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27/04/2021 | FRANCE | N°20LY01216

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 27 avril 2021, 20LY01216


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2019, par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'annuler la décision du 4 décembre 2019 par laquelle le préfet de l'Isère l'a assigné à résidence.

Par jugement n° 1907966, 2000409 lu le 24 janvier 2020, le magistrat désigné par le présiden

t du tribunal, renvoyant à la formation collégiale la demande d'annulation de l'instance n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2019, par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'annuler la décision du 4 décembre 2019 par laquelle le préfet de l'Isère l'a assigné à résidence.

Par jugement n° 1907966, 2000409 lu le 24 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal, renvoyant à la formation collégiale la demande d'annulation de l'instance n° 1907966 dirigée contre le refus de titre de séjour et la demande d'injonction y afférente, a rejeté la demande de l'instance n° 1907966 de M. A... dirigée contre l'obligation de quitter le territoire sous trente jours, la fixation du pays de destination et l'assignation à résidence.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 27 mars 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et de la fixation du pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, dans le délai d'un mois et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour et de travail sous deux jours sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement a irrégulièrement statué en dépit de la demande de renvoi présentée en raison d'une grève des avocats et de la demande de renvoi pour avis au Conseil d'État et à la Cour de justice de l'Union Européenne ;

- le jugement attaqué a méconnu le droit de grève ;

- c'est irrégulièrement que le jugement écarte comme inopérants les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 313-15, L. 313-7 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du défaut d'examen sérieux, de l'erreur manifeste d'appréciation, de la motivation et de la méconnaissance par le préfet de l'étendue de sa compétence, sans que ces moyens aient été regardés comme des branches de l'exception d'illégalité du refus de séjour ;

- au fond, l'arrêté du 23 juillet 2019 est illégal en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour, lui-même entaché d'incompétence, d'une insuffisante motivation, d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle, de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance de l'étendue de sa compétence par le préfet, de la méconnaissance des dispositions des articles L. 313-7 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de destination seront annulées en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ; ces décisions sont entachées d'incompétence ;

- elles sont elles-mêmes entachées d'incompétence de leur signataire, de méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience public :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité ivoirienne né le 3 mai 2001 est entré irrégulièrement sur le territoire français en août 2017 et, compte tenu de sa qualité de mineur, a été confié par jugement en assistance éducative du 8 septembre 2017 aux services de l'aide sociale à l'enfance. Il a sollicité le 12 mars 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-15, L. 313-7 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 juillet 2019, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer le titre sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, arrêté qu'il a contesté par une requête enregistrée le 4 décembre 2019 sous le n° 1907966 devant le tribunal administratif de Grenoble. Par un autre arrêté du 4 décembre 2019, le préfet de l'Isère l'a assigné à résidence. M. A... a contesté ce dernier arrêté le 21 janvier 2020 sous une requête enregistrée sous le n° 2000409 devant le même tribunal. M. A... relève appel du jugement n° 1907966, 2000409 lu le 24 janvier 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination et le surplus des conclusions de la requête n° 2000409.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence (...) ". Aux termes de l'article L. 6 du même code : " Les débats ont lieu en audience publique ". Aux termes de l'article R. 776-22 du code de justice administrative : " L'étranger peut, au plus tard avant le début de l'audience, demander qu'un avocat soit désigné d'office. Il en est informé par le greffe du tribunal au moment de l'introduction de sa requête. / Quand l'étranger a demandé qu'un avocat soit désigné d'office, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné en informe aussitôt le bâtonnier (...) Le bâtonnier effectue la désignation sans délai ". Aux termes de l'article R. 776-24 du même code, relatif au déroulement de l'audience : " Après le rapport fait (...) par le magistrat désigné, les parties peuvent présenter en personne ou par un avocat des observations orales. Elles peuvent également produire des documents à l'appui de leurs conclusions. Si ces documents apportent des éléments nouveaux, le magistrat demande à l'autre partie de les examiner et de lui faire part à l'audience de ses observation ". Enfin, aux termes de l'article R. 776-26 du code : " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience. "

