Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. H... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 mai 2017 par lequel le maire de Charpey a délivré un permis de construire une maison individuelle à M. C... et Mme G... sur une parcelle cadastrée ZP n° 225 située au lieu-dit Le Bois Percé Saint Didier.
Par un jugement n° 1706080 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 août 2019 et 27 février 2020, M. H... E..., représenté par la SELARL Baudelet et Pinet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 juin 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté de permis de construire du 11 mai 2017 ;
3°) de condamner la commune de Charpey à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a intérêt à agir ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UC 3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU), compte tenu de l'étroitesse de la voie de desserte, ne permettant pas aux véhicules de se croiser, ni le passage des véhicules de secours et de l'absence d'aire de retournement ; la voie ne répond pas aux caractéristiques prescrites par l'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation qui imposent une largeur minimum de trois mètres, bandes réservées au stationnement exclues ; l'accès aux places de stationnement que prévoit le projet induira des manoeuvres sur la voie publique ; le PLU prescrit la création de " trapèzes " sur la parcelle pour la manoeuvre des véhicules, mutualisés selon les principes du schéma contenu dans le PLU en cas de terrain bâti divisé, ce qui est le cas contrairement à ce qu'on retenu les premiers juges ;
- contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, le projet méconnaît les articles UC 4 et UC 5 du règlement du PLU, dès lors que la superficie de la parcelle ne permettra pas de réaliser un dispositif d'assainissement autonome ; au surplus, l'assainissement est implanté à moins de cinq mètres des constructions, en méconnaissance de la règle de distance prescrite par la norme du DTU 64-1 ; le projet méconnaît encore l'article UC 4 du règlement du PLU faute de prévoir un emplacement destiné à accueillir les conteneurs d'ordures ménagères ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UC 12 du règlement du PLU, dès lors que le projet prévoit la construction d'un garage qui ne permet pas d'accueillir deux véhicules ; il ne satisfait pas à l'exigence de prévoir une superficie de 25 m2 pour chaque place de stationnement ;
- le projet méconnaît les dispositions de l'article UC 13 en ce qu'il ne prévoit pas de plantation en limite de parcelle.
Par des mémoires, enregistrés les 14 novembre 2019 et 8 décembre 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. et Mme B..., représentés par Me D..., concluent au rejet de la requête, subsidiairement à l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur intervention est recevable ;
- le requérant n'a pas d'intérêt à agir contre le permis de construire ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 janvier 2020, la commune de Charpey, représentée par la SELARL Retex Avocats, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à l'application des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le requérant n'a pas d'intérêt à agir contre le permis de construire ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- l'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation, modifié ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme I... F..., première conseillère,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me A... pour la commune de Charpey et celles de Me D... pour M. et Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. E... relève appel du jugement du 27 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2017 par lequel le maire de Charpey a délivré un permis de construire une maison individuelle à M. C... et Mme G... sur une parcelle cadastrée ZP n° 225 située au lieu-dit Le Bois Percé Saint Didier.
Sur l'intervention de M. et Mme B... :
2. M. et Mme B..., en leur qualité de propriétaires de la parcelle en litige, cédée sous compromis de vente consenti aux pétitionnaires sous condition suspensive de délivrance d'un permis de construire définitif, ont intérêt au maintien du permis de construire du 11 mai 2017 et à la confirmation du jugement attaqué. Par suite, leur intervention doit être admise.
Sur l'intérêt pour agir de M. E... :
3. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne (...) n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ".
4. M. E... est nu-propriétaire de parcelles situées en face du projet de construction en litige. Il fait valoir notamment la proximité de ce projet et ses conséquences sur les conditions de circulation sur la voie communale qui dessert son habitation Il justifie suffisamment, eu égard à sa situation particulière de voisin immédiat du projet, de son intérêt pour agir contre le permis en litige.
