rôle de direction de chantier et notamment de vérification que le travail effectué par l'entreprise était conforme aux règles de l'art, aux documents techniques unifiés ainsi qu'à la notice du produit utilisé ;
- le jugement contesté n'a pas pris en compte l'ensemble du préjudice qu'elle a subi et a renversé la charge de la preuve en demandant que ce soit le maître de l'ouvrage qui démontre le quantum de son préjudice, alors qu'il appartenait aux constructeurs d'établir que les travaux n'étaient pas liés aux désordres constatés par l'expert dès lors que la responsabilité décennale est une responsabilité de plein droit ;
- le jugement contesté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des éléments de preuve du préjudice qu'elle a apportés ;
- le montant définitif du préjudice dépendait des investigations complémentaires qui sont indispensables à la suite du rapport d'expertise ;
- au titre des études et travaux nécessaires à la reprise des malfaçons (réfection du carrelage), son préjudice est de 276 983,59 euros TTC (230 919,66 euros HT), ayant dû réaliser des travaux plus importants du fait du caractère évolutif des malfaçons constatées par l'expert, qui ne pouvaient pas être effectués aux seules périodes de fermeture de la piscine ;
- au titre des pertes d'exploitation du fait de l'obligation de fermer la piscine pendant une durée de cinq mois, son préjudice est de 178 661,69 euros au titre des salaires versés d'avril à septembre 2018 au personnel affecté à la piscine sans pouvoir réaliser un travail en contrepartie compte tenu de sa spécialisation et de l'absence de surcroit de travail permettant de l'affecter à des tâches nouvelles et de 130 823 euros au titre des pertes de recettes qu'elle pouvait espérer pendant la période tant des utilisateurs personnes physiques que des utilisateurs institutionnels ;
- au titre des frais d'expertise, son préjudice est de 5 291,90 euros ;
- au titre des frais non compris dans les dépens, ses frais d'avocat au regard des factures transmises sont de 18 293,41 euros.
Par des mémoires enregistrés les 10 octobre et 23 décembre 2019, M. A... H..., architecte exerçant sous l'enseigne Xanadu, représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) par la voie de l'appel incident, d'annuler les articles 1 à 4 du jugement contesté en ce qu'ils le condamne à payer des sommes pour les désordres affectant les faïences murales et les douches homme et les petits et grands bassins ;
2) à tout le moins, de confirmer le jugement contesté sur les responsabilités concernant les désordres affectant les petits et grands bassins et limiter sa part de responsabilité à 20 % ;
3°) de répartir les frais d'expertise en fonction des responsabilités finales et à minima 90 % à la charge de la société Mignola Carrelages ;
4°) de limiter les condamnations au titre des travaux de reprise au titre de la reprise des carrelages des petits et grands bassins à la somme de 30 400 euros HT et rejeter le surplus des demandes ;
5°) de confirmer le jugement contesté en ce qu'il a rejeté les demandes au titre des salaires versés et des pertes d'exploitation, réduit les frais de procédure et rejeter les autres demandes au titre des autres préjudices directs et indirects ;
6°) de rejeter la demande de condamnation in solidum dirigée contre lui ;
7°) par la voie de l'appel provoqué, d'annuler partiellement le jugement contesté en ce qu'il n'a reconnu son recours en garantie contre la société Mignola Carrelages qu'à hauteur de 80 % ;
8°) par la voie de l'appel provoqué, en cas de condamnation in solidum à payer des sommes à la commune de Ferney-Voltaire, de condamner la société Mignola Carrelages à le relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre concernant les désordres affectant les faïences murales et les carrelages des douches homme, dans leur intégralité, des condamnations prononcées à son encontre concernant les désordres au titre des décollements et fissurations des carrelages des petits et grands bassins et autres zones affectées de désordres, et à minima à hauteur de 80 %, des autres condamnations prononcées à son encontre, notamment celles au titre des pertes d'exploitation et de recette, salaires versés, préjudice de jouissance, autres préjudices, dépens, frais d'expertise judiciaire compris, et article L. 761-1 du code de justice administrative, et à tout le moins à hauteur de 90 % ;
9°) de rejeter les appels en garantie formés à son encontre par la société Mignola Carrelages ;
10°) de mettre à la charge de la commune de Ferney-Voltaire ou de tout succombant la somme de 3 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les liquidateurs judiciaires de la société Mignola Carrelages, la Selarl Etude Bouvet et Guyonnet et la SCP BTSG, doivent être appelés en cause ;
- le jugement contesté sera confirmé en ce qu'il a retenu l'application des principes régissant la responsabilité décennale des constructeurs ;
- sa responsabilité ne peut être engagée concernant les désordres affectant les faïences murales et les carrelages des douches homme dès lors qu'il n'a commis aucune faute ;
- il n'a commis aucune faute concernant les désordres affectant les petits et grands bassins en l'absence d'analyse de la chape et du double encollage, qui est la véritable cause des désordres, la vérification du temps de séchage de la chape relevant de l'entreprise ; à tout le moins, sa responsabilité sera limitée à 20 % ;
- la responsabilité décennale emporte présomption de responsabilité et non de préjudice ;
