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27/04/2021 | FRANCE | N°19LY02910

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 27 avril 2021, 19LY02910


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, premièrement, d'annuler, d'une part, les dispositions de l'arrêté collectif n° 223 du 15 juin 2017 par lequel le recteur de l'académie de Clermont-Ferrand a déterminé le mouvement intra-académique la concernant, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le recteur l'a affectée dans la zone de remplacement de Saint-Flour-Brioude, ensemble le rejet de son recours gracieux dirigé contre cet arrêté, opposé le 29 juin 2017, enfin

l'arrêté du 11 juillet 2017 par lequel le recteur lui a assigné, pour l'année 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, premièrement, d'annuler, d'une part, les dispositions de l'arrêté collectif n° 223 du 15 juin 2017 par lequel le recteur de l'académie de Clermont-Ferrand a déterminé le mouvement intra-académique la concernant, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le recteur l'a affectée dans la zone de remplacement de Saint-Flour-Brioude, ensemble le rejet de son recours gracieux dirigé contre cet arrêté, opposé le 29 juin 2017, enfin l'arrêté du 11 juillet 2017 par lequel le recteur lui a assigné, pour l'année 2017/2018, un service partiel au collège Lafayette de Brioude et des missions de remplacement sur le secteur de Saint-Flour-Brioude et au collège de Liziniat de Saint-Germain-Lembron, deuxièmement, d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2017 par lequel le recteur lui a assigné, pour l'année 2017/2018, un service partiel au collège Lafayette de Brioude et des missions de remplacement sur le secteur de Saint-Flour-Brioude, troisièmement, d'enjoindre au recteur de l'académie de Clermont-Ferrand de l'affecter dans un établissement situé dans les zones géographiques de Brioude ou d'Issoire.

Par jugement n° 1701504-1702019 lu le 29 mai 2019, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 juillet 2019, 18 mars 2020, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a refusé de faire droit à ses demandes dirigées contre l'arrêté du 15 juin 2017 et le rejet de son recours gracieux ;

2°) d'annuler les dispositions de l'arrêté rectoral du 15 juin 2017 l'affectant sur la zone de remplacement Saint-Flour Brioude, et le rejet de recours gracieux qui lui a été opposé le 29 juin 2017 ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Clermont-Ferrand de l'affecter dans un établissement situé dans les zones géographiques de Brioude ou d'Issoire, et accessible en moins de trente minutes de trajet en automobile ou accessible en transports en commun, et, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation en tenant compte des restrictions médicales dont elle fait l'objet ;

4 ) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier ; c'est à tort que le tribunal a jugé que cette affectation était conforme à ses voeux et qu'elle ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre cette décision ;

- la procédure mise en oeuvre caractérise une discrimination à l'égard des personnes en situation de handicap ;

- la décision est illégale dès lors que l'affectation a été prononcée en méconnaissance des critères légaux permettant de déterminer les priorités entre les candidats ;

- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation, son état de santé et celui de son mari n'ont pas été pris en compte, elle ne bénéficie pas de la bonification accordée aux personnels handicapés.

Par mémoires enregistrés les 12 mars 2020, et 4 décembre 2020, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Les parties ont été informées conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office l'irrégularité du jugement en ce que le tribunal a omis de prononcer un non-lieu sur les conclusions de la requête de Mme C... dirigées contre l'arrêté du 15 juin 2017 et le rejet du recours gracieux du 29 juin 2017 dès lors que cet arrêté a été rapporté par un arrêté du 11 juillet 2017 lui-même retiré par arrêté du 1er septembre 2017, devenu définitif.