Sur la légalité du permis de construire du 11 mai 2017 :
5. En premier lieu, aux termes de l'article UC 3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) : " Dispositions concernant les accès : (...) Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique. Ils doivent permettre de satisfaire les exigences de la sécurité des biens et des personnes, de la défense contre l'incendie, du déneigement et la collecte des ordures ménagères (...) / Lorsque les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès (cette sécurité est appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic), le portail devra être installé en retrait de l'alignement avec création d'un " trapèze " sur la parcelle pour la manoeuvre afin de permettre le stationnement des véhicules (sans empiéter sur les emprises publiques). / (...) Dispositions concernant les voiries publiques et privées : Les voies doivent avoir des caractéristiques adaptées aux usages qu'elles supportent ou aux opérations qu'elles doivent desservir. / L'emprise minimum de la plate-forme est de 5 m pour l'habitat individuel, une emprise supérieure pourra être imposée selon l'importance de l'opération envisagée. / Les voies en impasse doivent être aménagées de telle sorte que les véhicules puissent faire demi-tour ".
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet est desservi par le chemin communal dit du Bois Perçé, voie communale dont la largeur est réduite en certains points mais qui offre une bonne visibilité et qui dessert seulement quelques habitations et est ainsi peu empruntée. Il n'est pas établi que l'accès des véhicules à la construction projetée et leur sortie nécessiteraient des manoeuvres sur la voie publique et présenterait un danger pour la sécurité publique. Dans ces conditions, le requérant ne peut se prévaloir utilement de l'obligation de créer des trapèzes pour le stationnement des véhicules qui ne concerne en vertu du règlement du PLU que les terrains dont les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers, appréciée au regard de la position des accès, de leur configuration et de la nature et de l'intensité du trafic.
7. D'autre part, si l'arrêté interministériel du 31 janvier 1986 qui impose des prescriptions en matière de lutte contre l'incendie aux bâtiments destinés à l'habitation précise, en son article 4, les caractéristiques techniques devant être présentées par une " voie engin " accessible aux engins de lutte contre l'incendie, cette disposition, combinée avec l'article 3 du même arrêté, ne s'applique pas à des habitations individuelles isolées, jumelées ou en bandes. Le moyen tiré de leur méconnaissance doit ainsi être écarté comme inopérant.
8. Enfin, les dispositions concernant les voiries de l'article UC 3 sont relatives à l'aménagement des voies nouvelles et n'ont pas pour objet, à la différence de celles concernant les accès, de définir les conditions de constructibilité des terrains situés dans la zone concernée. Par suite, elles ne font pas obstacle à la délivrance d'un permis de construire en vue de l'édification d'une maison desservie par des voies construites avant leur adoption. Les moyens tirés de ce que le chemin communal dit du Bois Perçé présente une largeur inférieure à cinq mètres et de l'absence d'aire de retournement ne peuvent par suite qu'être écartés.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article UC 4 du règlement du PLU : " Assainissement : La zone UC est une zone d'assainissement collectif existant, excepté le secteur UCa qui relève de l'assainissement non collectif (autonome). / Toute construction (...) doit être pourvu[e] d'un réseau séparatif eaux usées - eaux pluviales, et satisfaire la réglementation locale en vigueur. / (...) Ordures ménagères : Toute opération d'aménagement créant plus de 3 lots à destination d'habitation devra être dotée d'emplacements spécifiques destinés à accueillir les conteneurs d'ordures ménagères. " Et aux termes de l'article UC 5 de ce règlement : " En l'absence de réseau d'assainissement collectif (...), l'autorisation de construire peut être refusée sur les tènements dont les caractéristiques géologiques et physiques (nature, pente, surface, largeur, etc.) ne permettraient pas d'assurer sur place un assainissement autonome conforme aux dispositions réglementaires en vigueur, et après recommandations techniques des services compétents. "
10. D'une part, si le requérant reproche aux pétitionnaires de ne pas avoir fourni d'étude de sol avant d'envisager l'installation d'un système d'assainissement autonome, le permis de construire pouvait en tout état de cause être délivré sans la production d'une telle étude qui ne fait pas partie des pièces requises pour la constitution d'un dossier de demande de permis de construire, limitativement énumérées et que la commune ne pouvait légalement exiger en application de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme. Il n'est pas établi, alors que le projet a fait l'objet d'un avis favorable sans réserve du service public d'assainissement non collectif, que l'installation d'assainissement autonome ne pourrait être réalisée en raison de la surface de la parcelle. Il ressort de cet avis du 7 septembre 2016 que, comme le révèle également le plan de masse, l'implantation des tranchées d'infiltration se fera bien à cinq mètres de l'habitation. Le moyen selon lequel le projet ne respecterait pas cette distance minimale prescrite par la " norme DTU ", qui ne constitue pas une norme d'urbanisme opposable au permis de construire doit, en tout état de cause, être écarté.