3. Il résulte de ces dispositions combinées, dans le champ desquelles entre le litige soumis par M. A... au tribunal administratif compte tenu de l'assignation à résidence qui a été prononcée à son encontre, d'une part, qu'en dérogation à la procédure juridictionnelle écrite de droit commun, l'instruction contradictoire se poursuit à l'audience et la clôture de l'instruction est prononcée à l'issue du débat oral, d'autre part, que la présence de l'avocat n'est pas une condition requise pour la tenue de l'audience. Il revient, en conséquence, à l'auxiliaire de justice désigné pour assurer la représentation de son client dans un litige que la loi soumet à des délais brefs et contraints, de faire son affaire des conséquences de son indisponibilité, quelqu'en soit le motif, réserve faite de motifs impérieux tirés des exigences du contradictoire. Il suit de là que la demande de report d'audience en raison de la participation volontaire de l'avocat désigné à un mouvement social n'a pu emporter, à peine d'irrégularité de la procédure suivie, obligation pour le juge d'y faire droit. En outre, le respect du droit de grève n'étant pas au nombre des principes sanctionnés par les dispositions précitées, son invocation est dépourvue d'effet utile sur la régularité de la procédure suivie.

4. La demande de renvoi pour avis au Conseil d'État ou pour question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union Européenne s'analysent, non comme des conclusions ou des moyens, mais comme des exceptions de procédure. Par suite, le jugement attaqué n'avait pas à les écarter expressément, dès lors qu'il statuait sur le fond du litige et justifiait par les mentions de ses visas de la procédure suivie.

5. En second lieu, à supposer que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 313-15, L. 313-7 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du défaut d'examen sérieux, de l'erreur manifeste d'appréciation, de motivation, de la méconnaissance par le préfet de l'étendue de sa compétence dans l'application de ces dispositions aient été écartés à tort comme inopérants à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, un tel vice affecterait le fond du litige, non la régularité du jugement, M. A... n'ayant, au surplus, pas invoqué l'exception d'illégalité du refus de séjour.

Sur les moyens communs aux décisions en litige :

6. En premier lieu, Mme Chloé Lombard, secrétaire générale adjointe de la préfecture de l'Isère, disposait d'une délégation de signature par arrêté du 1er septembre 2018, régulièrement publié pour prendre l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque en fait.

7. En deuxième lieu, l'arrêté du 23 juillet 2019 portant refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à M. A... comporte les motifs de droit et de fait qui le fondent et est dès lors suffisamment motivé.

8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère se serait abstenu d'examiner la situation personnelle de M. A....

9. En quatrième lieu et d'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire (...) qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".

10. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge, saisi d'un moyen en ce sens de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste sur l'appréciation ainsi portée de la situation personnelle de l'intéressé.

11. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... répond aux conditions d'âge, de prise en charge par l'aide sociale à l'enfance et de suivi d'une formation professionnelle et si sa demande fait l'objet d'un avis favorable de la structure d'accueil, son insertion sociale n'est attestée par aucun élément concret tandis qu'il conserve de fortes attaches familiales en Côte d'Ivoire où vivent sa père, deux frères et une demi soeur avec qui il lui appartient de renouer dès lors qu'aucune contrainte extérieure à sa volonté n'y fait obstacle. Au regard de ces critères, qui ont tous été examinés car recueillis par l'administration à l'occasion de l'instruction de la demande de titre dont elle était saisie, le préfet a pu, sans erreur manifeste d'appréciation, regarder comme insuffisant le bilan de la présence de M. A... en France pour compenser les liens qu'il conserve en Côte d'Ivoire et qui doivent lui permettre de ne pas y être isolé.

12. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France (...) ".

13. À la date de l'arrêté en litige, M. A..., qui n'était pas entré en France en possession d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois et n'en disposait pas davantage à la date de sa demande, suivait un cycle de formation en vue d'obtenir un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) Commercialisation et Services en Hôtel-Café-Restauration. En l'absence du visa exigé par les stipulations précitées, le préfet de l'Isère pouvait légalement lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant.

14. Enfin, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée (...) à l'étranger (...) dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ".

15. La seule scolarisation de l'intéressé, sa motivation et ses qualités humaines ainsi que les liens amicaux tissés sur le territoire français ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées. Par suite, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... sur ce fondement, le préfet de l'Isère n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

16. Il ressort des points 9 à 15 que l'exception d'illégalité du refus de titre, prise en toutes ses branches, doit être écartée.

Sur les moyens dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français :

17. M. A... est récemment arrivé en France tandis qu'il conserve toutes ses attaches familiales en Côte d'Ivoire. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire aurait porté une atteinte excessive aux droits protégés par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

18. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes à fin d'annulation et d'injonction sous astreinte. Les conclusions de sa requête présentées aux mêmes fins doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

19. Les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 par M. A..., partie perdante, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

Mme Djebiri, premier conseiller ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.

N° 20LY01216 2

cm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01216
Date de la décision : 27/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : VIGNERON

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-27;20ly01216 ?
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