Par mémoire enregistré le 10 mars 2021, Mme C..., en réponse à cette mesure d'instruction, maintient ses conclusions et soutient que le litige garde son objet dès lors que les arrêtés des 11 juillet 2017 et 1er septembre 2017 se bornent à préciser les modalités de son service pour l'année scolaire 2017/2018, dans l'affectation prononcée le 15 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation nationale ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972, notamment l'article 39-1 ;

- l'arrêté du 9 août 2004 portant délégation de pouvoirs du ministre chargé de l'éducation aux recteurs d'académie en matière de gestion des personnels enseignants, d'éducation, d'information et d'orientation de l'enseignement du second degré ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me A... pour Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., professeure certifiée de mathématiques reconnue travailleur handicapé, affectée au collège de Val-de-Reuil au sein de l'académie de Rouen, a demandé à compter de l'année scolaire 2017-2018 sa mutation au sein de l'académie de Clermont-Ferrand, au titre du mouvement dit inter-académique relevant du ministre de l'éducation nationale. Par arrêté ministériel du 30 mars 2017, il a été fait droit à sa demande. Mme C... a alors pris part au mouvement intra-académique de l'académie de Clermont-Ferrand en postulant pour vingt affectations qu'elle a classées par ordre de priorité décroissante. Par arrêté rectoral du 15 juin 2017, elle a été affectée dans la zone de remplacement Saint-Flour-Brioude et le recours gracieux qu'elle a présenté contre les dispositions de l'arrêté la concernant a été rejeté par décision du 29 juin 2017. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en ce qu'il rejette ses demandes d'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier, notamment du codage des postes soumis au mouvement intra-académique que l'affectation en zone de remplacement de Brioude-Saint-Flour ne correspond à aucun des voeux qu'a émis Mme C.... A cet égard, si elle a demandé à être affectée à Brioude et ses environs sur tout type de poste (codage 043954), ce voeu désignait sans ambiguïté une affection à temps plein dans l'un des établissements de Brioude ou de ses environs, non pas des remplacements dans le secteur de Brioude Saint-Flour (codage 043975ZV), alors en outre que Saint-Flour, situé dans le Cantal, n'est pas compris dans les environs de Saint-Flour, situé dans le Puy-de-Dôme. Dans ces conditions, le tribunal n'a pu sans entacher son jugement d'irrégularité, rejeter comme irrecevable la demande de Mme C... au motif que les décisions attaquées ne lui faisaient pas grief. Ledit jugement doit être annulé en ce qu'il rejette la demande d'annulation dirigées contre les dispositions de l'arrêté rectoral du 15 juin 2017 affectant Mme C... et contre le rejet de recours gracieux opposé le 29 juin 2017.

3. Il y a lieu pour la cour de statuer sur la demande de première instance de Mme C... par la voie de l'évocation.

Sur la demande d'annulation :

4. Ainsi qu'il est dit au point 2, les décisions attaquées lèsent la situation statutaire de Mme C... en ce qu'elles ne l'affectent pas à l'une des fonctions pour lesquelles elle a postulé. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le recteur en défense, tirée du défaut d'intérêt à agir, doit être écartée.

5. D'une part, aux termes de l'article 33 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " L'activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d'un grade, exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois correspondant à ce grade dans les administrations de l'État (...) ", tandis qu'aux termes de l'article 60 de la même loi, dans sa rédaction applicable : " L'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. / Dans les administrations ou services où sont dressés des tableaux périodiques de mutations, l'avis des commissions est donné au moment de l'établissement de ces tableaux. / (...) / Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles (...), aux fonctionnaires handicapés (...) et aux fonctionnaires qui exercent leurs fonctions (...) dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles (...) / (...) / Dans les administrations ou services mentionnés au deuxième alinéa du présent article, l'autorité compétente peut procéder à un classement préalable des demandes de mutation à l'aide d'un barème rendu public. Le recours à un tel barème constitue une mesure préparatoire et ne se substitue pas à l'examen de la situation individuelle des agents. Ce classement est établi dans le respect des priorités figurant au quatrième alinéa du présent article. Toutefois, l'autorité compétente peut édicter des lignes directrices par lesquelles elle définit, sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, des critères supplémentaires établis à titre subsidiaire (...) ".

6. D'autre part, les articles R. 911-82 et R. 911-84 du code de l'éducation ainsi que le II-4 de l'arrêté ministériel susvisé du 9 août 2004 ont donné délégation permanente de pouvoirs aux recteurs à l'effet de prononcer les nouvelles affectations des personnels de l'enseignement secondaire nommés au sein de leur académie.

