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27/04/2021 | FRANCE | N°19LY02120

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 27 avril 2021, 19LY02120


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... B... et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 mai 2016 par lequel le maire de Saint-André-de-Boëge a refusé de leur délivrer un permis de construire.

Par un jugement n° 1604072 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 6 juin et 18 novembre 2019, M. E... B... et autres, représentés par Me D..., demandent à l

a cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 avril 2019 ainsi q...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... B... et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 mai 2016 par lequel le maire de Saint-André-de-Boëge a refusé de leur délivrer un permis de construire.

Par un jugement n° 1604072 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 6 juin et 18 novembre 2019, M. E... B... et autres, représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 avril 2019 ainsi que l'arrêté du 20 mai 2016 portant refus de permis de construire ;

2°) d'enjoindre au maire de Saint-André-de-Boëge de statuer à nouveau sur leur demande de permis de construire dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-André-de-Boëge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la commune ne produit pas l'habilitation donnée au maire pour la représenter en appel ; les écritures présentées en défense devront donc être écartées ;

- c'est à tort que le maire s'est fondé sur l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme pour refuser le permis de construire demandé ; il aurait dû se fonder sur l'article L. 145-III du code de l'urbanisme alors en vigueur à la date de leur demande initiale de permis de construire, déposée le 5 avril 2012, dès lors que cette demande a été confirmée en application de l'article L. 600-2 du même code, consécutivement à l'annulation par jugement du tribunal administratif de Grenoble, devenu définitif, des refus de permis de construire opposés par le maire par arrêtés des 24 août 2013 et 8 février 2014 ;

- le projet est réalisé en continuité avec les groupes d'habitations existantes et ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 122-5 ou L. 145-III du code de l'urbanisme ; les premiers juges ont inexactement calculé les distances entre les différents bâtiments et les constructions projetées ;

- c'est à tort que le maire de la commune s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme pour refuser le projet ; le maire, qui était tenu d'indiquer l'intégralité des motifs de refus de permis de construire en application de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, ne pouvait pas nouvellement invoquer ce motif dans le refus de permis de construire en litige dès lors qu'il n'en avait pas fait mention auparavant ; le risque de mouvement de terrain évoqué par la commune n'est pas établi et un réseau d'assainissement collectif a été mis en place sur le secteur où s'implante le projet.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 1er octobre 2019 et le 31 mars 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Saint-André-de-Boëge, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise solidairement à la charge des requérants en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... F..., première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me D..., pour M. B... et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Les consorts B... ont demandé, le 5 avril 2012, un permis de construire trois maisons d'habitation sur les parcelles cadastrées n° 800-803-2688 et situées à La Corbière pour une surface plancher créée de 588 m². Après avoir opposé un sursis à statuer d'une durée de deux années, le maire, ressaisi de la demande par les consorts B... postérieurement à l'adoption du PLU de la commune, a opposé deux refus de permis de construire les 24 août 2013 et 8 février 2014 qui ont été annulés par jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 décembre 2015. Après une nouvelle confirmation de leur demande, le maire de Saint-André-de-Boëge a opposé un nouveau refus de permis de construire aux consorts B... par arrêté du 20 mai 2016. Les consorts B... relèvent appel du jugement du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce dernier refus.

Sur la qualité du maire pour représenter en appel la commune :

2. Lorsqu'une partie est une personne morale, il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2132-1 du même code : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune. ". Enfin, aux termes de l'article L. 2132-2 : " Le maire, en vertu de la délibération du conseil municipal, représente la commune en justice. ". Alors que les requérants ont contesté la qualité du maire à agir en appel au nom de la commune dans un mémoire enregistré au greffe de la Cour le 18 novembre 2019 et régulièrement communiqué, la commune de Saint-André-de-Boëge n'a produit aucune délibération de son conseil municipal donnant délégation à son maire pour agir en justice ou l'autorisant à défendre à l'instance l'opposant aux consorts B.... Dans ces conditions, les consorts B... sont fondés à demander à ce que les écritures en défense de la commune en appel soient écartées des débats.

Sur la légalité de l'arrêté du 20 mai 2016 :

3. Pour refuser le permis de construire, le maire de Saint-André-de-Boëge s'est fondé d'une part, sur la circonstance que le projet ne s'insérait pas dans la continuité des groupes d'habitation existantes en méconnaissance de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme et que la solution d'assainissement et de gestion des eaux pluviales présentait des risques pour la salubrité et la sécurité publiques suivant l'article R. 111-2 du même code.

En ce qui concerne l'application de l'article L. 145-3 III du code de l'urbanisme :

4. L'article L. 600-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. ".

5. Aux termes de l'article L. 145-3 III alors applicable auquel a succédé l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme à compter du 1er janvier 2016 : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, (...) et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. ".