- le montant des travaux de reprise des carrelages autour des bassins doit être limité à la somme de 30 400 euros HT correspondant au coût des travaux nécessaires à la reprise des zones affectées par les désordres constatés contradictoirement lors des opérations d'expertise, l'estimation par l'expert de 65 000 euros HT n'étant pas justifiée dans son principe et son quantum ;
- le montant de 276 983,59 euros TTC (au lieu de 240 179 euros en première instance) sollicité par la commune n'est pas justifié et les travaux ainsi évalués ne sont pas liés aux désordres qui ont fait l'objet du rapport d'expertise ;
- le préjudice au titre des pertes de salaires n'est pas justifié dans son principe et son quantum, alors que les frais de personnel sont des charges fixes et sont intégrés dans le coût du prix d'entrée ;
- le préjudice au titre des pertes de recettes est infondé dans son principe et son quantum, alors que ne peut être indemnisée qu'une perte de marge sur coûts variables sous déduction des économies de frais fixes ;
- la commune a contribué à son propre préjudice en faisant le choix de faire réaliser les travaux pendant une période de forte affluence ;
- la demande de 18 293,41 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est très excessive et sera rejetée ; elle sera en tout cas réduite à de plus justes proportions ;
- la demande de condamnation in solidum sera rejetée en l'absence de preuve apportée par la commune des fautes ayant entraîné l'entier dommage ;
- en cas de condamnation in solidum, il sera relevé et garanti par la société Mignola Carrelages des condamnations prononcées à son encontre compte tenu des fautes commises par cette société telles que relevées par l'expert ;
- à défaut de condamnation, la cour fixera, en application de l'article L. 622-24 du code de commerce, au passif de la société Mignola Carrelages sa créance, à hauteur du montant des condamnations mises à sa charge ;
- les appels en garantie formés à son encontre par la société Mignola Carrelages seront rejetés.
Par un mémoire enregistré le 10 octobre 2019, la société Mignola Carrelages, représentée par Me D... de la SCP Bessault-D...-Saint-André, demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête et de ramener le montant des travaux de reprise à la somme de 30 400 euros HT ;
2°) par la voie de l'appel provoqué, de condamner M. A... H... à la relever et la garantir de toutes condamnations qui seraient mises à sa charge au profit de la commune de Ferney-Voltaire en principal, intérêts, frais, accessoires et dépens dans une proportion qui ne saurait être inférieure à 50 % des sommes qui seront fixées par la Cour ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Ferney-Voltaire la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'expert n'a pas accepté de faire des investigations complémentaires permettant de déterminer si l'étanchéité (absence d'adhérence du revêtement d'étanchéité) était la cause d'une partie des désordres relevés ;
- les demandes de la commune sont mal fondées faute d'éléments de preuve et manifestement excessives ;
- les travaux réalisés au-delà de l'enveloppe financière fixée par l'expert ne sont pas justifiés, la commune ayant pris la décision de faire réaliser des travaux de plus grande envergure afin de repartir sur un ouvrage totalement neuf ;
- il appartient à la commune de démontrer la nécessité des travaux réalisés ;
- l'évaluation de l'expert comprend des zones sans désordre ;
- les travaux de reprise devront être évalués à la somme de 30 400 euros HT, correspondant à son devis non contesté techniquement ;
- la fermeture de la piscine n'a été nécessaire que parce que la commune a décidé une reprise intégrale nécessitant une durée de cinq mois de travaux, alors qu'elle aurait pu reprendre les désordres ponctuels pendant la période de fermeture de la piscine, sans préjudice pour elle ; subsidiairement et dans tous les cas, si la cour devait retenir une période de fermeture, il y aurait lieu de ne retenir qu'une période de six semaines de travaux, comme retenue par l'expert ;
- la perte de recettes n'est pas justifiée alors que l'expert financier de l'assureur de M. H... a relevé que l'exploitation des piscines publiques est souvent déficitaire et que les périodes d'arrêt de fonctionnement ne sont pas des périodes de perte d'exploitation mais plus souvent des périodes d'économies ; la commune est elle-même, par son choix de réaliser les travaux de mai à septembre, l'auteur et la cause de son préjudice ;
- la demande au titre de la perte de salaire est infondée dès lors que le personnel constitue pour un établissement des frais fixes qui doivent être exposés quelle que soit la situation d'exploitation de l'ouvrage ;
- indemniser la commune au titre des pertes de recettes et des frais de personnel, qui sont des charges d'exploitation, reviendrait à lui payer deux fois le même préjudice ;
- la demande présentée à hauteur de 18 000,00 euros au titre des frais irrépétibles est totalement déraisonnable et parfaitement inéquitable ;
- elle sera relevée et garantie par M. A... H..., maître d'oeuvre, dans une proportion minimum de 50 % pour toutes condamnations qui seraient mises à sa charge au profit de la commune de Ferney-Voltaire en principal, intérêts, frais, accessoires et dépens, compte tenu de sa part de responsabilité dans les désordres au titre de sa mission OPC (opérations de pilotage de chantier) et de sa mission de direction des travaux.
La clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2020 par une ordonnance du 24 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code civil ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;
- le décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;
- le décret n°99-443 du 28 mai 1999 relatif au cahier des clauses techniques générales applicables aux marchés publics de contrôle technique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F... ;
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;
- les observations de Me G... pour la commune de Ferney-Voltaire et celles de Me C... pour M. A... H..., architecte exerçant sous l'enseigne Xanadu ;
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Ferney-Voltaire a confié la maîtrise d'oeuvre des travaux de restructuration et d'extension de sa piscine municipale à un groupement dont le cabinet Xanadu architectes, était mandataire. Le lot n° 13 " revêtement carrelage - faïences " a été attribué à la société Mignola carrelages. Les travaux ont été réceptionnés avec des réserves qui ont été levées le 8 novembre 2006. Dès l'année 2008, des désordres affectant le carrelage et les faïences ont été signalés. A la demande de la commune, une expertise judiciaire a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon. La commune de Ferney-Voltaire a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner solidairement la société Mignola carrelages et le cabinet Xanadu à l'indemniser des conséquences dommageables des désordres précités. Par un jugement n° 1703802 du 29 mai 2019, dont la commune de Ferney-Voltaire relève appel, le tribunal administratif de Lyon a partiellement satisfait sa demande.
Sur la responsabilité décennale des constructeurs :
2. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables. Par ailleurs, un constructeur dont la responsabilité est recherchée par le maître d'ouvrage n'est fondé à demander à être garanti par un autre constructeur que si et dans la mesure où les condamnations qu'il supporte correspondent à un dommage imputable à ce constructeur.
3. En l'espèce, le caractère décennal des désordres, qui consistent en des décollements des faïences murales et des décollements et fissurations des carreaux et qui sont généralisés, évolutifs et emportent des risques pour les usagers de l'ouvrage, n'est pas contesté. Comme l'ont relevé les premiers juges au point 8 du jugement contesté, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise judiciaire, que ces désordres sont imputables d'une part au maître d'oeuvre, en particulier à M. A... H..., architecte, exerçant sous l'enseigne Xanadu, et d'autre part, à la société Mignola carrelages attributaire du lot n° 13 " revêtement carrelage - faïences ". Leur responsabilité décennale in solidum est donc engagée, sans que M. H..., puisse utilement faire valoir qu'il n'a pas commis de faute en lien avec les désordres affectant les faïences murales et les carrelages des douches homme et ceux affectant les petits et grands bassins, en tirant argument de l'absence d'analyse de la chape et du double encollage, alors qu'en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle analyse s'imposait compte tenu des constatations de l'expert. Si la société Mignola Carrelages, qui ne conteste au demeurant pas sa responsabilité décennale, se plaint de ce que l'expert n'a pas accepté de mener des investigations complémentaires sur l'étanchéité, il ne résulte pas davantage de l'instruction que l'absence d'adhérence du revêtement d'étanchéité serait à l'origine des désordres.