7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions, d'une part, que toute mutation de fonctionnaire en position d'activité s'analyse comme l'opération qui permet à celui-ci d'exercer effectivement ses fonctions d'une affectation à une autre, ce qui implique qu'elle ne soit regardée comme achevée que lorsqu'intervient la décision désignant sa nouvelle résidence administrative à l'agent, d'autre part et en conséquence de ce qui vient d'être dit, qu'en cas de déconcentration partielle du processus de mutation telle que les mouvements de personnels enseignants entre académies, l'opération ne s'achève qu'à l'affectation dans l'établissement rattaché à l'académie de destination et que les règles régissant la mutation s'appliquent en phase inter-académique conduite par les services centraux du ministère comme en phase intra-académique relevant du recteur, enfin et sous réserve de l'intérêt du service, que les critères de classement définis par l'article 60 précité de la loi du 11 janvier 1984 doivent être appliqués à toute hauteur du processus, l'administration ne pouvant classer les candidats à une même affectation qu'en fonction d'un barème publié pondérant les critères énoncés par la loi et les départager qu'en fonction de critères complémentaires, préalablement définis et publiés.

8. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration ait examiné la candidature de Mme C... aux affectations du mouvement intra-académique en fonction des critères de l'article 60 précité de la loi du 11 janvier 1984, notamment au regard de son handicap, ni qu'elle ait dû départager plusieurs candidatures à ces affectations en fonction de critères complémentaires dont l'application se serait avérée systématiquement défavorable à la candidature de l'intéressée, ni enfin que des motifs particuliers tirés de l'intérêt du service, ou de l'examen de situations individuelles, devaient la conduire à rejeter toutes les demandes d'affectation exprimées par cet agent et à l'affecter de manière contrainte en zone de remplacement.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que sa mutation a été prononcée en méconnaissance des dispositions précitées. Les dispositions de l'arrêté rectoral du 15 juin 2017 affectant Mme C... dans le secteur de Brioude Saint-Flour doit être annulé ainsi que, par voie de conséquence, le rejet de recours gracieux opposé le 29 juin 2017.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Compte tenu du motif d'annulation qui le fonde, le présent arrêt implique nécessairement au sens de l'article L. 911-2 du code de justice administrative - mais seulement - que soit enjoint au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de faire réexaminer par le recteur de l'académie de Clermont-Ferrand la situation de Mme C... dans les délais compatibles avec le prochain mouvement intra-académique et que, dans la perspective d'une consultation de la commission administrative paritaire, soit soumise à la requérante une liste d'affectations ouvertes au mouvement de mutation préparatoire à la rentrée scolaire 2021-2022. Il y a lieu d'adresser au ministre une injonction en ce sens.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1701504-1702019 lu le 29 mai 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé en tant qu'il rejette la demande d'annulation dirigée contre les dispositions de l'arrêté rectoral du 15 juin 2017 affectant Mme C... et contre le rejet de recours gracieux opposé le 29 juin 2017.

Article 2 : Les dispositions de l'arrêté n° 223 du 15 juin 2017 par lequel le recteur de l'académie de Clermont-Ferrand a affecté Mme C... dans la zone de remplacement de Saint-Flour-Brioude sont annulées, ensemble le rejet de recours gracieux opposé le 29 juin 2017.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de faire réexaminer par le recteur de l'académie de Clermont-Ferrand la situation de Mme C... dans les délais compatibles avec le prochain mouvement intra-académique et que, dans perspective d'une consultation de la commission administrative paritaire, soit soumise à la requérante une liste d'affectations ouvertes au mouvement de mutation préparatoire à la rentrée scolaire 2021-2022.

Article 4 : L'État versera la somme de 1 500 euros à Mme C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

Mme Djebiri, premier conseiller ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.

N° 19LY02910 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02910
Date de la décision : 27/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-01-02 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Affectation et mutation. Mutation.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SELARL ADALTYS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-27;19ly02910 ?
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