11. D'autre part, le moyen tiré de l'absence d'emplacement destiné à accueillir les conteneurs d'ordures ménagères doit être écarté par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article UC 12 du règlement du PLU : " Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions et installations doit être assuré en dehors des voies publiques. / La superficie à prendre en compte pour le stationnement d'un véhicule est de 25m, accès et espaces de dégagement compris. / Pour les constructions à usage d'habitation, il est exigé 2 places de stationnement par logement. "
13. Il ne résulte nullement des dispositions précitées que, comme le soutient le requérant, le règlement du PLU imposerait deux places de stationnement par tranche de 80 m² de surface hors oeuvre nette. En outre, ces dispositions exigent que la superficie globale du terrain affecté au stationnement, accès inclus, représente 25 m² par place de stationnement, sans exiger contrairement à ce que soutient le requérant, que chaque place de stationnement prise isolément présente une superficie de 25 m².
14. Il ressort du plan de masse du dossier de demande que le projet prévoit la construction d'un garage ainsi que de deux places de stationnement extérieures, excédant ainsi l'exigence de prévoir deux places de stationnement par logement. Il n'est pas établi par M. E... que la surface affectée au stationnement extérieure englobant les accès serait inférieure à 25 m².
15. En quatrième lieu, aux termes de l'article UC 13 du règlement du PLU : " Limites de zone N ou A : Dans le cas où une limite de parcelle correspond à une limite de zone naturelle ou agricole, une haie d'arbustes et d'arbres d'espèces indigènes sera plantée de façon à constituer une lisière unitaire et assurer une transition harmonieuse avec le domaine naturel. / Les haies composées uniquement d'essences persistantes sont interdites. "
16. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier de demande, en particulier du plan de masse ou de la notice descriptive que le projet prévoit la plantation d'une haie d'arbustes et d'arbres d'espèces indigènes, alors que la parcelle ZP n° 225 se trouve en limite d'une zone agricole. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent doit être accueilli.
Sur l'application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
17. Le vice relevé au point 16 affecte une partie identifiable de la construction et est susceptible d'être régularisé. Compte tenu de la nature de ce vice et des effets de l'annulation, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de M. E... comme le demandent subsidiairement la commune de Charpey et M. et Mme B... mais seulement, en application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, d'annuler le permis de construire en litige, en tant qu'il ne prévoit pas de plantation de haie d'arbustes et d'arbres d'espèces indigènes en limite de parcelle et de fixer à trois mois le délai imparti aux pétitionnaires pour solliciter la régularisation du projet.
18. Il résulte de ce qui précède que M. E... est fondé à soutenir, dans la mesure précisée au point précédent, que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et à demander, dans cette même mesure, outre l'annulation de ce jugement, celle du permis de construire en litige.
Sur les frais d'instance :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par M. et Mme B..., qui n'ont pas la qualité de partie. Ces dispositions font également obstacle à ce que la somme que la commune de Charpey demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances, de faire droit aux conclusions présentées par M. E... au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention de M. et Mme B... est admise.
Article 2 : Le permis de construire du 11 mai 2017 est annulé en tant qu'il ne prévoit pas de plantation de haie d'arbustes et d'arbres d'espèces indigènes en limite de parcelle.
Article 3 : Le délai imparti à M. C... et Mme G... pour solliciter la régularisation du projet est de trois mois.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 juin 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Les conclusions des parties sont rejetées pour le surplus.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... E..., à la commune de Charpey, à M. C... et Mme G... et à M. et Mme B....
Délibéré après l'audience du 6 avril 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme I... F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.
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N° 19LY03339