6. En premier lieu, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.

7. En application des dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, le maire de Saint-André de Boëge devait se placer à la date du second refus de permis de construire annulé, soit le 8 février 2014, cet arrêté annulant et remplaçant le précédent daté du 24 août 2013, afin d'apprécier la légalité de la demande de permis de construire confirmée par les consorts B... à la suite de l'annulation de ce second refus par jugement du tribunal administratif de Grenoble, devenue définitive. A cette date, était seul applicable l'article L. 145-3 III du code de l'urbanisme. Toutefois, cette disposition ayant fait l'objet d'une nouvelle codification à droit constant, c'est-à-dire sans en modifier la teneur, à l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme par ordonnance du n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 applicable à compter du 1er janvier 2016, le même refus de permis de construire aurait pu être valablement pris en application de l'article L. 145-3 III du même code. Par ailleurs, alors que les dispositions de l'article L. 145-3 sont d'application directe, la circonstance que le PLU de la commune a été entre temps annulé par jugement du tribunal administratif de Grenoble est sans influence sur la légalité du refus de permis en litige.

8. En second lieu, il résulte des dispositions précitées au point 5 que l'urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d'urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les "groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants" et qu'est ainsi possible l'édification de constructions nouvelles en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'un groupe d'habitations qui, ne s'inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L'existence d'un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l'existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble.

9. Il ressort des pièces du dossier que le projet des consorts B... prévoit la construction de trois maisons individuelles le long de la voie communale n° 9 qui dessert un premier groupe d'habitation situé à environ 40 mètres plus au Sud des terrains d'assiette et ensuite dessert des maisons implantées suivant une logique d'urbanisation diffuse jusqu'à un second groupe de maisons situées environ 70 mètres au Nord. Les quatre constructions les plus proches du terrain d'assiette, dont une est agrémentée d'un terrain d'entraînement pour les chevaux ayant été irrégulièrement installées et une autre, plus modeste faisant office de garage appartenant aux consorts B..., ne peuvent être considérées comme un groupe de constructions, ni comme s'inscrivant dans la continuité de deux groupes précédemment identifiés dont ils sont par ailleurs séparés par des parcelles herbues et par la route communale. Par ailleurs, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir d'un certificat d'urbanisme pré-opérationnel délivré le 18 février 1997 et identifiant les parcelles d'assiette comme relevant des parties urbanisées de la commune. Ainsi, c'est par une exacte application des dispositions du III de l'article L. 145-3 que le maire de la commune a refusé le permis de construire en litige.

En ce qui concerne l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

10. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

11. En premier lieu, l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme précise que les refus de permis de construire doivent être motivés. En conséquence, le maire de Saint-André-de-Boëge, statuant à nouveau sur la demande des consorts B..., devait indiquer les motifs de refus sur lesquels il se fondait, la circonstance que le motif tiré de la non-conformité du projet à l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme n'ait pas été évoqué dans les précédents refus de permis de construire opposés aux requérants sur la même demande est sans incidence sur la légalité du permis attaqué.

12. En second lieu, faute pour le terrain d'assiette du projet d'être desservi par un réseau public d'assainissement collectif à la date de la demande de permis de construire, la notice explicative et le plan de masse joints à cette demande, prévoyaient que l'assainissement serait assuré par une fosse septique avec préfiltres et filtres verticaux, avec évacuation des eaux de sortie, ainsi que des eaux de toiture et de ruissellement, jusqu'au ruisseau le plus proche par le moyen d'une canalisation d'une longueur d'environ 320 mètres.

13. Pour refuser le permis litigieux le maire s'est fondé sur la circonstance que, sur ce secteur de la commune, les infiltrations étaient impossibles en raison de la faible perméabilité des sols, que le cours d'eau où devaient se déverser les eaux usées traitées était en état de saturation et qu'enfin la solution préconisée serait difficilement réalisable eu égard à la longueur des canalisations projetées et à leur insertion dans un sol sujet aux glissements de terrain.

14. Pour contester cette appréciation, les requérants se bornent à se prévaloir d'un " certificat administratif " établi par le maire de Saint-André-de-Boëge en 2012, selon lequel le projet d'assainissement " est conforme et respecte les prescriptions du gestionnaire de l'assainissement " et de la circonstance, postérieure au refus de permis de construire en litige, que le secteur est, depuis, desservi par le réseau d'assainissement collectif. Alors qu'il ressort des pièces du dossier que les glissements et mouvements de terrains importants existants dans cette zone ne permettent pas l'installation de la canalisation d'évacuation projetée, l'appréciation portée par le maire de Saint-André-de-Boëge sur le projet pour l'application des dispositions précitées au point 10 n'est pas entachée d'erreur d'appréciation.

15. Il résulte de ce qui précède que les consorts B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Sur l'injonction et l'astreinte :

16. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation des consorts B... dirigées contre l'arrêté du 20 mai 2016 n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions des requérants visant à enjoindre au maire, sous astreinte, de leur délivrer le permis de construire sollicité, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demandent les consorts B... au titre des frais qu'ils ont exposés soit mise à la charge de la commune de Saint-André-de-Boëge, qui n'est pas partie perdante en appel. Compte tenu de ce qui a été dit au point 2, les conclusions présentées par la commune de Saint-André-de-Boëge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-André-de-Boëge présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-André-de-Boëge et à M. E... B..., premier requérant désigné.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente ;

M. Thierry Besse, président-assesseur ;

Mme G... F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.

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N° 19LY02120


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02120
Date de la décision : 27/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : MEROTTO

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-27;19ly02120 ?
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