Sur les préjudices :
- Concernant les travaux de reprise des désordres :
4. Comme indiqué par les premiers juges, l'expert a évalué le coût global des travaux à la somme de 74 850 euros HT, soit 97 020 euros toutes taxes comprises. Cette évaluation tient compte du caractère évolutif des désordres affectant les carreaux rendant un son creux, sur les plages des petits et grands bassins, puisqu'elle tient compte du coût de la reprise complète des revêtements des sols carrelés au droit des plages des petits et grands bassins, y compris la démolition de l'existant, pour un montant de 65 000 euros HT. L'expert a évalué la durée des travaux à six semaines, y compris l'installation et le repliement de chantier. Si la commune de Ferney-Voltaire produit l'acte d'engagement conclu pour les travaux de réhabilitation des surfaces de faïences et de carrelage du centre nautique de Ferney Voltaire pour un montant de 230 819,66 euros HT, soit 276 983,59 euros TTC, elle ne démontre pas que l'intégralité de ces travaux, réalisés pendant cinq mois entre mai et septembre 2018, dont le montant excède très sensiblement celui retenu par l'expert, sont tous directement liés à la reprise des désordres retenus par l'expert et imputables aux opérateurs condamnés. A cet égard, l'attestation du directeur des services techniques communaux et celle du maître d'oeuvre missionné pour ces travaux de reprise, qui font état de la mise à jour de nombreuses malfaçons après dépose du matériel (sanitaires, bâti support, robinetterie, faux plafond), sans lien avec les désordres, ne sont pas déterminantes. La commune n'est pas fondée à soutenir que le tribunal, qui aurait selon elle renversé la charge de la preuve, n'a pas pris en considération l'ensemble de son préjudice, alors qu'il lui appartenait d'établir que ses prétentions, qui s'écartaient considérablement du chiffrage retenu par l'expert, étaient directement liées aux désordres décennaux précités. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont limité le montant de la réparation du préjudice lié à la réfection des carrelages à la somme précitée de 97 020 euros toutes taxes comprises.
- Concernant les salaires versés et les pertes de recettes :
5. Les dépenses de personnel constituent des frais fixes que la commune aurait nécessairement supportés même si les désordres n'étaient pas survenus, alors qu'en tout état de cause, elle ne démontre pas que les agents dont les fiches de paie sont produites étaient affectés exclusivement à la piscine municipale, sans pouvoir être réaffectés sur d'autres missions durant la période de fermeture. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Ferney-Voltaire aurait subi un préjudice financier, qu'elle déduit du constat d'une perte de recettes, à raison de la fermeture de la piscine, compte tenu des coûts de fonctionnement autres que de personnel d'un tel ouvrage qui ont été nécessairement réduits pendant cette même période. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté ces deux chefs de préjudices.
Sur les appels en garantie :
6. Dès lors qu'il résulte de ce qui précède que la solution donnée à l'appel principal n'est pas susceptible d'aggraver la situation de M. A... H..., architecte exerçant sous l'enseigne Xanadu, et de la société Mignola Carrelages, les appels en garantie formés réciproquement par ces parties par la voie de l'appel provoqué doivent être rejetés.
Sur les dépens :
7. Si la commune de Ferney-Voltaire demande de réformer le jugement concernant les frais d'expertise et en conséquence de condamner solidairement la société Mignola carrelages et M. H... à l'indemniser des frais d'expertise qu'elle a avancés, d'un montant en réalité de 5 231,90 euros tel que liquidé par ordonnance du 9 mars 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon, elle doit être regardée comme sollicitant en réalité la confirmation de ce jugement, qui a mis les frais de l'expertise à la charge in solidum de la société Mignola carrelages et du cabinet Xanadu.
Sur les frais non compris dans les dépens exposés par la commune de Ferney-Voltaire devant le tribunal administratif :
8. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné solidairement la société Mignola carrelages et le cabinet Xanadu à verser la somme de 1 400 euros à la commune de Ferney-Voltaire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif ait fait une inexacte appréciation du montant des frais exposés en première instance par la commune de Ferney-Voltaire. Par suite, les conclusions de ladite commune tendant à la réformation de l'article 4 du jugement attaqué doivent être rejetées.
Sur les frais non compris dans les dépens exposés en appel :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. H... représentant légal du cabinet Xanadu et la société Mignola carrelages, désormais représentée par M. B... E..., administrateur judiciaire, et la société Etude Bouvet et Guyonnet et la société BTSG2, liquidateurs judiciaires.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Ferney-Voltaire est rejetée.
Article 2 : Les appels incidents et les appels provoqués, ainsi que leurs conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de M. H... représentant légal du cabinet Xanadu et de la société Mignola carrelages sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Ferney-Voltaire, M. A... H..., architecte exerçant sous l'enseigne Xanadu, et à la société Mignola carrelages, désormais représentée par M. B... E..., administrateur judiciaire, et la société Etude Bouvet et Guyonnet et la société BTSG2, liquidateurs judiciaires. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
M. F..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2021.
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N° 19LY02483